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EAN : 9782021081749
288 pages
Seuil (23/08/2012)
3.79/5   463 notes
Résumé :
Travis Shelton, 17 ans, découvre un champ de cannabis en allant pêcher la truite au pied de Divide Mountain, dans les Appalaches. C'est un jeu d'enfant d'embarquer quelques plants sur son pick-up. Trois récoltes scélérates plus tard, Travis est surpris par le propriétaire, Toomey, qui lui sectionne le tendon d'Achille, histoire de lui donner une leçon.

Mais ce ne sera pas la seule de cet été-là : en conflit ouvert avec son père, cultivateur de tabac i... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (113) Voir plus Ajouter une critique
3,79

sur 463 notes
Après une certaine déception à la lecture de son dernier roman ( Un Silence brutal, trouvé un peu fade ), c'est avec un grand plaisir que j'ai retrouvé le Ron Rash que j'aime, celui qui me fait ressentir tout plein de choses dans le ventre et dans la tête grâce à de très beaux personnages jamais manichéens et toujours sur le fil.

Travis, le personnage central, jeune homme en devenir, en quête de soi, tiraillé entre le désir d'être aimé d'un père brutal et des rêves d'indépendance. Mais surtout Leonard, l'ancien professeur devenu dealer, magnifique figure de substitution paternelle, c'est lui qui va ouvrir à Travis tout le champ des possibles auquel on a droit lorsqu'on a 17 ans , en lui apprenant que les livres peuvent sauver.

L'intensité dramatique monte rapidement dès le premier chapitre où on découvrir l'erreur de Travis, celle qui risque de tout faire basculer du mauvais côté. Puis le rythme s'apaise lorsque la relation entre Travis – Leonard se déploie. Tout s'accélère à nouveau dans le dernier tiers avec la dimension historique ou plutôt mémorielle qui se densifie.

L'intrigue en soi autour Travis se suffisait en soi mais Ron Rash choisit de la complexifier en invoquant les fantômes du passé, ceux de la guerre civile et plus particulièrement du massacre de Shelton Laurel en 1863 ; une façon pour l'auteur d'intensifier la ligne de démarcation souvent tenue entre le Bien et le Mal, le bonheur et la souffrance.

Je suis toujours frappée en lisant Ron Rash de voir à quel point cohabitent dans ses romans la plus grande violence et la plus profonde humanité, et ce sans jamais donner de leçons. Et toujours cette nature magnifiquement présente, ici en contrepoint de l'intensité des luttes qui agitent Travis pour faire les bons choix et devenir qui il doit être.

Un excellent roman.
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Plutôt que d'évoluer dans un monde à l'endroit, c'est surtout l'envers du décor qui va s'offrir à notre tout jeune héros un brin fou-fou.

Dix-sept balais, l'âge des possibles.
Travis Shelton n'aurait pas dû. Non, il n'aurait pas dû prendre ce qui ne lui appartenait pas. En l'occurence le champ de cannabis de Toomey pour un libre-service. Résultat des courses, un tendon d'Achille sectionné et la peur de sa vie. Côté réconfort, oublions son paternel et ses champs de tabac. Le courant est depuis bien longtemps en mode off au point de tout larguer pour aller se réfugier dans le mobile home de Leonard, dealer notoire.
Difficile d'imaginer ce gamin, à la croisée des chemins, se construire sereinement aux côtés d'un tel modèle...

Si vous appréciez l'humain dans tout ce qu'il a de faillible et vouez un amour immodéré au nature writing alors n'hésitez pas un instant, ce monde là vaut vraiment le détour.
A mille lieues de ces récits qui font de la surenchère leur marque de fabrique, Le Monde à l'Endroit se déguste lentement, au rythme des saisons qui s'égrènent et de notre jeune Travis qui se construit au travers de choix parfois discutables mais toujours riches d'enseignement.
Bien plus qu'un récit initiatique, une ode à la nature et à la rédemption.
Toujours sur la corde raide, constamment tiraillé entre le bien et le mal, Travis devra également lever le voile sur un pan tragique de son histoire familiale. Un drame qui pourrait bien avoir des répercussions dévastatrices sur cet adolescent en mal de figure paternelle. Se dire qu'il a essayé avec les moyens qu'il avait et que sa vie valait finalement la peine d'être vécue, voilà ce vers quoi il tendra invariablement.
Sans être un modèle de droiture et d'ambition, Travis et son parcours, régulièrement en mode essorage à 1400 tours/mn, programme homme délicat, ne génère qu'un unique sentiment, le respect.

Un très grand Rash, encore.
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Qu'ils aient pour théâtre la Caroline du Nord ou sa voisine du Sud, les romans de Ron Rash offrent toujours la promesse d'une communion avec la nature.
Si l'oeuvre de cet écrivain flirte avec le genre “nature writing”, les splendeurs appalachiennes sont rarement transcrites sur le mode contemplatif mais semblent mises en exergue pour atténuer le caractère bien trempé des habitants de ces contrées autrefois Cherokee.
“Le monde à l'endroit” n'échappe pas à la règle et le décalage entre la magnificence de l'endroit et la noirceur de la plupart des protagonistes cette fois encore saute aux yeux.

La Caroline du Nord faisait partie en 1861 des onze états sécessionnistes. La guerre civile américaine, opposant les confédérés aux unionistes, y fit rage quatre années durant.
Le massacre de Shelton Laurel le 18 janvier 1863 où périrent treize sympathisants unionistes, dont un adolescent âgé de 13 ans, est resté dans les mémoires comme un des sommets de la barbarie de ce conflit qui fit des centaines de milliers de victimes civiles et militaires.

“Le monde à l'endroit” n'est pas à proprement parler un roman historique mais l'intrigue qui se passe de nos jours se situe tout près de ce lieu sanglant. En outre plusieurs membres de la famille du personnage principal, un jeune homme de 17 ans prénommé Travis, faisaient partie des martyrs lâchement assassinés un siècle et demi plus tôt.

Alors que commence le roman, notre Travis n'est guère en meilleure posture que ses malheureux ancêtres : les mâchoires d'un piège à ours viennent en effet de se refermer sur son pied droit mettant l'os à nu.
Il faut une sacrée dose d'inconscience pour venir une troisième fois au même endroit voler des plants de marijuana ; qui plus est dans le champ des Toomey père et fils, deux colosses dont la férocité est connue bien au-delà du comté.

L'intensité dramatique de cette première séquence donne le ton d'une histoire captivante dont des acteurs sont pour la plupart impulsifs, à la personnalité borderline.
Et toujours la nature dans son rôle équilibrant qui tout à la fois subjugue et apaise. Ainsi en bordure du champ des sinistres Toomey coule une rivière peuplée de truites brunes, d'arc-en-ciel, d'achigans à petite bouche et de poissons-chats.
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Travis ne supporte plus les reproches incessants d'une père autoritaire. La rencontre avec Léonard un ex prof devenu dealer va changer le cours de sa vie.
Voilà du bien bel ouvrage. Ron Rash signe un livre pessimiste, chaque personnage excepté Travis semble avoir dévié de leur trajectoire initiale. Alors que leur vie aurait pu être acceptable, le constat est sans appel, ils payent chers un moment de faiblesse ou de malchance.
Travis et Léonard sont, par leur trajectoire, bigrement attachants. On est même frustrer de ne pas faire un bout de chemin plus long avec eux, tant leur portrait est touchant et complexe. Une nouvelle fois , Rash s'appuie sur la nature pour donner plus de corps à son récit. Elle m'a semblé à la fois belle mais aussi par moment terriblement inquiétante.
Un roman plus noir que polar qui confirme le talent d'un sacré conteur.
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Je viens de finir le monde à l'endroit et j'en suis toute retournée…
J'avais entendu parler de Run Rash à l'occasion de son dernier roman « Le chant de Tamasee » mais n'avait encore rien lu de lui !

Dès les premières pages, j'ai été prise à l'hameçon et rejetée à la rivière pour en suivre le cours (en nageant dans celui du récit).

Le coeur des Appalaches est bien le paradis des animaux mais semble être le purgatoire des hommes qui y vivent : mieux vaut y être un nageur de rivière.

En effet, dans les années 70 à Shelton Laurel comté de Madison vivre est difficile : les habitants semblent pris à la gorge, hormis la culture du tabac prédominante pour les fermiers installés depuis des générations, l'alternative est mince : culture de marijuana, engagement dans l'Armée pour les moins scrupuleux et les plus audacieux, peu de perspectives pour les femmes, qui sont dans ce roman détentrices de douceur dans un monde de brutes qu'elles communiquent à leurs rejetons .

Travis, jeune adolescent, dont le père nie les qualités et les capacités, a besoin d'argent ( payer l'assurance de son pick-up, acheter quelques mousses...) et si il ne trouve pas l'arbre à bouteilles il lui semble trouver un arbre à fric, « un bon vieil arbre à fric ».

De là viendront les ennuis et avec eux les Toomey père et fils .
Mais pour Travis viendront aussi les satisfactions et le réconfort avec Léonard et Lori.

« T'as pas l'étoffe d'un homme pour t 'en sortir tout seul, avait dit son père » …



Un chemin vers l'émancipation pour Travis
un chemin vers la rédemption pour Léonard.

Mais il y a toujours un prix à payer…

J'ai été fascinée par la lecture de ce Run Rash surtout dans sa manière de magnifier la nature et les paysages,«Le paysage tel un destin », mais aussi dans l'art de semer la beauté même dans la technicité (culture du tabac, pêche à la truite).

J'ai aussi apprécié l'adresse et la subtilité avec lesquelles il emmène le lecteur dans les tréfonds de l'histoire américaine, le lecteur parcourt des feuillets du registre (daté de 1850 à1863) du Docteur Candler sans savoir qu'ils représentent un morceau de la mémoire du massacre de Shelton Lorel lors de la guerre de Sécession.

Léonard en s'adressant à Travis lui dira :« Tu sais qu'un lieu est hanté quand il te paraît plus réel que toi ».

Une lecture absorbante, une écriture magnifique, des tensions dramatiques qui a deux reprises m'ont
fait plonger en apnée !

Un roman noir où seuls les animaux ont le pouvoir de rêver...

Très très belle découverte.
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critiques presse (3)
Telerama
27 novembre 2012
Lyrique et terrien, usant d'une écriture ample et sans artifice, Ron Rash n'est pas un donneur de leçons, mais il pense que les livres peuvent sauver les hommes. Un beau défi à relever.
Lire la critique sur le site : Telerama
Actualitte
07 novembre 2012
Le roman envoûte par ses descriptions lyriques dans lesquelles le paysage s'anime, par la sobre poésie de ses mots, à mi-chemin entre réalisme et inaccessible mystérieux.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Lexpress
18 octobre 2012
Tirant toujours le meilleur parti de son décor naturel, Ron Rash a l'art de jouer avec intensité dramatique, de dessiner le portrait d'êtres pris dans les pièges de l'existence. Et une manière implacable de faire cohabiter dans ses pages habitées la violence et l'humanité.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (110) Voir plus Ajouter une citation
" Tu sais qu'un lieu est hanté quand il te paraît plus réel que toi."
Dès que Leonard eut prononcé ces mots, Travis sut que c'était ce qu'il éprouvait, pas seulement à l'instant, mais pendant toutes ces années quand en labourant il déterrait des pointes de flèches. Lorsqu'il frottait les couches de terre pour les faire tomber, il avait toujours eu l'impression désagréable que les pointes de flèches étaient vivantes, comme les trichoptères dans leur épais fourreau. Il avait tenté de comprendre l'idée que le temps passait moins vite qu'il ne se déposait sur les choses en couches successives, comme si sous la surface du monde le passé continuait à se dérouler. Travis n'avait jamais parlé de cette impression parce qu'on ne pouvait pas l'expliquer ni la montrer, comme la manière de faire un nœud de pêche ou de vérifier si le tabac a la pourriture noire. Mais ce n'était pas parce que c'était au fond de soi que ce n'était pas réel. Et maintenant il le ressentait ici, encore bien davantage que lorsqu'il avait tenu les pointes de flèches dans la main.
" Vous croyez aux fantômes demanda-t-il ?"
- Quand je suis dans ce pré, je n'en suis pas loin", avoua Leonard
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Travis roula vers le sud en direction de Marshall, et quelques instants plus tard dépassa l'embranchement de Harbin Road menant à la ferme de ses parents. Il longea un champ de tabac moissonné où ne restait plus que du chaume. Il y avait des gens qui pouvaient passer en voiture à côté de ce champ et ne pas avoir la moindre idée de tout le travail qui avait été accompli, Travis le savait et se rappela que son père et lui avaient semé les graines en février avant d'installer des bandes de plastique noir retenues par des pierres du ruisseau. En avril, ils avaient retiré les pierres et soulevé en douceur les bandes de plastique, comme ils auraient ôté un pansement recouvrant une plaie. Son père et lui s'étaient mis à genoux devant les plants et avaient délicatement sorti de terre la tige et les racines, puis déposé les plants sur un sac en toile de jute avant de les repiquer avec des plantoirs à tabac. Et ce n'était que le début, l'arrosage, la chasse aux vers, l'écimage et le pincement restaient à venir. Et finalement, la coupe, le travail agricole où on suait le plus. Maintenant ces plants, d'un ton adouci d'or séché et poudreux, étaient suspendus aux chevrons de la grange, une odeur de vieux cuir chargeant l'air de de son musc. La grange serait sombre, sauf tôt le matin et tard dans l'après-midi, quand le soleil filtrait entre les lattes et que les feuilles de tabac s'éclairaient et miroitaient comme teintées de feu.
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Travis s'enfonça un peu plus dans son siège et ferma les yeux. Pense à quelque chose d'agréable, se dit-il, et il fixa son esprit sur le poisson qu'il avait pris, pas la grosse arc-en-ciel mais la truite mouchetée. Assez grosse pour qu'on la mange, mais Travis était content de l'avoir relâchée. Il songea aux nageoires pectorales orange déployées comme de petits éventails éclatants quand la truite se cachait sous la berge, à l'abri des loutres et des martins-pêcheurs, ou de tout ce qui risquait de l'arracher au ruisseau. La truite mouchetée aurait la gueule abîmée et se méfierait de l'hameçon, mais elle ne tarderait pas à sortir du renfoncement sous la rive et à recommencer à se nourrir d'écrevisses ou de nymphes, peut-être d'une sauterelle ayant survécu à la première gelée. Puis au fur et à mesure que viendrait l'hiver elle s'alimenterait moins, resterait près du fond, là où l'eau n'était pas aussi froide, L'eau, un lieu sombre et calme devenant plus sombre et plus calme encore tandis qu'une coiffe de glace venait recouvrir le bassin, isolant la truite du reste du monde. Un lieu sombre et silencieux, Travis le savait, et la truite là-bas au fond, le métabolisme au ralenti, aussi proche de l'hibernation que pouvait l'être un poisson. Les chiens rêvaient. Ils les avait vus aboyer doucement et agiter les pattes arrières, les yeux fermés, tandis qu'ils poursuivaient un lapin ou un raton-laveur dans les bois obscurs de leur sommeil. Travis imagina la truite mouchetée sous la glace, montant dans ses rêves gober à la surface des éphémères jaune vif, rêvant du printemps en attendant patiemment que passe l'hiver.
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Quand il était petit, la mère de Léonard s'était souvent assise dehors sur les marches de leur ferme, restant parfois une demie heure les yeux fixés sur les montagnes qui s'élevaient au-delà de leur pré. C'est si joli que ça m'emporte loin de moi, lui avait-elle expliqué un jour d'une voix douce, avec l'air de lui confier un secret. Une bible ou la messe ne lui suffisait pas toujours, lui avait-elle avoué. Voilà pourquoi avant tout, il faut un monde, avait-elle ajouté. Dans les jours qui avaient suivit le départ d'Emilie et de Kéra, Léonard avait tenté de voir le monde comme l'avait vu sa mère. Il avait pris sa voiture pour aller au bord de la Calumet River, l'unique endroit où il y avait assez d'arbres pour dissimuler un paysage semblant avoir été aplani par un rouleau à pâtisserie géant. Il s'était assis sur la berge et avait scruté les peupliers et les bouleaux, les aulnes noirs et les hamamélis blottis sous les arbres plus grands, l'eau lente et brune, en s'efforçant de trouver la même paix intérieure que sa mère, des années auparavant, sur les marches de la galerie.
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page 129
[...] Travis avança plus lentement. Il s'arrêta dans les eaux d'aval. Dans les remous du plan d'eau, des feuilles jaune et rouge tendaient une mince courtepointe à la surface du ruisseau. Les feuilles plus détrempées noircissaient le fond, et rendaient les petits obstacles plus difficiles à voir.
Il visa l'écume blanche en haut du bassin, mais le lancer trop long s'accrocha dans les rhododendrons. Au moment où il s'avançait pour libérer le leurre, l'eau se rida à l'autre bout quand une truite fila sous la berge.
"Je suis rouillé", remarqua-t-il.
Il décrocha la cuiller et ils remontèrent le ruisseau. Ses lancers suivants furent plus réussis, mais ce ne fut qu'à l'endroit où le cours d'eau décrivait une courbe créant un grand surplomb qu'une touche fit plier et trembler la cane. Un éclair rouge et argent fila vers l'aval. C'était un gros poisson pour un ruisseau, de trente-cinq ou peut-être quarante centimètres. [...]
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