Mon père m'avait indiqué il y a quelque temps qu'il aimerait bien lire
Proust, qu'il ne connaît pas. J'ai donc acheté Swann avec l'idée de lui offrir à un prochaine occasion. Mais il y a quelques jours, n'ayant rien de précis à lire, je me suis dit que je lirais bien quelques lignes, sans plus, de "Longtemps je me suis couché de bonne heure."
Erreur fatale.
Telle l'image bien connue du voilier enserré par les tentacules d'un kraken, j'ai été happé dans les fonds marins de cette oeuvre sans espoir d'en sortir avant un moment.
Heureusement, c'est une mer semi-tropicale aux eaux translucides où il y a tant à voir et à sentir. le nageur est environné de longues algues sinueuses et festonnées qui le frôlent à tout moment. Il rencontre de merveilleuses créatures : hippocampes fluorescents, méduses irisées, étoiles de mer aux couleurs improbables, oursins violacés, poissons tropicaux aux formes, couleurs et livrées étranges..., et tout cela dans un environnement sensuel dû à la tiédeur de l'eau et à sa nature marine : la mer n'est-elle pas à l'origine de la vie, n'est-elle pas pleine des semences des poissons, le nageur n'est-il pas
bercé par le flux et le reflux des vagues et des marées ?
Les longues algues ne sont-elles pas ces longues phrases proustiennes aux multiples propositions qui caressent en permanence le cerveau et l'esprit du lecteur. Leur rythme ne le plonge-t'il pas dans un état d'hébétude proche de celui du bébé qui va s'endormir ? La sensualité n'est-elle pas présente très vite dans l'oeuvre, pour le plus la quitter ? Ces créatures marines chatoyantes ne sont-elles pas toutes ces images, métaphores, finesses d'esprit, considérations esthétiques, voire traits d'humour que l'on y rencontre abondamment ?
Mais il est tard et temps de s'endormir : le lecteur poursuivra demain soir, tel le nageur qui, ayant fini son apnée, remonte à la surface avant de replonger. Quand il remonte, il voit la surface de la mer scintillante au soleil grâce à la réverbération des innombrables vaguelettes : n'est ce pas la couverture du livre encore illuminée de toutes les phases et propositions qu'il contient, qui chacune apporte un éclairage particulier sur le propos de l'auteur ?
Ne lisant pratiquement jamais deux fois un même livre, c'est une exception et, sans avoir été plus loin cette fois que la description de l'église de Combray, c'est cette impression qui s'impose déjà puissamment au lecteur amateur que je suis : cela risque d'être très addictif !