LE VOYAGE DE PARIS
Quelle étrange boîte
Pour loger l'espoir
Que l'étroit couloir
D'un wagon qui boite !
« Rapides bonheurs ! »
Siffle la vitesse.
« Réveils de tristesse ! »
Hurlent tous les heurts.
La cloison qui langue,
Le plancher qui bat
Parlent dans leur langue
D'éternel combat ;
Mais la lampe blanche,
Au plafond qui penche,
Prie : « Aimez-vous, coeurs
Vaincus ou vainqueurs ! »
Puis un choc d'aiguille :
Une gare brille.
Son quai long et clair
Au passage a Tair
D'une banderolle
Oui soudain s'envole !
Et tout, peupliers
Et champs dépliés,
Pont de fer qui gronde,
Talus d'herbe brune,
Tout, jusqu'à la lune,
Entre dans la ronde.
La meute du vent
Par derrière aboie
Après notre joie,
Et la nuit devant
Nous ouvre son gouffre
Aux sourdes rumeurs
Oui chuchotent : « Souffre
Ou meurs I »
Autrefois j'adorais Paris comme une femme,
D'un amour de jeune homme émerveillé, soumis :
L'expérience ensuite et la douleur ont mis
Sa fièvre dans mon corps, son âme dans mon âme ;
Où que j'aille aujourd'hui, je le sens dans ma chair
Battre comme le pouls de ma vie elle-même ;
Ma pensée est un grain de la moisson qu'il sème,
Et c'est comme l'honneur de mon nom qu'il m'est cher.
Et, derrière Paris, tout au fond de mon être,
Une vigne verdit au soleil, dans un coin,
Et, sous le pampre translucide, une fenêtre
S'ouvre, et l'on voit la mer d'un gris d'argent, au loin.
François Porché, lu par Yvon Jean