Le très beau titre de ce roman en version originale est "The past is never". Il compose le début d'un citation de
William Faulkner "The past is never dead. It's not even past" extrait de son roman "Requiem for a Nun", placé en exergue du beau roman de
Tiffany Quay Tyson "
Un profond sommeil".. En français, la citation pourrait être interprétée ainsi : "Le passé n'est jamais mort. Il n'est même pas passé". Peut-on dire que le passé n'existe pas : "The past is never" alors qu'il constitue notre histoire, l'histoire, notre vie et notre futur ?
Au départ, il y a une carrière, dont on été extrait par des esclaves noirs, des pierres. Il y a le comblement de ce lieu par l'eau pour enterrer le passé (?). Il y a une famille aux origines multiples aux riches carnations. Cette famille va exploser avec la mystérieuse disparition d'une enfant, Pansy (la superbe, l'intelligente, chérie par sa mère et son père éblouis par tous ses atouts) juste avant d'entrer à l'école primaire, alors qu'elle était sous la garde de sa grande soeur Roberta Lynn dite Bert (qui préfère vivre en pantalon et explorer le monde sans peur plutôt que d'endosser des habits de fille) et de son grand frère, Willet qui étaient aller tous les deux chercher des mûres, car la petite savait parfaitement nager. Nous sommes à la fin des années 70. Papa va lui aussi disparaître pour retrouver sa fille, fuir quoi ?
Une histoire hantée par la grande histoire des Etats-Unis d'Amérique du Nord, dont on peut se demander si ils sont encore unis, à l'heure des divisions sociales (racisme, pauvreté mais toujours définie par rapport à la richesse de l'autre) démocratiques (tous les individus qui composent le mélange des Etats-Unis). Ce grand pays et le Mississippi au climat tropical et ses cyclones : esclaves noirs, prisonniers nazis allemands, européens qui ont éradiqué l'histoire et les peuples de ceux qui vivaient en ce lieu avant eux au lieu d'apprendre et d'échanger leurs connaissances mutuelles le Mississippi, état et fleuve qui se déverse dans le golfe du Mexique, un fleuve dont les eaux montent et descendent très vite, au tirant d'eau fluctuant comme la vie, avec ses bayous, ses mangroves des Everglades en Floride, un lieu où se perdre et se retrouver..
Ce texte est hantée par les mythes et les secrets des liens (familiaux, ceux du coeur, de l'esprit). Nous avons tous nos monstres : désir, désespoir, destruction, violence, mort, folie. Ils surgissent à des moments où notre esprit vacille, confronté à la réalité du monde dans lequel nous vivons et qui nous obligent à nous adapter constamment, à garder l'esprit ouvert, à espérer contre vents et marées, à nous couper parfois du monde pour nous ressourcer par les livres, la connaissance. Mamie Clem a ses connaissances et elle les transmet à ceux qui le désirent, aident les femmes à avorter si elles le souhaitent vraiment grâce à certaines plantes (dont certaines peuvent tuer) ou leur permet de trouver une famille d'accueil pour l'enfant si le délai est dépassé et que la mère ne veut pas de l'enfant. Mamie Clem est bienveillante, solide. Elle a un grand coeur et s'est composée une famille avec ceux qui n'en avait pas/plus.
Il y a
Mark Twain,
William Faulkner, Toni Morisson,
Harriet Beecher Stowe,
Maya Angelou,
Jesmyn Ward,
Delia Owens (ses descriptions de la faune et la flore locale, mais pas que) dans ce texte. On entend le blues de
Robert Johnson et John Lee Hooker, les voix de Bessie Smith, Etta James, l'étrangeté des XFiles, le boogeyman. Il y a du lyrisme dans la façon dont est raconté l'histoire des protagonistes, où finalement notre vie ne dépend que de ce que l'on en fait et où respecter les décisions des autres est aussi important que de respecter les siennes propres. Ensemble et séparés, respectueux de l'autre, riche de ce qu'il est, de son histoire, nous avançons vers l'avenir. Je remercie les Editions Sonatine et NetGalley de m'avoir permis de découvrir ce texte en avant première, même si j'ai mis un peu de temps à exprimer toute la richesse qu'il m'inspirait..