La chambre des époux, par
Eric Reinhardt. Combat fiévreux entre l'amour et la mort, médié par les arts, fable morale, ou bien simple exercice de style, voire coquille vide ? La montagne a-t-elle accouché d'une souris ? Un auteur qui semble bien en panne.
L'auteur-narrateur, Éric Reinhardt lui-même, a été confronté fin 2006 à l'annonce du cancer du sein de sa femme Margot, un cancer d'évolution rapide puisqu'il n'existait pas quelques mois auparavant. Confrontés aux conséquences possibles d'un tel diagnostic, ils s'organisent pour la lutte, Margot en se battant tout en se soumettant au protocole thérapeutique - chimiothérapie, puis chirurgie conservatrice - et lui en s'attaquant vigoureusement au roman,
Cendrillon, qu'il écrivait alors paresseusement. Ainsi, il lisait tous les soirs à Margot ce qu'il avait écrit dans la journée. Ah ! la puissance de l'art ! Un amour total, magnifique, solaire, un combat conjoint qui fut victorieux : Margot connut une rémission complète de son cancer, et
Cendrillon fut un succès.
Voilà que, dans le midi où il séjourne en vue d'une conférence à Lyon, il rencontre Marie dont la personnalité flamboyante masque bien qu'elle sort d'un redoutable cancer du pancréas. Éric, foudroyé par la situation de cette femme, belle de surcroît, ne retient plus ses larmes quand il donne de ses nouvelles à Margot au téléphone : c'est parce qu'il a peur de perdre sa femme qu'il ne veut pas que Marie meure. Cette amalgame paraîtrait grossier si Éric n'était pas d'une sensibilité maladive ou d'une générosité excessive, se dit le lecteur. En réalité, n'est-il pas tout simplement amoureux ?
C'est ce qui apparaît quand il imagine alors écrire cette histoire et la prolonger, Éric devenant Nicolas, Margot devenant Mathilde et Marie restant Marie, son cancer du pancréas se transformant en un cancer du sang. Nicolas est un compositeur de musique et l'oeuvre littéraire devient une symphonie à succès. Quand à l'idylle entre Nicolas et Marie, elle se déroule à Milan. Dans cette projection romanesque, au contraire de la réalité d'Éric, Marie rechute deux ans après leur première rencontre, et est fermement condamnée par les médecins. Après une explication orageuse avec Mathilde qui le chasse, il rejoint Marie à Milan où il espère probablement “sauver“ la jeune femme comme il a “sauvé“ Mathilde. Ils s'engagent dans une relation passionnelle, intense, joyeuse, qui va jusqu'au bout du pronostic. Nicolas écrira un requiem fameux, à la demande de Marie.
Ce roman sur le combat contre la maladie, victorieux ou non, totalement sublimé, véhiculé par des formes artistiques diverses, n'a finalement pas d'autre consistance que celle superficielle, incantatoire, de son sujet, lequel est proclamé, répété, claironné, tel une revendication sans réelle justification. L'amour triomphe de la mort, Éros de Thanatos, tout juste instrumentalisé par Apollon, à la fois Dieu de la Beauté (présente en filigrane dans ce récit) et des Arts (littérature, musique). L'amour, l'art, guérissent du cancer ? Oui, dans les contes ! Les deux conjugués viennent à bout du Mal de Margot et de Mathilde, et servent à accompagner en beauté Marie vers son destin. Voilà ! C'est tout !
Ce roman bien écrit manque d'épaisseur, sa tournure est celle d'un jeu, d'un exercice de style, relaté comme une fable, un conte où une sorte de morale (le triomphe de l'amour), parfois à la limite de l'immoralité (l'adultère), suinte à chaque page. En retrait cependant, du moins en tant que morale. Éric Reinhardt a-t-il voulu remplir un manque d'inspiration avec du vide pseudo-romanesque ? Je suis d'autant plus déçu que j'avais trouvé
L'amour et les forêts puissant, sagace, intelligent.
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