TAXILE.
J'écoute comme vous ce que l'honneur m'inspire,
Seigneur, mais il m'engage à sauver mon empire.
PORUS.
Si vous voulez sauver l'un et l'autre aujourd'hui,
Prévenons Alexandre, et marchons contre lui.
TAXILE. L'audace et le mépris sont d'infidèles guides.
PORUS. La honte suit de près les courages timides.
TAXILE. Le peuple aime les rois qui savent l'épargner.
PORUS. Il estime encor plus ceux qui savent régner.
TAXILE. Ces conseils ne plairont qu'à des âmes hautaines.
PORUS. Ils plairont à des rois, et peut-être à des reines.
TAXILE. La reine, à vous ouïr, n'a des yeux que pour vous.
PORUS. Un esclave est pour elle un objet de courroux.
(I, 2)
PORUS.
La paix ! Ah de sa main pourriez-vous l'accepter ?
Hé quoi ? Nous l'aurons vu par tant d'horribles guerres,
Troubler le calme heureux dont jouissaient nos terres,
Et le fer à la main entrer dans nos États,
Pour attaquer des rois qui ne l'offensaient pas ?
Nous l'aurons vu piller des provinces entières,
Du sang de nos sujets faire enfler nos rivières,
Et quand le ciel s'apprête à nous l'abandonner,
J'attendrai qu'un tyran daigne nous pardonner ?
(I, 2)
TAXILE.
Voulez-vous que frappé d'une crainte si basse,
Je présente la tête au joug qui nous menace,
Et que j'entende dire aux peuples indiens,
Que j'ai forgé moi-même et leurs fers et les miens ?
Quitterai-je Porus, trahirai-je ces princes,
Que rassemble le soin d'affranchir nos provinces,
Et qui sans balancer sur un si noble choix,
Sauront également vivre ou mourir en rois ?
En voyez-vous un seul, qui sans rien entreprendre
Se laisse terrasser au seul nom d'Alexandre,
Et le croyant déjà maître de l'univers,
Aille esclave empressé lui demander des fers ?
Loin de s'épouvanter à l'aspect de sa gloire,
Ils l'attaqueront même au sein de la victoire.
(I, 1)
Mon frère, ouvrez les yeux pour connaître Alexandre:
Voyez de toutes parts les trônes mis en cendre,
Les peuples asservis, et les rois enchaînés;
Et prévenez les maux qui les ont entraînés
ACTE PREMIER Scène 1
Entre Taxile et lui votre cœur en balance,
Tant qu’ont duré ses jours a gardé le silence.
Et lorsqu’il ne peut plus vous entendre aujourd’hui,
Vous commencez, Madame, à prononcer pour lui ?
Pensez-vous que sensible à cette ardeur nouvelle,
Sa cendre exige encor que vous brûliez pour elle ?
(v. 1129-1134, Alexandre)
CLÉOFILE : Ah ! quittez cette ingrate princesse,
Dont la haine a juré de nous troubler sans cesse,
Qui met tout son plaisir à vous désespérer.
Oubliez...
TAXILE : Non, ma sœur, je la veux adorer.
Je l'aime ; et quand les vœux que je pousse pour elle
N'en obtiendraient jamais qu'une haine immortelle,
Malgré tous ses mépris, malgré tous vos discours,
Malgré moi-même, il faut que je l'aime toujours.
Sa colère après tout n'a rien qui me surprenne :
C'est à vous, c'est à moi qu'il faut que je m'en prenne.
Sans vous, sans vos conseils, ma sœur, qui m'ont trahi,
Si je n'étais aimé, je serais moins haï.
Acte IV, Scène 4, (v. 1221-1232).