D'une berge à l'autre

On faisait antichambre dans le bureau de Poulaille. Morand, Montherlant, Maurois, Mauriac (les célèbres quatreM) avaient beaucoup de mal à accéder au service de presse de leur éditeur, Poulaille ne leur cachant pas qu'il tenait leurs livres pour absolument inintéressants.
Par contre, Rirette Maîtrejean, compagne de Victor Serge à l'époque de la bande à Bonnot, était une familière des lieux, tout comme Léon Werth, Edouard Dolléans, biographe de Proudhon, et toute une cohorte de militants anarchistes et d'écrivains ouvriers...

Nous n'avons rien à faire avec ces gens-là. Ni avec avec les bleus, ni avec les blancs. Ni avec la droite, ni avec la gauche. Nous sommes en dehors du "système". Contre les "systèmes".
Ne nous laissons pas prendre au piège de la sentimentalité politique. Ne faisons le jeu de personne. Poursuivons notre chemin en ne perdant pas de vue que, sur notre boussole, l'aiguille marque toujours le refus.


Extrait d'une lettre de Michel Ragon adressée à Louis Lecoin.

[Gaston Chaissac - "Je suis un bourrelier" ]

De cordonnier
J'ai passé dans les décors
Puis écrivain je fais
Et le suis encor

Et je cherche à rimer
Pour deviner poète
Le souci des pieds
Est toujours dans ma tête…(p. 70)

Ce qui m'attriste, écrit Mallarmé à son ami Henri Cazalis, c'est de songer combien je perds de temps pour gagner ma vie...(p.135)

Redresseur de torts, Poulaille se plaçait dans une certaine tradition libertaire où toute réussite est suspecte. Poulaille aimait presque exclusivement les écrivains inconnus, oubliés ou occultés. (p. 36)

Georges Navel, authentique écrivain, sut exprimer, dans une langue claire et belle, la poétique du travail, comme son aliénation. (p. 43)

Les poètes et les peintres m'avaient apporté un heureux dérivatif. Je m'étais échappé un instant avec eux de ma condition d'autodidacte de petit pauvre..(p.23)

Poulaille m'avait entrebâillé la porte de l'anarchie. Armand Robin me poussa, d'une bourrade, profondément à l'intérieur d'un monde obscur où des hommes et des femmes veillaient à ce que se maintiennent allumées de petites lampes qui se nommaient espérance. (p.109)