Je viens de finir
le monde à l'endroit et j'en suis toute retournée…
J'avais entendu parler de Run Rash à l'occasion de son dernier roman « Le chant de Tamasee » mais n'avait encore rien lu de lui !
Dès les premières pages, j'ai été prise à l'hameçon et rejetée à la rivière pour en suivre le cours (en nageant dans celui du récit).
Le coeur des Appalaches est bien le paradis des animaux mais semble être le purgatoire des hommes qui y vivent : mieux vaut y être un nageur de rivière.
En effet, dans les années 70 à Shelton Laurel comté de Madison vivre est difficile : les habitants semblent pris à la gorge, hormis la culture du tabac prédominante pour les fermiers installés depuis des générations, l'alternative est mince : culture de marijuana, engagement dans l'Armée pour les moins scrupuleux et les plus audacieux, peu de perspectives pour les femmes, qui sont dans ce roman détentrices de douceur dans un monde de brutes qu'elles communiquent à leurs rejetons .
Travis, jeune adolescent, dont le père nie les qualités et les capacités, a besoin d'argent ( payer l'assurance de son pick-up, acheter quelques mousses...) et si il ne trouve pas l'arbre à bouteilles il lui semble trouver un arbre à fric, « un bon vieil arbre à fric ».
De là viendront les ennuis et avec eux les Toomey père et fils .
Mais pour Travis viendront aussi les satisfactions et le réconfort avec Léonard et Lori.
« T'as pas l'étoffe d'un homme pour t 'en sortir tout seul, avait dit son père » …
Un chemin vers l'émancipation pour Travis
un chemin vers la rédemption pour Léonard.
Mais il y a toujours un prix à payer…
J'ai été fascinée par la lecture de ce Run Rash surtout dans sa manière de magnifier la nature et les paysages,«Le paysage tel un destin », mais aussi dans l'art de semer la beauté même dans la technicité (culture du tabac, pêche à la truite).
J'ai aussi apprécié l'adresse et la subtilité avec lesquelles il emmène le lecteur dans les tréfonds de l'histoire américaine, le lecteur parcourt des feuillets du registre (daté de 1850 à1863) du Docteur Candler sans savoir qu'ils représentent un morceau de la mémoire du massacre de Shelton Lorel lors de la guerre de Sécession.
Léonard en s'adressant à Travis lui dira :« Tu sais qu'un lieu est hanté quand il te paraît plus réel que toi ».
Une lecture absorbante, une écriture magnifique, des tensions dramatiques qui a deux reprises m'ont
fait plonger en apnée !
Un roman noir où seuls les animaux ont le pouvoir de rêver...
Très très belle découverte.