AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur La Leçon de ténèbres (38)

A l'égal de l'amour, la discipline artistique est une extrapolation bienheureuse de soi. Elle est l'objet d'une invention, d'une fiction incarnée qui met en jeu le corps et l'esprit, les deux strictement imbriqués.
Commenter  J’apprécie          70
Quand il s'installe à Tolède, après la fuite de Crète,aprés dix ans passés à Venise et Rome, après ses espoirs déçus de parvenir au zénith italien de la peinture, il est agé de plus de trente-cinq ans. Et il n'essaie pas d'apprendre correctement le castillan. Non, il préfère s'exprimer avec un savant mélange de grec et de dialecte vénitien. Il teinte seulement ce mélange d'espagnol. On le comprend, et c'est suffisant. Ça lui permet de rester étranger en terre ibérique, d'avoir le verbe haut, de donner son avis dans une langue qui lui est propre. Ça ne mérite pas un effort supplémentaire, l'essentiel n'étant pas là, l'essentiel étant ce qu'il considère comme sa langue intime, une langue étrange, pour certains inintelligible : sa peinture.
Commenter  J’apprécie          70
Je me balade toujours avec ma petite foule invisible.Ce sont mes morts , ceux que j’ai connus et aimés, ceux que je n’ai pas croisés, mais qui ont trouvé place en moi.A force de nous côtoyer , nous sommes devenus les meilleurs amis . Ils me connaissent mieux que quiconque , mais sont intrusifs et jaloux.Ils détestent les nouveaux venus.Je dois parlementer longuement quand une personne entre dans ma vie.
Commenter  J’apprécie          70
L'Espagne était notre pays perdu. Celui de mon père, celui de la guerre civile, d'une histoire déchirée ' d'un passé abandonné dès que le pays Basque était tombé sous le joug de Franco.C'était le pays d'une identité niée, des amitiés et des attaches brisées.

( p.30)
Commenter  J’apprécie          60
El Greco n'a pas toujours été aussi connu, il a même traversé des périodes d'oubli.Au XIX e siècle, il a été dénigré, on prétendait qu'il avait une maladie des yeux qui l'empêchait de peindre correctement...C 'est au tournant du XXe siècle qu'il a enfin été réhabilité. Aléas de reconnaissance si fréquents dans l'histoire des artistes.

Aujourd'hui Doménikos, mi amor, on te mange à toutes les sauces à Tolède.Du café aux biscuits, en passant par les sandwichs, ton visage est partout. Grecoland.

( p.104)
Commenter  J’apprécie          40
Le violon, c’est mon territoire sans mots, mon espace de vibrations. C'est ma possibilité de dire autrement, seulement en gestes. Des gestes sonnants.
Commenter  J’apprécie          40
Doménikos a toujours dessiné, et il continue dès que la peinture lui en laisse le loisir, dès que les commandes s'espacent. Il s'assoit sur sa chaise près de la fenêtre, ce recoin qu'il considère comme son terrier, et il retourne au plus modeste des outils, la craie ou le fusain.
Les fondements de son art naissent là, à la pointe de son trait affûté et monochrome, l'endroit où il ne peut pas mentir, où il ne peut peut être que lui-même. Là où les artifices de couleurs, leurs mélanges faits d'huiles et de pigments, leurs épaisseurs concrètes sur la toile, leur éloquence perdent leurs droits.
Lorsqu'il dessine, Doménikos est un homme désarmé.

( p.116)
Commenter  J’apprécie          30
Venir à Toléde, c'est m'attabler avec mes morts, c'est boire un verre bien frais avec eux à la terrasse d'un bar et, dans notre ivresse, hurler aux étoiles que rien ne pourra nous séparer. (...)
Je pleurerai votre absence.
Commenter  J’apprécie          30
INCIPIT
Je suis venue à 23 heures précises. Je marche avec Juan dans le jardin. Je remarque sa chemise trempée de sueur. La chaleur est suffocante. Je transpire aussi, la courroie de mon étui à violon glisse de mon épaule nue.
Depuis la veille, la canicule s’est abattue sur la ville. La nuit est brûlante comme le jour. Nous respirons à peine.
Nous nous dirigeons vers le local de sécurité. Nous parlons de l’étuve, du brasier, des incendies. Nous disons plusieurs fois, c’est une fournaise.
En entrant, l’air frais de la climatisation nous saisit. Le collègue de Juan me dévisage.
Je souris. Ils ne savent pas exactement pourquoi je suis là, mais moi je le sais très bien. On leur a dit que j’arrivais de Paris, que c’était une expérience intéressante d’enfermer une artiste toute une nuit dans le musée. Et ça a dû doucement les faire rire.
Dans la pièce où ils sont installés, il y a une grande table, quelques chaises en plastique, un paquet de cigarettes qui traîne, des bouteilles d’eau, des matraques, des talkies-walkies.
Je tends mon passeport à Juan, il note le numéro sur un papier et me donne en échange celui de leur téléphone.
Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas ! ajoute-t-il, espiègle.
Nous discutons encore un peu.
Au mur, je vois une dizaine d’écrans qui restituent fidèlement ce que filment, à chaque instant, les caméras de surveillance suspendues au plafond de toutes les salles. C’est bien ce que je craignais, je vais être filmée, épiée, mes mouvements scrutés. Je vais être vue regardant, errant, traînant je ne sais où. Les images seront stockées trois mois, puis effacées.
Doménikos, la perspective d’une nuit d’amour avec toi s’éloigne.
Je me prépare depuis des mois à cette fameuse nuit, la seule sans doute. Depuis que j’ai retrouvé le carnet de mon père, je me prépare à la possibilité de te rencontrer. Les quatre siècles qui nous séparent ne sont absolument pas un obstacle. Tu es né en 1541 en Crète, on n’est pas très sûr de la date, mais à une ou deux années près, c’est juste. Moi en 1976 à Paris XIIe, et alors ?
Je suis venue ici il y a quinze ans, mais la rencontre n’avait pas eu lieu. Combien de fois me faudra-t-il revenir ?
Juan et moi sortons du local de sécurité, il m’accompagne dans le jardin pour me montrer le chemin jusqu’à la porte du musée. Il fait nuit noire, il est 23 h 15. Tolède est en liesse, c’est un samedi soir de juin. À chaque respiration, j’avale une bouffée d’air chaud. Je ploie, la chaleur m’écrase.
Je suis émue.
Quand le portail a claqué dans mon dos, quelques instants auparavant, j’ai senti que j’entrais ailleurs, dans un espace clos et ouvert à la fois, dans ce jardin embrassé par le ciel criblé d’étoiles, avec au loin la bâtisse sombre du musée. C’est une belle maison reconstituée du XVIe siècle avec sa cuisine, son patio, ses meubles, ses instruments de musique, ses arbres, ses fontaines, son potager, ses herbes aromatiques. C’est un monde en soi, intime et accessible aux autres. Horaires stricts pour les centaines de touristes qui le parcourent chaque jour. Une nuit, une seule où je pourrai y déambuler loin de la foule. Il y a des pièces pour se cacher, des couloirs pour courir, une chapelle pour sortir le violon de son étui et écouter la résonance longue qui galopera sur la voûte et emplira mes oreilles.
Le violon pour faire vibrer l’espace vide, pour mettre en transe les particules de l’air, pour les mettre en danse afin que Doménikos me rejoigne. Et je ne doute pas de sa venue, comme il ne doute pas de mon désir. Mon seul désir.
Une nuit, une seule, avec lui.
Il n’y résistera pas. Pourquoi résister à l’amour?
Juan me conseille d’utiliser la torche de mon téléphone pour me diriger dans le jardin. Il m’indique où sont les toilettes.
Là, un peu plus loin, il me montre du doigt une baraque. Il me dit aussi qu’il fera une ronde à l’intérieur du musée toutes les deux heures.
La première, à une heure du matin, me précise-t-il.
Il me sourit, tu vas jouer du violon? J’ai l’impression que tu vas à une fête !
Je réponds oui, à tout.
J’attends que les pas de Juan s’éloignent pour écouter l’eau qui s’écoule doucement des fontaines, le vent frémir dans les arbres. Puis, je referme la porte du musée derrière moi, je suis seule avec les tableaux, les caméras, et Doménikos qui est en chemin.
Commenter  J’apprécie          30
Abandonner la manière greca pour la maniera latina, abandonner les fonds d'or, la détrempe et les panneaux de bois pour l' huile
Commenter  J’apprécie          30






    Lecteurs (222) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Amours : Léonor de Récondo

    En quelle année se passe l'histoire ?

    1542
    2000
    1947
    1908

    5 questions
    42 lecteurs ont répondu
    Thème : Amours de Léonor de RecondoCréer un quiz sur ce livre

    {* *}