Cela souligne en effet combien nos opinions, nos ressentis, nos expériences peuvent influencer nos pensées et impacter notre discours et nos actions. Ce sont bien souvent nos représentations, nos croyances, notre regard sur les choses et les évènements, qui formatent nos pensées et induisent nos comportements. C'est important d'en prendre conscience, notamment au regard de la responsabilité, inhérente à notre statut de professionnel de l'éducation des jeunes enfants. Être conscient de ses émotions et de sa subjectivité, remettre en question ses certitudes, interroger ses soi-disant savoirs, cultiver le doute, chercher à comprendre, accepter que l'on puisse se tromper, aimer apprendre et découvrir que l'on n'a jamais fini d'apprendre. Car c'est de cette place là, de cet imprévisible, de cette surprise, de cette position non dogmatique, que naîtra sans doute la connaissance, la réflexion, l'élaboration, la construction, que pourra éclore également la compétence, la pertinence, l'innovation, qui produira à son tour la réflexivité et la qualité, pour atteindre enfin, telle la trajectoire légère et parfaite d'un boomerang, la validité, la conformité et la sécurité nécessaires, sur lesquelles les professionnels pourront alors s'appuyer afin d'aller plus loin dans l'accueil, l'accompagnement et l'éducation des jeunes enfants.
Être professionnel de la petite enfance, c’est en effet une sacrée aventure...Il ne s’agit pas seulement de travailler dans une crèche, mais de savoir sur quel continent nous mettons les pieds, en reconnaître les contours, mais aussi savoir lire ses cartes et en découvrir ses sentiers intérieurs. C’est pouvoir s’y promener sereinement, pouvoir appréhender leurs différences et apprécier leurs nuances. C’est aussi connaître et intégrer l’histoire de ce monde, son évolution, sa réglementation. C’est savoir en identifier les missions, en mesurer la portée. C’est croire en ses valeurs, adhérer à son projet, pouvoir s’y inscrire et participer ainsi à son fonctionnement et à son développement. Il ne s’agit pas non plus de travailler à côté de ses collègues, si différents, mais de savoir travailler en équipe, en inventant un langage commun, en regardant ensemble dans la même direction et en faisant alors de la pluralité des champs professionnels représentés sur cette terre, une véritable ressource, une réelle richesse et une force d’action.
Les propos recueillis mettent alors en évidence que les professionnels de la petite enfance n'ont pas forcément toutes les cartes en main pour comprendre le cadre dans lequel ils exercent, identifier l'ensemble de leurs missions professionnelles et être ainsi en capacité de mettre en place des pratiques éducatives et pédagogiques répondant de façon adéquate à l'ensemble de ces attendus. C'est donc davantage au travers de peurs parcours professionnels et en s'appuyant sur leurs croyances ainsi que sur leurs expériences de terrain auprès des jeunes enfants, que les professionnels de la petite enfance semblent avoir construit leurs propres représentations de ce que devrait être un EAJE, de sa raison d'être, de la personne du jeune enfant et éventuellement de leur positionnement éducatif et pédagogique auprès de lui.
Il semble donc aisé, dans ces conditions, de s'égarer, de se tromper, de s'immobiliser, de se décourager...
Alors non, l’accompagnement éducatif au sein d’un EAJE ne repose pas simplement, comme le sens commun pourrait le lasser entendre, sur une pseudo-connaissance du jeune enfant et de ses besoins, ce même sens commun qui contribue d’ailleurs à entretenir la représentation collective selon laquelle, pour s’occuper de bébés, il suffirait de les aimer, d’être une femme de préférence, et que des études supérieures seraient superflues. A l’opposé de cela, il semble en effet que la complexité des missions, centrées sur l’accueil, l’accompagnement et l’éducation de tout jeunes enfants, en partenariat avec leurs parents, mobilise bel et bien la connaissance et l’intégration de savoirs théoriques et pratiques spécifiques, propres à ce champ professionnel si particulier.
Choisir de travailler jour après jour auprès des jeunes enfants, penser, organiser et mettre à leur disposition un environnement et des espaces propices à leurs apprentissages, répondant à leur soif de découvertes et d’explorations, participer à leur éducation en proposant à leurs parents un véritable partenariat éducatif, accueillir quotidiennement, et dans le respect de l’altérité, chacune de ces familles, choisir d’être témoin et d’accompagner ce lien parent enfant, fondateur et primordial, durant les toutes premières années de vie, c’est non seulement avoir le goût de l’aventure, mais c’est aussi aimer les défis et parfois même, nous le verrons au travers des propos qui vont suivre, posséder l’âme d’un pionnier et l’esprit d’un conquérant !
Laurence Rameau, Pourquoi les bébés jouent ?