Je vais aller à rebours de la plupart des avis postés ici... et j'en suis la première marrie. Et déçue.
Je me faisais un tel plaisir de me plonger dans "
Le Gardien Invisible"... Ma déception n'en est que plus amère. Cruelle.
Il faut dire que le package était plus qu'alléchant: les avis glanés autour de moi étaient dithyrambiques. La presse aussi.
Ici et là, on me vantait l'écriture de
Dolores Redondo, l'atmosphère qu'elle avait su instiller, la virtuosité de son intrigue. D'aucuns pour la qualifier évoquaient une
Fred Vargas (que j'idolâtre!) à la sauce basque, une
Victor del Arbol (que j'adore!) en jupons.
Comment aurais-je pu résister au chant des sirènes alors qu'elles semblaient fredonner une partition qui me ravit en eaux noires et policières?
Ainsi j'escomptais du Wagner, un envoûtement. Je n'ai eu que du Clayderman et un sentiment un peu lourd de lassitude.
De fait, j'ai mis longtemps à finir l'ouvrage une fois celui-ci commencé et mon coeur de rat de bibliothèque a manqué un battement quand je me suis rendue compte que je n'étais pas, mais alors pas du tout, impatiente à l'idée de retrouver ma lecture le soir venu.
Entre
Dolores Redondo et moi, c'est un rendez-vous manqué.
Nous sommes au Pays Basque, non loin d'un village comme il en existe dans les contes et les romans noirs, tout près d'une rivière, enclavé dans les bois et la montagne. Ainsi se dresse Elizondo à une soixantaine de kilomètres de Pampelune. Ce n'est pas si loin, c'est un autre monde pourtant dont la quiétude (apparente) est bouleversée par la découverte du corps dénudé, meurtri, supplicié d'une toute jeune fille. Sur le cadavre des poils d'animaux, les restes d'un gâteau traditionnel à la croute dorée comme les blés. Comme dans "Barbe-Bleue", il n'y aura pas qu'une seule victime et bientôt toute la vallée succombe à la peur et à la fièvre. On raconte que le tueur pourrait être un basajaun, créature mythique et protecteur de la forêt, mi-homme, mi-bête. Comme un écho, la superstition ressurgit des ténèbres et du passé où on croyait l'avoir relégué, compliquant au passage la tâche des enquêteurs chargés de l'affaire menée par Amaïa Salazar, inspectrice rompue aux méthodes d'investigation les plus modernes. Non seulement, elle est brillante mais en plus elle est originaire d'Elizondo. Nul autre qu'elle n'était plus indiqué pour s'emparer de l'affaire. Quittant momentanément Pampelune, Amaïa s'installe au village, en compagnie de son mari, chez sa tante et non loin de chez ses deux soeurs. Son retour au pays va bouleverser l'équilibre qui semblait régir la famille, le passé ressurgit et avec lui de vieilles blessures et des secrets mal enfouis qui résonnent étrangement avec les meurtres.
Superstitions, folklore, secrets, affaire de famille, passé et présent se croisant... Tous les ingrédients étaient réunis et pourtant... J'aurais dû adorer. Et pourtant!
En soi, ce n'est pas l'intrigue le problème mais la manière dont elle est traitée. Toutes les pièces du puzzle sont imbriquées de la manière la plus cliché possible: du personnage de l'inspectrice à ses comparses en passant par la résolution de l'énigme et ses péripéties attendues, téléphonées et même parfois cousues de fil blanc... Ensuite, j'ai eu un véritable problème avec les dialogues du roman que j'ai trouvé artificiels et très faux. Pour exemple, je pense au passage où Amaïa retrouve ses soeurs et où leurs répliques ont l'air d'avoir été placées là pour s'assurer que le lecteur un peu benêt comprenne bien tout ce qui est lourdement sous-entendu dans les pages précédentes. Non seulement, c'est sans subtilité aucune mais en plus c'est indigeste et pas crédible une seconde...
En lisant, j'ai eu en fait l'impression d'être devant l'un des fameux films policiers de France Télévisions, cette collection appelée "Meurtres en région" et pas le meilleur. J'avoue les regarder parfois sans déplaisir et à vrai dire, j'aurai pu me satisfaire de "
Le Gardien Invisible". Parfois, les clichés et les trucs un peu téléphonés ne me déplaisent pas si l'atmosphère suit, comme cela aurait pu être le cas ici.
J'aurai donc pu m'en satisfaire tièdement et accorder plus d'étoiles à cet ouvrage s'il n'y avait eu la fausse note ultime, l'erreur fatale, le coup de grâce...
... le coup de grâce, le drame, le problème de cette histoire, c'est que j'ai très vite deviné qui était le coupable. Certes, quand je lis un roman policier, j'aime à jouer à la détective, essayer de démêler le vrai du faux, débusquer les indices et les fausses pistes.
Ce que je préfère pourtant, c'est être prise au dépourvu par le dénouement, la grande révélation finale, saluer la manipulation du personnage et de l'auteur, relire le livre en diagonale pour traquer les clefs qui m'auraient échappé...
Trouver le coupable, quelle hérésie, quel dommage! C'est du gâchis et pour moi c'est rédhibitoire. Un roman policier sans suspense ni subtilité, c'est comme... D'Artagnan sans Athos et Arthur sans Lancelot. C'est raté.
Et ici... c'était trop facile (et je ne suis pas une foudre de guerre!). Beaucoup trop.
Je retourne donc à del Arbol et à Vargas, comme d'autres retournent à leurs premières amours après avoir papillonné.
Si j'avais su, on ne m'aurait pas prise en flagrant délit d'infidélité.