Shanghai, 1990. le corps d'une femme inconnue est retrouvé dans un canal. L'inspecteur Chen, poète à ses heures, est chargé de mener l'enquête.
L'intrigue est assez classique, on rencontre ce genre de pitch dans beaucoup de romans policiers. Ce qui fait tout l'intérêt de ce livre, c'est son contexte. Nous sommes en 1990, quelques mois seulement après les sanglants évènements de la place Tien An Men, alors que le gouvernement chinois traque le moindre signe de désaccord avec le Parti ou de lien avec la « bourgeoisie occidentale décadente ». Les enquêteurs marchent sur des oeufs, les témoins hésitent à parler et les indices risquant de salir la réputation les cadres du Parti ne sont pas autorisés à être révélés.
Difficile de mener l'enquête dans ces conditions, mais Chen et son adjoint Yu sont tenaces et bien décidés à mettre la main sur le coupable, quelles qu'en soient les conséquences. Malgré le contexte assez étrange pour des lecteurs occidentaux, il est donc facile de s'attacher aux personnages et de s'intéresser à leurs préoccupations.
Et leurs préoccupations ne sont pas seulement professionnelles, mais également personnelles. L'auteur prend le temps de s'attarder sur leur entourage, familles ou amis, et de décrire la vie en Chine à ce moment précis de son Histoire récente. Ayant lui-même été obligé de quitter le pays pour les Etats-Unis après les évènements cités plus haut, il est nettement plus sévère et réaliste que ne l'était par exemple un
Peter May, pour citer un écrivain ayant abordé la même période dans sa série Beijing, lorsqu'il mettait dans la bouche de son inspecteur Li des propos minimisant l'usage des tanks face à des civils manifestant pacifiquement. En lisant Qiu Xialong, nous ressentons avec ses personnages l'ambiance oppressante et l'omniprésence de la surveillance du Parti, même (et peut-être surtout) sur ceux qui en font partie. Nous sommes également témoins des paradoxes d'une société qui restreint les libertés individuelles tout en développant une économie de marché sur le modèle occidental.
Vous l'aurez compris, c'est essentiellement l'aspect historique que j'ai apprécié dans cette lecture, même si j'ai aussi aimé l'histoire en elle-même. J'ai appris énormément de choses, non seulement sur la Chine de la fin du 20e siècle, mais également sur sa poésie classique, le héros étant lui-même poète, sur la Révolution Culturelle, sur les traditions plus anciennes et sur bien d'autres sujets qui m'ont tout autant intéressée.
Je reprocherais malgré tout à ce livre pas mal de longueurs. L'intrigue avance très lentement et par moments il me semblait que l'auteur avait perdu de vue qu'il écrivait un roman policier. Il faut attendre les dernières 50-80 pages avant que ça devienne un peu palpitant. Je sais que dans la réalité, les enquêtes policières ne ressemblent pas aux aventures de Jack Bauer, mais, même si la description du contexte et de l'environnement sont très intéressants, c'est parfois répétitif et on a l'impression qu'on ne découvrira jamais le fin mot de l'histoire. On est loin du page-turner, c'est un roman qui prend son temps et qui du coup manque un peu de dynamisme. Malgré ce défaut, je lirai le tome suivant, en espérant qu'il aura les mêmes qualités que ce premier opus, mais corrigera ses défauts.
Une bonne lecture, très instructive et distrayante à la fois. Si vous aimez les romans policiers classiques et/ou vous intéressez à la Chine, n'hésitez pas à lui donner sa chance.
Lien :
https://bienvenueducotedeche..