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4,11

sur 4118 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le croyant dit "Je crois que..."
Le savant dit "Je sais que..."
Le critique d'une oeuvre littéraire, lui, a une position un peu intermédiaire, pas évidente à tenir, car il possède une conviction invérifiable et imparable relevant de sa propre idiosyncrasie, probablement plus proche de celle d'un croyant que de celle d'un savant. Mais, dans le même temps, un critique doit être capable d'expliquer cette vision personnelle par une suite d'arguments tangibles ou crédibles, plus ou moins vérifiables ou falsifiables et, si possible, admis du plus grand nombre ou disons simplement, du plus grand nombre possible. Aussi, sa position relève-t-elle plus, par cet aspect, du travail d'un scientifique.
En somme, le critique a le droit de tout dire, pour peu qu'il soit en mesure de l'argumenter de façon tant soit peu convaincante.
Le critique dit donc "J'aime parce que" ou "Je n'aime pas parce que".
Certes, certains arguments sont plus frappants que d'autres mais on ne pourra probablement pas taxer d'illuminé de mauvaise foi un critique ayant déroulé un éventail cohérent d'arguments liés au texte et concourant à son amour ou à son désamour de l'oeuvre littéraire qu'il critique.

Si je vous écris que j'aime "Du côté de chez Swann" parce que ma grand-mère s'appelait Madeleine, okay, c'est un argument, mais pas franchement décisif, car non seulement il vient tout seul et que de plus on peut avouer sans honte qu'il est de peu de retentissement parmi les quelques malheureuses âmes qui n'ont jamais connu ma grand-mère.
Par contre (attention je vais essayer de faire une phrase à la Marcel Proust), si vous dites que vous avez été émus par l'habile capture de la sensation sur notre être et de son immense pouvoir à susciter ou à ressusciter les moments révolus qui ont marqués des pans entiers de notre existence, éveillant au passage, par-ci par-là, quelques bouffées de nostalgie, en précisant deux ou trois passages du texte particulièrement significatifs à vos yeux à propos de cette qualité de l'oeuvre, on pourra alors certes ne pas partager votre vision ou votre émotion de lecture, mais on ne pourra certainement pas vous taxer de mauvaise foi, de partialité ni d'être aucunement bonimenteur ni affabulateur.

Vous avez compris que si j'ai pris la peine d'un si long préambule sur la difficulté d'être critique, c'est que justement, pour le coup, avec Proust je sèche complètement.
Ce que je sais, c'est que j'ai bien aimé. Pas adoré, mais vraiment bien aimé. Or, ceci dit, je me sens totalement incapable de dire pourquoi ou d'en dire plus. Force m'est de reconnaître que bien que ce livre possède un statut très particulier pour moi, qu'il revêt une vraie importance, je suis incapable d'en parler aux autres. Preuve probablement qu'il a touché quelque chose d'intime ou que ma pudeur inconsciente m'interdit d'extérioriser. Telle une toile dans un musée, dont on sait qu'elle nous plait, mais on ne saurait l'expliquer à qui que ce soit. La toile a cependant l'avantage de l'immédiateté ce qui n'est pas le cas d'une oeuvre écrite de l'envergure et de l'ampleur de ce livre. C'est un mystère même pour moi. J'ai bien deux ou trois idées sur la question mais je ne me convaincs pas moi-même. Il est vrai que j'ai lu du Côté de Chez Swann il y a bien trop longtemps maintenant et qu'une relecture s'imposerait très certainement, mais tout de même. J'ai l'impression de ne pas avoir tant oublié que cela et que ce n'est pas un défaut de mémoire qui m'empêche d'en dire plus et mieux sur ce livre. Je ne me l'explique pas, c'est ainsi, il faut accepter parfois de ne pas tout comprendre de son propre fonctionnement ni d'être en mesure de tout expliquer.
Je sais seulement que ce livre a eu un effet sur moi. Après sa lecture, je n'ai jamais plus eu peur d'aucun livre, aussi gros et impénétrables soient-ils. Après la lecture de "Du côté de chez Swann", je me suis dit que je n'étais peut-être pas totalement hermétique aux choses de la littérature, pensée qui était assez solidement ancrée en moi auparavant.
Me voilà donc bien fine, avec au creux des mains un livre pas si petit que ça, que j'ai passé un certain temps à lire, dont je puis affirmer que je l'ai bien aimé et avec tout cela, je suis pourtant incapable d'expliquer pourquoi. C'est bête, n'est-ce pas ? Certes mais c'est mon ressenti, ce qui signifie, plus que jamais, pas grand-chose.
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Plus efficace que les cartes postales anciennes, il y a Proust.
Plus savoureux que les madeleines de Liverdun, il y a Proust.
Plus méticuleux que ma Belle-Maman, il y a Proust.
Plus cérébral que Proust, il y a... euh, personne, en fait.

Alors, voilà, depuis qu'enfant j'ai découvert la littérature, pas moyen d'échapper à Proust et pour des raisons qui échappent à ma mémoire - vite, une madeleine ! - je nourrissais un très vilain a priori négatif sur ce grand auteur. Bref, je pensais détester à l'heure de me lancer à mon tour dans l'aventure proustienne.

Marcel Proust impressionne fortement les lecteurs, qu'il les fascine ou les horripile, c'est ce qui se dit généralement ; en ce qui me concerne, il a fait les deux, alternativement. J'ai d'abord été presque transcendée par la première partie du récit décrivant l'enfance du narrateur à Combray, la villégiature de famille en Normandie, m'extasiant sur la beauté du style et la poésie de la narration. C'est notamment ici que se niche la fameuse madeleine. Je me suis régalée.

Exaspérée, ennuyée et désabusée, je l'ai ensuite été avec "Un amour de Swann", récit dans le récit, et qui constitue la seconde et plus conséquente partie de ce premier tome de "La recherche". L'amour passionnel - et cependant beaucoup trop cérébral à mon goût - de Charles Swann pour Odette de Crécy, une demi-mondaine vulgaire et manipulatrice, se fraye un chemin mouvementé dans le Paris mondain de la "fin de siècle" - période très intéressante pour l'étude des moeurs bourgeoises, soit dit en passant.

Swann, grand intellectuel, célèbre dilettante, mémorable érudit, indécrottable esthète, cultivé, sophistiqué, mondain, rationnel, rigoureux, chic... va connaître l'amour et tomber de son piédestal jusqu'à s'avilir dans le rôle peu glorieux du cocu. Même si "Un amour de Swann" recèle des trésors de psychologie et d'analyse émotionnelle méticuleux, j'avoue que sans le style brillant de l'auteur, j'aurais abandonné ma lecture, mais comme le noyé qui voit au loin surnager la bouée qui lui promet le salut, je me suis accrochée au récit, ce en quoi j'ai bien fait afin de renouer en dernière partie avec notre narrateur de Combray devenu adolescent, revenu à Paris et... amoureux de la fille de Swann !

Ce que je retiens de mon premier contact avec Proust, c'est la nécessité impérieuse de devoir abandonner ma maîtrise du temps, de "laisser le temps au temps", c'est accepter de me laisser bercer par une prose certes ardue mais unique en son genre, et c'est enfin voyager dans un Paris bourgeois plus vrai que nature où les codes sociaux semblent à la fois si étrangers et si familiers.

Au panthéon de toute culture littéraire, c'est indéniable, il y a Proust.


Challenge XXème siècle
Challenge PAVES 2015 - 2016
Challenge MULTI-DEFIS 2016
Challenge 19ème siècle 2016
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S'attaquer à Marcel Proust, c'est comme tenter de gravir l'Everest. En tout cas, pour moi. Un sommet inatteignable pendant très longtemps, trop longtemps.
J'ai tenté de lire « du côté de chez Swann » à l'adolescence, lorsqu'au lycée, on se doit à se confronter à ces textes classiques. Mais j'ai trouvé l'histoire trop longue, trop lente, sans intrigue, sans intérêt. Les années ont passé, l'expérience s'est renouvelée, ces cuisants échecs laissant derrière moi un souvenir d'inachevé et d'incompréhension au regard des avis.
Alors cette fois-ci, pour gravir cette montagne, une des plus belles, sinon la plus belle, je ne suis pas partie toute seule. J'ai choisi comme compagnons de voyage deux belles voix, celles d'André Dussolier et de Lambert Wilson. Et là, le charme a opéré, je me suis laissée prendre par le style « proustien ».
Avec ces deux grands acteurs, la lecture des phrases interminables de l'auteur est devenue accessible et l'ascension ne m'a plus paru réservée uniquement aux lecteurs les plus chevronnés.

*
Alors c'est vrai que le style de l'auteur est déconcertant. Quand on commence une phrase, on peut parfois se demander quand elle va finir. Les nombreux tirets et parenthèses, autant de digressions labyrinthiques, tels des tiroirs que l'on ouvre et referme, amènent le lecteur à s'imprégner de l'atmosphère et à être au plus près des émotions et des sentiments du narrateur dont nous suivons la pensée.

L'écriture de ces longues phrases marque un rythme lent, berçant comme la houle, en accord avec la pensée de l'auteur.
Les nombreuses métaphores dans les descriptions amènent une mélodie.

« Avant d'y arriver, nous rencontrions, venue au−devant des étrangers, l'odeur de ses lilas. Eux−mêmes, d'entre les petits coeurs verts et frais de leurs feuilles, levaient curieusement au−dessus de la barrière du parc leurs panaches de plumes mauves ou blanches que lustrait, même à l'ombre, le soleil où elles avaient baigné. »

*
Le roman se compose de trois grandes parties, distinctes, mais en même temps indissociables.
Dans la première, le narrateur commence ainsi :

« Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n'avais pas le temps de me dire : « Je m'endors. » »

Il y évoque son enfance dans la demeure familiale de Combray, les nombreuses visites qui rythment sa vie, sa relation fusionnelle avec sa mère, et son amour pour la littérature.

Dans la seconde, le narrateur évoque la vie de Charles Swann, un ami de la famille.

Et dans la dernière, le narrateur relate ses rêves de voyages. Désirs d'admirer les tempêtes, envies de découvrir les paysages et l'architecture des villes de Normandie et d'Italie. Il évoque aussi sa maladie.

*
Les descriptions très précises des personnages apportent une vision culturelle, sociétale, et permettent de dresser notamment un portrait de la bourgeoisie et de l'aristocratie de l'époque.
Et là, que c'est savoureux !

« J'habite à trop de milliers de mètres d'altitude au-dessus des bas-fonds où clapotent et clabaudent de tels sales papotages, pour que je puisse être éclaboussé par les plaisanteries d'une Verdurin… »

Avec quelle perspicacité, Marcel Proust dessine de beaux portraits, s'attachant à les décrire dans toute leur suffisance, leur médiocrité, leur méchanceté née de l'oisiveté, leur promptitude à juger au nom des convenances et du statut social. Calambours, métaphores et autres jeux de mots sont autant de plaisirs et d'éloquence mettant en valeur l'esprit brillant qui l'utilise à bon escient qu'une arme servant à ridiculiser celui qui en est dépourvu.

« le bonheur des méchants comme un torrent s'écoule. »

Avec la précision d'un scalpel, Marcel Proust explore les profondeurs de l'âme humaine, les jalousies, les souffrances et les tourments d'un amour irraisonné et déraisonnable, un amour non réciproque.

« Tu es une eau informe qui coule selon la pente qu'on lui offre, un poisson sans mémoire et sans réflexion qui tant qu'il vivra dans son aquarium se heurtera cent fois par jour contre le vitrage qu'il continuera à prendre pour de l'eau. »

*
Marcel Proust s'attarde sur de nombreux lieux, Combray, Balbec, Guermantes, et c'est avec une grande minutie qu'il nous dépeint l'éclat de la nature, les belles demeures et en particulier l'intimité des chambres. On trouve de nombreuses descriptions révélant la beauté des paysages et des fleurs lors de longues promenades.

« La haie laissait voir à l'intérieur du parc une allée bordée de jasmins, de pensées et de verveines entre lesquelles des giroflées ouvraient leur bourse fraîche, du rose odorant et passé d'un cuir ancien de Cordoue, tandis que sur le gravier un long tuyau d'arrosage peint en vert, déroulant ses circuits, dressait aux points où il était percé au-dessus des fleurs dont il imbibait les parfums l'éventail vertical et prismatique de ses gouttelettes multicolores. »

*
« A la recherche du temps perdu » c'est aussi relire des passages d'anthologie, comme celui de la madeleine qui symbolise la nostalgie provoquée par une saveur, une odeur et le souvenir qui replonge le narrateur dans l'enfance.

« Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ; peut-être parce que de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ; les formes, – et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel, sous son plissage sévère et dévot – s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. »

*
Une chose très étonnante. Je n'aurais jamais pensé rire en lisant Marcel Proust, mais contre toute attente, j'ai trouvé beaucoup de passages très amusants comme celui-ci.

"Les personnes flatteuses savent se faire bien venir et ramasser les pépettes ; mais patience, le bon Dieu les punit toutes par un beau jour…"

Est-ce voulu par l'auteur ? Je me suis posée la question. Cela tient-il à l'attitude snob, maniérée et hautaine de certains personnages du roman ? Ou au décalage dans le registre de langue, tantôt élégant, raffiné, tantôt familier ? Toujours est-il que le ton employé est très plaisant.

*
Pour conclure, lire Marcel Proust, c'est un plaisir de lecture extraordinaire. C'est vivre également une expérience de lecture, à la fois intimidante, intime et méditative.

J'ai aimé le style de Marcel Proust, un style unique, harmonieux et recherché, d'une extrême précision et d'une richesse poétique incroyable. J'ai été agréablement surprise par les nombreuses situations comiques et l'humour très fin résultant des convenances et des hiérarchies sociales.

Une magnifique réflexion sur la mémoire, les souvenirs, le temps qui passe, la littérature et l ‘amour.

Bien sûr, « du côté de chez Swann » est à lire. Pendant longtemps, je n'ai pas compris les avis dithyrambiques sur cette oeuvre que je trouvais ampoulée et précieuse. Je pense maintenant qu'il y a un moment pour tout, un moment dans notre vie où le texte de Marcel Proust va raisonner en nous.

*
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« Quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. »

Depuis le temps que la lecture de ce monument de la littérature me trottait dans la tête et que je la repoussais à coups de « bonnes » excuses, il fallait bien que le temps me rattrape un jour. Et c'est par une LC qu'il est venu délicatement me cueillir.

J'ai beaucoup aimé la première partie, qui n'est pourtant pas la plus facile d'accès avec ses longues phrases entrecoupées de parenthèses et de tirets. Il m'a fallu un temps d'adaptation, il m'a surtout fallu prendre le temps, pour qu'elles raisonnent en moi, pour m'imprégner de leur rythme particulier et des sensations, des vibrations, des senteurs, des saveurs, de l'humour aussi.

Le narrateur nous convie dans les déambulations romanesques et sensorielles de son enfance en empruntant des chemins de traverses, un peu comme une conversation qui dériverait d'un sujet à un autre jusqu'à ce que les intervenants se regardent perplexes en se demandant comment ils en sont venus à parler de ce sujet. Nous observons son monde intérieur se modeler dans son environnement, et vice versa. Il nous rappelle que ce qu'on croit être La réalité n'est qu'une réalité fictionnelle parmi d'autres. C'est fascinant de le voir tenter de retenir le temps dans ses mains en coupole et d'essayer de comprendre comment certains souvenirs se fixent et vivent une autre réalité en parallèle.

Mais (car il y a un mais…) il y a aussi, de mon point de vue, des longueurs assommantes. A cet égard, la deuxième partie m'a paru interminable. Cette partie, consacrée à Swann, est très différente de la première, plus axée sur sa passion amoureuse et ses sauts de jalousie. L'analyse des amours de Swann y est tellement décortiquée que cela a fini par m'ennuyer souverainement. J'étais bien plus intéressée par les anecdotes et les détails de ce milieu aisé, détestable, sans l'être vraiment sous le regard du narrateur, meublant l'ennui à sa façon, pétri de convenances guindées et protocolaires. Ça sonne si juste qu'on s'y croirait.

Quant à la troisième partie, bien plus courte, à l'image d'un épilogue, elle réconcilie à sa façon les deux premières.

Un ressenti, un tantinet entre le zist et le zeste, donc. Mais je suis contente d'avoir enfin gouté à cette fameuse madeleine et même assez curieuse de découvrir le second volet. C'est un livre très riche, sensoriel, nostalgique, à l'écriture délectable. Certains passages sont magnifiques. Ma partenaire de lecture (Nadou38) et moi-même n'avons pas nécessairement été sensibles aux mêmes choses dans ce roman. Comme quoi, chacun devrait y trouver son compte finalement.
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Je n'avais jamais imaginé lire Proust un jour, encore moins entreprendre la Recherche; pas mon genre, pas féru de pavés, déjà impatient lorsque Zola s'étire dans ses descriptions, bref il y a tant de bonnes choses à lire et la vie est courte. Mais voilà que lors d'une rencontre d'un club de lecture, une fan finie de Marcel nous lit le passage des madeleines et explique son engouement pour l'oeuvre; convaincue et convaincante. Assez en tous cas pour prendre la température de l'eau, prudemment, presque à reculons, en intercalant, après une dizaine de pages, des chapitres d'un bon roman de gare, là où les choses avancent, les phrases compréhensibles et les effets de toge inexistants. Puis, peu à peu, insidieusement, j'allongeai mes incursions dans Combray, admirant ci et là une tournure de phrase, appréciant une réflexion du narrateur, cherchant à me mettre au diapason de ce rythme tellement lent. Je ne l'ai pas réalisé sur le coup, mais j'étais déjà piégé !

Cette écriture est une drogue: la jouissance qu'elle apporte parfois rend tolérable les ennuis qui l'accompagne. Car sur le fond un amour de Swann ne m'a pas enchanté, ses états d'âme en perpétuels changements, son incapacités à décoder le jeu de sa cocotte, et pire future femme, sa complaisance dans la douleur, m'ont agacé plus qu'autre chose. Par contre les réflexions existentielles du narrateur, ses propos sur l'art et la galerie de personnages qui se déploie sont déjà intrigantes et promettent de belles choses. Preuve que je suis hameçonné, ayant à peine fermé Swann, je reluque déjà les jeunes filles . . . Mais elles attendront quelques semaines, avec Proust il ne faut pas être pressé.
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Enfin lu ! Ce roman qui faisait peur, si renommé, si controversé !
Plusieurs fois, pour ma propre culture et curiosité, j'avais souhaité commencer la lecture de A la recherche du temps perdu de Proust, mais je me laissais influencée par les personnes (libraires, amis lecteurs...) qui y étaient particulièrement hermétiques.

C'est à l'occasion des 100 ans de la mort de ce grand maître de la littérature française que je me décidai à entamer cette lecture challenge, appréhendant un peu.

Et puis, les premières pages et je me dis : "mais tous ces mauvais commentaires pour cela ? Pour ce genre de phrases ? "
J'étais agréablement surprise car je m'attendais à une écriture très sophistiquée, peu accessible car trop lettrée, trop élaborée. Je m'imaginais, comme le dit la rumeur, de longues phrases à rallonge qui me feraient perdre le fil. Finalement, pas du tout. de belles phrases littéraires oui, un roman original de part son thème qui est justement l'absence de sujet précis, pas d'aventures, pas de récit digne de ce nom, mais de belles phrases sensibles pour apprécier le temps, la philosophie de la vie, la beauté de la nature et de toutes ces petites choses qui nous entourent.

J'ai beaucoup aimé la première partie : Combray. J'ai découvert en Proust un homme particulièrement sensible, sûrement hypersensible et hypersensoriel, attentif à chaque son, chaque couleur, chaque forme. Tous ces sens se mêlent à son imagination et à sa créativité artistiques et viennent ainsi peindre un tableau de sa vie contemplatif. Je m'imagine A la recherche du temps perdu comme ce tableau contemplatif qui se lit comme on méditerait devant un tableau de peinture. Plusieurs phrases m'ont beaucoup touchées de par leur sensibilité et leur poésie.

J'ai trouvé la deuxième partie surprenante car on parle soudainement de Swann et non plus du narrateur (Proust). le personnage de Swann est intéressant, on compatit pour sa douleur, sa détresse et on finit par détester Odette autant que cette société mondaine et bourgeoise ridicule et détestable. Un amas de bêtises humaines qui abaisse l'homme à ses pires bassesses.
Néanmoins, que de longueurs dans cette partie ! J'avoue avoir fini par m'ennuyer.

On retrouve en troisième partie l'histoire du narrateur tel qu'on l'avait laissé à la première partie mais la deuxième partie m'avait de ce fait coupé dans mon élan. J'ai retrouvé bizarre cette coupure entre première et troisième partie, comme si Un amour de Swann avait été un roman indépendant lu entre temps.
On y retrouve l'hypersensibilité devant la musicalité des mots, des noms, et les émotions devant chaque paysage, chaque rayon de soleil et chaque petit détail de la vie quotidienne qui viennent bouleverser et émerveiller la vie de celui-ci.

Pour moi, la meilleure partie du roman reste la première partie Combray.
Je suis ravie d'avoir enfin connu la plume de Proust, bien plus accessible qu'on ne le raconte, et qui, si ce n'est pas un coup de coeur car pas mon genre de littérature, me laissera sans aucun doute un souvenir fort, puissant et durable.
Je lirai petit à petit les prochains tomes, peut-être un par an.

PS : je me suis achetée des madeleines exprès (des madeleines nappées de chocolat...) pour les déguster en les trempant de mon thé, tout en lisant A la recherche du temps perdu, ;) Quoi de mieux pour prendre le temps, profiter de ces petits instants de vie sacrés ?

Heureuse de ma découverte et de ma lecture. Merci !
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J'ai eu beaucoup de mal à lire ce roman. En fait je m'y suis reprise à plusieurs fois et sur une très longue période, puisque je l'ai acquis il y a 40 ans! Je salue Marcel Proust pour sa prouesse littéraire, et j'avoue avoir trouvé du plaisir à découvrir certaines de ses descriptions et son cheminement de pensées. La lecture de ce texte n'est pas aisée car ce roman est constitué de trois parties très inégales, la seconde et la plus longue "Un amour de Swann" est une fine étude psychologique, mais les personnages sont peu sympathiques, Swann étant un benêt mondain berné par une demie-mondaine qu'il entretient. Marcel Proust est connu pour avoir un style très particulier, reconnaissable à ses très longues phrases. Les digressions sont assez nombreuses, ce qui fait qu'il faut être très concentré sur sa lecture afin de ne pas perdre le fil de l'histoire. Je suis heureuse d'avoir enfin mené à bien cette découverte du premier tome de la saga "A la recherche du temps perdu", mais ne pense pas lire les 7 autres tomes, n'appréciant pas particulièrement le monde dans lequel évoluent les protagonistes, milieu formé par des oisifs mondains marqué par l'hypocrisie de l'époque peut-être et passant leur temps à fréquenter des salons.
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Retour de (re)lecture sur "Du côté de chez Swann" écrit par Marcel Proust et publié en 1913. Une deuxième tentative de lecture, cette fois aboutie, après un premier abandon il y a 25 ans. Ce livre est le premier tome du roman "A la recherche du temps perdu" qui en comporte sept, mais peut se lire seul. Ce roman, qui est une introspection ultra détaillée, est une pièce majeure de la littérature française et parfois considéré comme le meilleur roman de tous les temps. Il contient l'épisode de la fameuse madeleine de Proust qui est maintenant devenue une expression courante. Ce roman est un travail littéraire impressionnant dans sa manière de décrire avec énormément de détails les sentiments, de mettre des mots sur les pensées les plus furtives, sur l'indicible. On n'est pas dans un roman classique mais plutôt dans une expérimentation littéraire, d'une complexité et d'une richesse incroyable. C'est tout le fonctionnement d'un esprit humain qui est décortiqué. Proust nous expose ainsi sa très grande sensibilité, il nous parle de ses peurs, de ses ressentiments et émerveillements, il nous partage la vie de ses personnages en nous épargnant aucun détail sur leurs sentiments, sur l'amour, la crainte, la jalousie, leurs peurs d'enfant ou d'adulte, les déceptions ou la trahison. Tout est exprimé par des mots avec énormément de grâce, de précision et de justesse, c'est là tout le talent et la spécificité de Proust. Par contre cela a un prix, et la lecture de ce livre est tout sauf facile. Il faut avoir énormément de persévérance, car le plaisir n'est pas toujours là. le vocabulaire utilisé par Proust est particulièrement riche mais la pagination est très dense, il y a peu de dialogues, les phrases sont souvent d'une longueur incroyable, il ne se passe pas grand chose, la ponctuation est très déstabilisante. Tout cela demande beaucoup de concentration et entraîne un rythme de lecture particulièrement lent. le livre est divisé en trois parties inégales. Dans la première partie "Combray" le narrateur nous raconte sur près de deux cent pages ses souvenirs d'enfant, dans la maison familiale de sa tante dans le Calvados. Cette partie est hallucinante. Proust pousse à l'extrême l'introspection, la description de ses sentiments, la lenteur des scènes et l'inaction. Il faut être particulièrement persévérant pour en venir à bout, on dirait presque qu'elle a pour unique but de faire une sélection et d'éliminer les lecteurs trop impatients pour s'adapter à cette mécanique littéraire proustienne. La deuxième partie "Un amour de Swann" est beaucoup plus facile et abordable puisqu'il y parle du sentiment amoureux et de ses différents états à travers ses personnages M.Swann et Odette de Crecy. Il y a également dans cette partie une description assez intéressante de cette classe sociale frivole des gens du monde au début du vingtième siècle, à travers leurs réunions mondaines. Une classe sociale qui semble ne jamais rien faire de constructif et évoluer dans une vacuité totale. La troisième partie "Un nom" est elle plus anecdotique étant beaucoup plus courte. Elle est néanmoins superbe, et donne du sens et de la cohérence à tout ce premier tome. Au final, c'est un livre pour lequel j'ai surtout retenu la performance littéraire, avant le plaisir qui était beaucoup trop intermittent. le plus grand plaisir étant finalement d'arriver au bout de cette lecture, qui est une épreuve, un périple littéraire, mais qui est passionnante et particulièrement intéressante, avec de très grands moments de jubilation sur certains passages. En tout cas, je signe sans hésiter pour le deuxième tome, "À l'ombre des jeunes filles".
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Dans ce premier tome d' “A la recherche du temps perdu”, Marcel Proust évoque, en trois parties distinctes, le souvenir d'une enfance entre Paris et Combray, lieu de vacances en famille. Rencontres, dîners, voisinage, calme, air frais, plaisir de lecture, sont tous ces moments que l'auteur se remémore avec douceur et mélancolie dans un texte riche sur le temps qui passe.

Je remercie les éditions du Livre de poche pour l'envoi de cette édition dans sa nouvelle traduction de Matthieu Vernet avec laquelle je découvre enfin l'oeuvre de Proust.

Du côté de chez Swann” est le premier des sept tomes constituant l'oeuvre principale de l'auteur écrite entre 1906 et 1922. Il est paru pour la première fois en 1913 aux éditions Grasset puis aux éditions Gallimard à partir de 1919. La préface indique que le texte de 2022 se rapproche au plus juste de l'original.

Marcel Proust retrace les souvenirs d'une jeunesse, les liens avec sa mère, sa santé fragile, les instants paisibles et simples, d'une simple lecture matinale sous un marronnier à une promenade en bord de mer, au goût du thé et à la dégustation de petites douceurs. L'auteur présente les personnages et décrit les lieux que l'on retrouvera plus tard.

Dans “Combray”, la première partie du livre, ces sont les souvenirs des vacances en Normandie chez tante Léonie. Il est fait référence à la famille et aux liens qui se créent avec un certain Charles Swann.

“Un amour de Swann”, la deuxième partie, est concentrée essentiellement sur cet homme très apprécié et bien entouré, ainsi que sur sa future femme, Odette.

Dans “Le nom”, troisième et dernière partie, l'auteur met l'accent sur le ressenti et les émotions que lui procurent certains lieux de vie et de vacances.

Le texte est très imagé. On visualise et on contemple toutes les scènes. Je n'ai pas trouvé la lecture difficile, mais elle demande du temps. Les phrases sont longues, il y a peu de ponctuations. C'est une lecture qui se savoure chaque jour.

"Du côté de chez Swann" est un roman autobiographique dans laquelle Marcel Proust aborde les thèmes de la famille, de la jeunesse, du souvenir et de l'amour. C'est aussi l'histoire d'une époque, d'une société bourgeoise du XXème siècle en France. C'est un premier tome condensé, volumineux, précis mais c'est aussi une immersion totale. Une fois que l'on entre dans la vie de ces personnages, on y reste pendant quelque temps en buvant un thé et en s'installant un petit cocon tout en détente.
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Si les phrases d'une page, les états d'âme, les descriptions de 30 pages et les refrains de Dave vous exaspèrent, passez votre chemin !
En revanche, si vous aimez les esprits torturés, l'esprit impressionniste, les langueurs du coeur bourgeois et le goût de la madeleine trempée dans le thé, alors "big up" à Marcel !

Le roman enchâssé dans le roman, "Un amour de Swann", m'a beaucoup moins plu que les délices des souvenirs d'enfance des débuts. Deux claques à la miss Odette de Crécy, voui voui, c'est bien ce que j'avais envie de faire ! Et puis dans la dernière partie, on retrouve cette écriture des sensations et du souvenir, et ce mystérieux amour de Swann s'éclaire comme par magie... du coup, le roman s'équilibre, frisant la perfection malgré la difficulté d'un texte dont on n'a plus l'habitude, bien entendu...
Mais c'est là la force des classiques, nous toucher profondément de façon inexplicable...
Y a pas à dire, quand on est un génie, on est un génie !
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