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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"Cela n'est pas possible, et pourtant, cela est."
(J. L. Borges, "Livre de Sable")

Si vous me dites : "fantastique latino-américain", je vous réponds : "Macondo".
Marquez représente sans doute le mieux ce que j'imagine sous le terme "réalisme magique", et sa "magie" restera toujours connectée avec la chaleur humide et l'odeur des bananiers qui se dégagent des pages de "Cent ans de solitude" : cet air qui ondule en créant toutes sortes de mirages qui transforment le réel en irréel, féerique ou inquiétant.
C'est comme une bulle de savon colorée qui flotte dans un monde rationnel, et il ne faut pas appuyer dessus, sinon elle explose et toute la magie est brisée.

Bien sûr, cette anthologie ne serait pas complète sans un récit de Marquez. J'ai appris dans un petit médaillon, dédié à chaque auteur, que Macondo de Marquez doit beaucoup à Yoknapatawpha County de Faulkner... mais oui ! Mais tandis que Faulkner utilise le procédé classique du "courant de conscience", pour créer des histoires aussi inquiétantes qu'"Une rose pour Emily", les auteurs de l'Amérique latine vont créer quelque chose à part, en distordant la réalité et en y rajoutant des éléments absurdes et oniriques. La géographie aidante, nous nous sentons subitement à mille lieues des auteurs à l'héritage européen.

Toutes les histoires du recueil (une bonne trentaine) ne sont pas du "réalisme magique", mais elles sont toutes "étranges" ou "fantastiques". Que vous préfériez un conte plutôt classique dans le style de Poe, une bizarre histoire humoristique, une terreur pure et dure ou un récit psychologique, vous y trouverez toujours votre bonheur. Les auteurs comme Quiroga, Borges, Marquez, Bioy Casares, Cortazar, Vargas Llosa et bien d'autres sont à votre service... donc, à lire de préférence dans une confortable chilienne avec un gros verre de mocochinchi à la main.

Forcément, chacun ses goûts (ce qui est aussi valable pour le mocochinchi; à ne surtout pas confondre avec Monchhichi !), alors je vais dresser mon propre palmarès, en commencant par "Anaconda" d'Horacio Quiroga. En général, les histoires d'animaux m'ennuient profondément, mais il y avait quelque chose de paralysant, voire venimeux, dans ce récit sur un Grand Conseil de serpents de la jungle, qui vont se liguer contre leur ennemi commun, l'homme.
En me disant qu'il n'y aura probablement pas mieux, j'ai relu avec plaisir "L'Aleph" de Borges et l'histoire de Marquez sur le plus beau noyé du monde, avant de tomber sur le "Retour aux sources" d'Alejo Carpentier. Son histoire m'a fait penser au "Masque de la mort Rouge" de Poe par son esthétisme baroque, sauf que Carpentier s'y prend autrement. Don Martial va se lever de son lit de mort pour vivre sa vie à l'envers, et l'histoire réserve plein d'images insolites, comme ces bougies qui se consomment en grandissant, le piano qui redevient clavecin, et don Martial qui oublie la musique pour ressortir ses soldats de plomb. Un voyage d'un néant à l'autre, assez dérangeant, somme toute...
Pour vous détendre, vous pouvez enchaîner sur "L'Aiguilleur" de Juan José Arreola, une histoire qui décrit d'une façon tout à fait drôle et tout à fait absurde le fonctionnement des chemins de fer au Mexique. Cela vous amusera d'autant plus que même dans notre beau pays, à un moment ou à un autre nous avons probablement tous vécu les mêmes tourmentes que le pauvre voyageur d'Arreola.
Si vous voulez quelque chose de plus costaud dans le style "terreur classique", prenez "Aura" de Carlos Fuentes. Pour les amateurs de récits psychologico-bizarres, l'histoire de chiens d'Elena Garro devrait faire l'affaire.
Et pour finir vraiment en beauté, pourquoi pas "L'homme aux champignons" de Sergio Galindo, une des histoires les plus étranges que je n'ai jamais lues.
Seulement, méfiez vous des enfants trouvés dans une belle clairière pleine de champignons. Vous ressentez d'abord une grande euphorie, et le reste n'est plus qu'un rêve... D'ailleurs, saviez-vous en quoi consiste le métier d'un "homme aux champignons" ?

Il est toujours précaire de noter une anthologie qui regroupe tant d'auteurs difficilement comparables. Certaines histoires m'ont laissée de marbre (je m'excuse notamment auprès de João Guimares Rosa !), mais ce fut un beau voyage, et 4/5 devrait convenir.
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