AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,78

sur 469 notes
Après une certaine déception à la lecture de son dernier roman ( Un Silence brutal, trouvé un peu fade ), c'est avec un grand plaisir que j'ai retrouvé le Ron Rash que j'aime, celui qui me fait ressentir tout plein de choses dans le ventre et dans la tête grâce à de très beaux personnages jamais manichéens et toujours sur le fil.

Travis, le personnage central, jeune homme en devenir, en quête de soi, tiraillé entre le désir d'être aimé d'un père brutal et des rêves d'indépendance. Mais surtout Leonard, l'ancien professeur devenu dealer, magnifique figure de substitution paternelle, c'est lui qui va ouvrir à Travis tout le champ des possibles auquel on a droit lorsqu'on a 17 ans , en lui apprenant que les livres peuvent sauver.

L'intensité dramatique monte rapidement dès le premier chapitre où on découvrir l'erreur de Travis, celle qui risque de tout faire basculer du mauvais côté. Puis le rythme s'apaise lorsque la relation entre Travis – Leonard se déploie. Tout s'accélère à nouveau dans le dernier tiers avec la dimension historique ou plutôt mémorielle qui se densifie.

L'intrigue en soi autour Travis se suffisait en soi mais Ron Rash choisit de la complexifier en invoquant les fantômes du passé, ceux de la guerre civile et plus particulièrement du massacre de Shelton Laurel en 1863 ; une façon pour l'auteur d'intensifier la ligne de démarcation souvent tenue entre le Bien et le Mal, le bonheur et la souffrance.

Je suis toujours frappée en lisant Ron Rash de voir à quel point cohabitent dans ses romans la plus grande violence et la plus profonde humanité, et ce sans jamais donner de leçons. Et toujours cette nature magnifiquement présente, ici en contrepoint de l'intensité des luttes qui agitent Travis pour faire les bons choix et devenir qui il doit être.

Un excellent roman.
Commenter  J’apprécie          1088
Plutôt que d'évoluer dans un monde à l'endroit, c'est surtout l'envers du décor qui va s'offrir à notre tout jeune héros un brin fou-fou.

Dix-sept balais, l'âge des possibles.
Travis Shelton n'aurait pas dû. Non, il n'aurait pas dû prendre ce qui ne lui appartenait pas. En l'occurence le champ de cannabis de Toomey pour un libre-service. Résultat des courses, un tendon d'Achille sectionné et la peur de sa vie. Côté réconfort, oublions son paternel et ses champs de tabac. Le courant est depuis bien longtemps en mode off au point de tout larguer pour aller se réfugier dans le mobile home de Leonard, dealer notoire.
Difficile d'imaginer ce gamin, à la croisée des chemins, se construire sereinement aux côtés d'un tel modèle...

Si vous appréciez l'humain dans tout ce qu'il a de faillible et vouez un amour immodéré au nature writing alors n'hésitez pas un instant, ce monde là vaut vraiment le détour.
A mille lieues de ces récits qui font de la surenchère leur marque de fabrique, Le Monde à l'Endroit se déguste lentement, au rythme des saisons qui s'égrènent et de notre jeune Travis qui se construit au travers de choix parfois discutables mais toujours riches d'enseignement.
Bien plus qu'un récit initiatique, une ode à la nature et à la rédemption.
Toujours sur la corde raide, constamment tiraillé entre le bien et le mal, Travis devra également lever le voile sur un pan tragique de son histoire familiale. Un drame qui pourrait bien avoir des répercussions dévastatrices sur cet adolescent en mal de figure paternelle. Se dire qu'il a essayé avec les moyens qu'il avait et que sa vie valait finalement la peine d'être vécue, voilà ce vers quoi il tendra invariablement.
Sans être un modèle de droiture et d'ambition, Travis et son parcours, régulièrement en mode essorage à 1400 tours/mn, programme homme délicat, ne génère qu'un unique sentiment, le respect.

Un très grand Rash, encore.
Commenter  J’apprécie          876
Qu'ils aient pour théâtre la Caroline du Nord ou sa voisine du Sud, les romans de Ron Rash offrent toujours la promesse d'une communion avec la nature.
Si l'oeuvre de cet écrivain flirte avec le genre “nature writing”, les splendeurs appalachiennes sont rarement transcrites sur le mode contemplatif mais semblent mises en exergue pour atténuer le caractère bien trempé des habitants de ces contrées autrefois Cherokee.
“Le monde à l'endroit” n'échappe pas à la règle et le décalage entre la magnificence de l'endroit et la noirceur de la plupart des protagonistes cette fois encore saute aux yeux.

La Caroline du Nord faisait partie en 1861 des onze états sécessionnistes. La guerre civile américaine, opposant les confédérés aux unionistes, y fit rage quatre années durant.
Le massacre de Shelton Laurel le 18 janvier 1863 où périrent treize sympathisants unionistes, dont un adolescent âgé de 13 ans, est resté dans les mémoires comme un des sommets de la barbarie de ce conflit qui fit des centaines de milliers de victimes civiles et militaires.

“Le monde à l'endroit” n'est pas à proprement parler un roman historique mais l'intrigue qui se passe de nos jours se situe tout près de ce lieu sanglant. En outre plusieurs membres de la famille du personnage principal, un jeune homme de 17 ans prénommé Travis, faisaient partie des martyrs lâchement assassinés un siècle et demi plus tôt.

Alors que commence le roman, notre Travis n'est guère en meilleure posture que ses malheureux ancêtres : les mâchoires d'un piège à ours viennent en effet de se refermer sur son pied droit mettant l'os à nu.
Il faut une sacrée dose d'inconscience pour venir une troisième fois au même endroit voler des plants de marijuana ; qui plus est dans le champ des Toomey père et fils, deux colosses dont la férocité est connue bien au-delà du comté.

L'intensité dramatique de cette première séquence donne le ton d'une histoire captivante dont des acteurs sont pour la plupart impulsifs, à la personnalité borderline.
Et toujours la nature dans son rôle équilibrant qui tout à la fois subjugue et apaise. Ainsi en bordure du champ des sinistres Toomey coule une rivière peuplée de truites brunes, d'arc-en-ciel, d'achigans à petite bouche et de poissons-chats.
Commenter  J’apprécie          752
Travis ne supporte plus les reproches incessants d'une père autoritaire. La rencontre avec Léonard un ex prof devenu dealer va changer le cours de sa vie.
Voilà du bien bel ouvrage. Ron Rash signe un livre pessimiste, chaque personnage excepté Travis semble avoir dévié de leur trajectoire initiale. Alors que leur vie aurait pu être acceptable, le constat est sans appel, ils payent chers un moment de faiblesse ou de malchance.
Travis et Léonard sont, par leur trajectoire, bigrement attachants. On est même frustrer de ne pas faire un bout de chemin plus long avec eux, tant leur portrait est touchant et complexe. Une nouvelle fois , Rash s'appuie sur la nature pour donner plus de corps à son récit. Elle m'a semblé à la fois belle mais aussi par moment terriblement inquiétante.
Un roman plus noir que polar qui confirme le talent d'un sacré conteur.
Commenter  J’apprécie          660
Je viens de finir le monde à l'endroit et j'en suis toute retournée…
J'avais entendu parler de Run Rash à l'occasion de son dernier roman « Le chant de Tamasee » mais n'avait encore rien lu de lui !

Dès les premières pages, j'ai été prise à l'hameçon et rejetée à la rivière pour en suivre le cours (en nageant dans celui du récit).

Le coeur des Appalaches est bien le paradis des animaux mais semble être le purgatoire des hommes qui y vivent : mieux vaut y être un nageur de rivière.

En effet, dans les années 70 à Shelton Laurel comté de Madison vivre est difficile : les habitants semblent pris à la gorge, hormis la culture du tabac prédominante pour les fermiers installés depuis des générations, l'alternative est mince : culture de marijuana, engagement dans l'Armée pour les moins scrupuleux et les plus audacieux, peu de perspectives pour les femmes, qui sont dans ce roman détentrices de douceur dans un monde de brutes qu'elles communiquent à leurs rejetons .

Travis, jeune adolescent, dont le père nie les qualités et les capacités, a besoin d'argent ( payer l'assurance de son pick-up, acheter quelques mousses...) et si il ne trouve pas l'arbre à bouteilles il lui semble trouver un arbre à fric, « un bon vieil arbre à fric ».

De là viendront les ennuis et avec eux les Toomey père et fils .
Mais pour Travis viendront aussi les satisfactions et le réconfort avec Léonard et Lori.

« T'as pas l'étoffe d'un homme pour t 'en sortir tout seul, avait dit son père » …



Un chemin vers l'émancipation pour Travis
un chemin vers la rédemption pour Léonard.

Mais il y a toujours un prix à payer…

J'ai été fascinée par la lecture de ce Run Rash surtout dans sa manière de magnifier la nature et les paysages,«Le paysage tel un destin », mais aussi dans l'art de semer la beauté même dans la technicité (culture du tabac, pêche à la truite).

J'ai aussi apprécié l'adresse et la subtilité avec lesquelles il emmène le lecteur dans les tréfonds de l'histoire américaine, le lecteur parcourt des feuillets du registre (daté de 1850 à1863) du Docteur Candler sans savoir qu'ils représentent un morceau de la mémoire du massacre de Shelton Lorel lors de la guerre de Sécession.

Léonard en s'adressant à Travis lui dira :« Tu sais qu'un lieu est hanté quand il te paraît plus réel que toi ».

Une lecture absorbante, une écriture magnifique, des tensions dramatiques qui a deux reprises m'ont
fait plonger en apnée !

Un roman noir où seuls les animaux ont le pouvoir de rêver...

Très très belle découverte.
Commenter  J’apprécie          563
Il a une drôle de conception d'un 'monde à l'endroit', Ron Rash... parce que le monde de Travis et Léonard ne me semble pas tourner rond ni être à l'endroit, mais relever plutôt d'un grand bazar sens dessus dessous !

Travis est un jeune homme de 17 ans qui se cherche, tantôt petit voyou, tantôt juste débrouillard, qui va pêcher la truite pour oublier les gros conflits qu'il a avec son père, un cultivateur de tabac autoritaire. Mais parfois, en pêchant la truite, on tombe sur autre chose et on s'embarque dans des histoires louches... Et c'est là qu'intervient Léonard, dealer humaniste qui va essayer de remettre le garçon sur le droit chemin, à coups de livres, d'excursions et simplement de respect...

Le livre est construit sur des paradoxes : très sombre mais plein de tendresse, moderne dans ses thèmes mais profondément ancré dans ce coin d'Amérique fait de nature et des traumatismes de la guerre de Sécession, pessmiste mais plutôt moral.

Ici, les vrais gentils ou les plus malins ne sont pas ceux qu'on pourrait croire, et ils agacent souvent notre héros Travis avec leur idée fixe de l'aider. J'ai beaucoup aimé ce réalisme teinté de lueurs d'espoir, ces touches d'humour dans les doutes et les ruminations de Travis, ou simplement les extraits du journal du médecin de 1860 qui prennent tout leur sens à la fin.
Commenter  J’apprécie          530
Travis Shelton est un jeune homme de 17 ans. Sa passion est la pêche à la truite qu'il pratique dans les rivières, près de chez lui. En conflit perpétuel avec son père, il quitte la maison dès que l'occasion se présente et ainsi échappe aux corvées que lui impose son paternel pour l'aider dans la culture du tabac. Un jour de pêche, il tombe par hasard sur un champ de cannabis. L'occasion est trop tentante de se servir et d'aller revendre l'herbe au fameux Leonard Shuler, un ancien professeur reconverti dealer. Sans lui poser de questions sur la provenance de sa récolte, le transaction a lieu et Travis voit là un bon moyen de gagner de l'argent si facilement. Malheureusement, il se fera choper par le propriétaire des lieux, Carlton Toomey. Celui-ci lui sectionne son tendon d'Achille, histoire de lui faire comprendre qu'on ne vole pas le bien d'autrui, et encore moins celui du vieux Carlton. Mis à la porte de chez lui pour le punir, il trouvera alors refuge chez Leonard. Entouré de ce dernier et de Dena, c'est tout un nouveau monde qui s'offre à lui. Tel un mentor, Leonard lui apprendra les secrets qui pèsent sur la communauté de Shelton Laurel et l'aidera à passer un examen. Confronté à ses doutes, Travis découvrira bien vite qu'il y a toujours un prix à payer...

Ron Rash nous livre un roman décrivant à la fois les tréfonds de l'être humain et la nature sauvage, belle parfois cruelle et omniprésente. On suit la parcours initiatique de Travis, à travers son éducation, sa découverte de l'amour mais aussi du monde qui l'entoure. C'est un texte à la fois très sombre et plein d'espoir. Ancré dans l'Amérique profonde, ce récit fait la part belle à la nature sauvage et à son histoire. Avec une écriture à la fois lyrique, mélancolique ou grave, l'auteur a su créer une ambiance vraiment particulière où notre héros n'aura de cesse d'affronter les hommes et le monde qui l'entoure. C'est un roman noir à la fois d'apprentissage, d'histoire, d'amour et d'amitiés.

Le monde à l'endroit... de quoi vous mettre la tête à l'envers !
Commenter  J’apprécie          483
Voici un trés beau roman, à la fois ample, rude et lumineux grâce à la beauté des paysages oú la violence côtoie l'humanité, une écriture sans artifice oú la nature affleure à chaque page dans ces Appalaches, un paysage qui n'est pas un simple décor mais le personnage central. L'on y ressent l'humidité et la fraîcheur de la rivière , l'eau se ride quand une truite mouchetée ou mordorée file sous la berge, dans les replis du plan d'eau.....un ouvrage noir traversé par les éclats argentés du dos de quelques truites filant dans le courant et les odeurs prenantes de l'humus , cette terre bien venue qui apaise ou enivre Travis, le héros de cette histoire ...." Tout ce qu'il connaissait " C'était la pêche,les moteurs,la culture du tabac et quelques trucs qu'il avait lus".
Tout commence un samedi d'août , quand la lumiére de l'après - midi illumine Divide Mountain, Travis, fils de cultivateur de tabac pas trés souple, 17 ans,qui joue au dur, travaille 45 heures par semaine dans une épicerie. Il tombe par hasard sur un champ de cannabis en allant pêcher.....il coupe cinq pieds avec son canif, son copain Shank lui conseille d'aller les vendre à Léonard Shuler: un professeur déchu inconsolable du départ de sa femme et de sa fille, parties vivre en Australie.... Qui va lui donner le goût de la lecture et l'aider dans la découverte d'un passé que toute la communauté veut oublier , un massacre perpétré lors de la guerre de la sécession....
Travis a le tort de retourner piller les plants de marijuana, il va apprendre à ses dépens qu'on n'arnaque pas sans dommage Carlton Toomey..... Un cultivateur sans états d'âme ...qui utilise un piége à ours Particulierement efficace et lui sectionne le tendon pour lui donner une leçon....on ne plaisante pas avec les voleurs...chassé de chez lui,ayant quitté l'école, ne supportant plus son pére, Travis se réfugie dans le mobil home de Léonard, l'ancien prof dealer qui héberge Dena, alcoolique et droguée qui a du mal à s'en sortir....
Pour Ron Rash, il semble que la rédemption peut venir du savoir, connaître son histoire, ses origines pour grandir et échapper à son destin...un roman initiatique: face à Travis,, une figure féminine qui lui apprend l'amour ,trois figures masculines, un pére méprisant et irascible, un professeur lecteur, éducateur à la marge,et l'inquiétant Carlton Toomey, les trois lui dispensent une sorte d'éducation sauvage qui est pour lui la seule façon d'avancer dans un monde dépourvu d'innocence.
Ron Rash ne donne pas de leçon mais pense que les livres peuvent sauver les hommes.... Nous sommes dans un monde cruel, habité par le drame et les pièges de l'existence oú les hommes et les femmes cohabitent avec la religion, les superstitions, où les fantômes n'ont pas besoin de drap blanc....en parallèle à l'intrigue principale l'auteur ramène le lecteur au temps de la guerre de Secession, avec les comptes rendus journaliers tenus dans les années 1850 par le docteur Candler, les deux histoires ne sont pas sans rapport....un ouvrage aussi âpre, beau et terrien , lyrique et trés noir qu'une" Terre d'ombre " lu il y a quelque temps du même auteur où celui- ci souligne à chaque page la permanence de la nature à l'aide de cette langue simple et belle.....qui montre que les ombres du passé de Travis Shelton vont lui permettre d'accepter sa personnalité et d'accéder à l'image du pére....
Commenter  J’apprécie          470
"Le monde à l'endroit" n'est pas un monde enchanté. Les paysages des Appalaches sont certes décrits avec soin et peuvent par moment nous faire voyager mais il n'en reste pas moins que cela a l'air d'être le paradis des reptiles vu le nombre et du coup le voyage est nettement moins tentant pour moi.
Suivre Travis, jeune homme de 17 ans n'est pas guilleret. Non seulement l'appât du gain ne va pas lui être bénéfique mais en plus il va se confronter à l'histoire familiale et se plonger dans l'histoire de la guerre de Sécession et au massacre de Shelton Laurel, qui je l'apprendrai ici a réellement existé.
En conflit avec son père, Travis va se faire héberger par Léonard, professeur déchu devenu dealer. Une amitié va s'initier entre eux qui va amener Travis à grandir et conduire Léonard vers le chemin de la rédemption.
Je ne peux pas expliquer pourquoi mais je n'ai pas réussi à apprécier véritablement ce roman. Après avoir été enfermée dans un bunker en lisant "captifs", j'avais envie d'espaces, j'en ai eu mais je n'ai pas ressenti cette liberté recherchée.
Commenter  J’apprécie          430
Le monde à l'endroit est un roman de Ron Rash qui fait le récit âpre d'une Amérique profonde ; nous sommes ici dans le comté de Madison, au coeur des Appalaches, un lieu empreint d'histoire où la nature, belle et sauvage à souhait, offre des rivières tumultueuses, gorgées de truites mouchetées. Je me suis d'ailleurs demandé si c'était dans ce même lieu que se déroulait le livre Sur la route de Madison et le fameux film qui en a été tiré plus tard avec Clint Eastwood et Meryl Streep.
Ce n'est pas le premier roman de cet auteur américain, mais c'est celui par lequel j'ai fait avec bonheur sa connaissance.
Comment dire les choses sans trop les raconter ?
Nous sommes dans les années 70. Travis Shelton est un adolescent de dix-sept ans qui, à ses moments perdus, pêche la truite à la cuiller, passion qu'il partage avec l'un de ses copains, Shank, lorsqu'ils ne sillonnent pas tous deux les routes en pick-up, ou bien assis sur le capot à boire des bières. Ici c'est une région rurale où l'on cultive notamment le tabac, comme le fait son père. Le père et le fils ne s'entendent pas. Travis ne supporte plus les remontrances d'un père brutal qui ne cesse de le rabaisser, qu'il traite de fainéant et de bon à rien. Par hasard, en allant pêcher un samedi après-midi, Travis découvre un champ de cannabis isolé. Le désir est bien tentant d'embarquer quelques plants dans son pick-up pour aller les revendre à Léonard, un ancien enseignant reconverti en dealer. Et comme cela a marché une fois, pourquoi ne pas y revenir une seconde fois, puis une troisième. Forcément, cela devait arriver : Travis est surpris par le propriétaire, un certain Carlton Toomey et son fils Hubert. Carlton décide de lui sectionner le tendon d'Achille, histoire de lui donner une bonne leçon mais pour autant consent à l'amener à l'hôpital, une manière de lui montrer qu'il a du cœur à sa façon.
Voilà ! Le décor est planté. Trois personnages vont offrir à Travis une manière différente de poser une autorité. Le livre peut d'ailleurs se lire avec plusieurs regards. Au premier plan, il y a le désœuvrement d'un quotidien sans avenir, entre alcool et drogue. Une fois passé par ce premier regard, l'auteur nous propose d'avancer plus profondément dans ce décor des Appalaches et l'âme de cette histoire...
Nous découvrons les relations qui vont se construire peu à peu, pas à pas, entre les différents personnages du récit, notamment celle que j'ai trouvé très belle entre Léonard et Travis. Léonard, personnage pourtant ambigu lors des premières pages, a tout de suite vu que Travis avait des possibilités, pouvait reprendre des études pour peu qu'on l'encourage, s'en sortir mieux que les autres, mieux que le destin qui l'attend. Léonard est prêt à l'aider, décide d'arrêter de dealer. Lui aussi a un chemin chaotique. On découvre son histoire au fil des pages.
Léonard est un homme paumé, qui vit dans un mobil-home, qu'il partage avec une femme, Dena, sorte d'oiseau blessé, pathétique qu'il a recueillie à ses côtés. Ils ne s'aiment pas forcément, qu'importe...
C'est un chant à plusieurs voix.
Lori, la petite amie de Travis veut l'aider aussi. Les instants de Travis avec Lori sont des moments d'apaisement et de bonheur. Être allongé dans un pré avec Lori. Se tenir par la main, regarder le ciel, ne plus penser à rien... Au loin, le vent arrache des volées de moineaux aux arbres, c'est beau et on voudrait que la vie ressemble à cela, celle à venir aussi pour Lori et Travis.
Il y a dans ce roman aussi une communion avec la nature qui est sans aucun doute selon moi un personnage à part entière du roman.
Un écureuil gris jacasse dans un grand noyer au fond d'un pré, peut-être celui où Travis rêve de faire l'amour à Lori. Parfois en contrebas, un raton laveur ou bien une loutre remue près d'un ruisseau.
Les personnages de ce livre ont quelque chose de fragile, de sombre et de désespéré. Il y a du soleil et de l'ombre qui se frôlent dans les gestes attachants mais aussi chez ceux qui qui sont sans états d'âme.
Par moment, nous avons l'impression qu'ils sont prisonniers d'eux-mêmes, ne parviennent pas à échapper à un destin inéluctable, font d'ailleurs tout pour gâcher la moindre chance de s'en sortir, c'est parfois rageant, c'est à croire qu'ils font exprès...
Toute tentative de tendre la main vers un rayon de soleil qui vient jusqu'à eux comme un escalier prêt à les aider, à les sortir de la boue dans laquelle ils sont enlisés, paraît presque vaine. Je pense à Travis notamment... C'est très bien rendu par l'écriture, car plus d'une fois je bondissais devant mon livre, voulant entrer dans l'histoire et donner un grand coup de pied dans cette fourmilière...
Et puis une phrase résonne dans le livre : « Tu sais qu'un lieu est hanté quand il te paraît plus réel que toi. »
Car dans ce parcours initiatique où Léonard devient presque un père de substitution pour Travis, l'auteur convoque l'histoire, marquée ici sur cette terre encore douloureuse par la guerre de Sécession et c'est sans doute ici que le roman prend aussi toute sa force narrative, son épaisseur. Tous les deux, à la faveur d'une confiance mutuelle, vont tenter de remonter le cours du temps, revenir à l'instant d'un massacre perpétré en 1863, un voyage en arrière où il n'est pas facile de revenir indemne...
C'est un chant sans doute désespéré, avec des désirs de rédemption. Est-ce un livre pessimiste ? Je ne le crois pas.
Dans ce chant crépusculaire, on entend aussi une lumière, même si c'est une lumière du soir, presque agonisante. C'est un livre marqué par une humanité profonde, la volonté de certains d'aider d'autres.
C'est pour moi un véritable coup de cœur et une envie de poursuivre ma rencontre avec cet auteur.
Commenter  J’apprécie          4215




Lecteurs (898) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3189 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..