Ron Rash , une patte, une signature .
Poète, humaniste , amoureux de la nature .
Cette fois, il nous propose un voyage dans le temps et une immersion dans les années 60 au coeur des Appalaches , à Sylva, petite ville où les bruits du monde et même ceux de la Guerre du Vietnam arrivent presque étouffés , lointains ; un endroit encore préservé des remous de la contre-culture.
Pourtant , l' atmosphère feutrée , bien pensante réglée par la morale et la discipline va très vite être mise à mal par le déroulement du récit .
Peu à peu , l'auteur lève le voile sur les personnages et le lecteur frissonne !
Au début, on partait pour un été paisible avec Eugène et Bill deux jeunes garçons ,orphelins de père qui vivent avec leur mère sous le joug du grand-père ,personnage tyrannique et plus on le découvre plus le mot est faible : un homme ivre de toute-puissance , pervers, mégalo ...
Puis, survient la jeune Ligeia , une sirène blessée , échouée là , contrainte à un exil par sa famille , une mesure de protection qui lui pèse !
Alors, bien-sûr , la nymphette ne peut que troubler la quiétude des bords de la Tuckaseggee et des parties de pêches des deux ados !
Le roman offre un portrait intéressant de la jeunesse de l'époque qui tout à coup sentant le vent de liberté venant d'ailleurs prend conscience brutalement du poids de son carcan et se montre capable de braver tous les interdits érigés en gardiens de la morale .
Une liberté qui tout à coup devient une exigence au mépris de tous les dangers pour certains .
L'alternance temporelle du récit permet d'aborder les subtilités de l'évolution des deux héros aux caractères très nuancés mais pourtant si unis.
C'est Eugène devenu adulte qui est le narrateur .
Peu à peu , les flashbacks vont livrer par bribes leurs secrets pour permettre le dénouement d'une intrigue des plus glaçantes !
Mais , si ce roman est un thriller , on en retient surtout la photo de cette époque utopique ou planante , contestataire ou insouciante.
Par moment, j'ai repensé au film "Good Morning England" quand le jeune Bill doit se bagarrer avec les ondes pour capter Jefferson Airplane ou les Beatles ! Atmosphère ? Parenthèse ?
Mais derrière , il y a toujours la vie et ses drames intemporels ceux-là.
Bien beau roman alliant comme toujours chez
Ron Rash subtilité , force , délicatesse et poésie .
Il serait parmi mes préférés de cet auteur avec "
Une terre d'ombre" et "
Un pied au paradis "... oui , peut-être .
Mais en réalité , ayant lu tous les "
Ron Rash" traduits , je les ai appréciés à des degrés divers peut-être mais tous m'ont plu .
Alors , à présent , bon courage pour évaluer l'objectivité de cet avis !