Curieusement, j'avais gardé un souvenir bien meilleur de
Cendrillon, ce livre dont Reinhardt prend soin de nous rappeler plusieurs fois ici à quel point ce fut un roman accompli, et unanimement encensé par la critique. Je gardais l'idée qu'il m'avait saturée , submergée, mais que c'était brillant de chez brillant. Ce qui explique que j'ai pris
La chambre des époux à la médiathèque avant-hier: un sujet plus modeste - et grave qui plus est, un format plus concis, me suis-je dit, ça devrait passer, ça peut même être bien.
Mais alors là, ça n'a pas passé du tout. Ca a plutôt condensé mon exaspération. L'impression d'une pochade (enfin j'espère au moins que Reinhardt considère ça comme une pochade et non pas comme quelque chose de sérieux) bâclée qui se donne de l'importance, et qu'il se fout de nous, Reinhardt, à s'exposer en type pathétique, différent, inspiré ("socialement inadapté" dit-il), et il en est si fier.
En fait, ça démarre pas trop mal. le sujet m'intéresse : il y a 10 ans, la femme de Reinhardt a eu un cancer du sein et il décrit dans son premier chapitre comment ils ont réagi à cela en une intensification de la vie et de la profondeur de leur relation commune. Comment en quelque sorte ils en gardent comme un bon souvenir. Ca, ça m'a plu, ça a trouvé écho en moi.(Ce premier chapitre est d'ailleurs un article de commande qu'il avait écrit à l'époque, qui se suffisait bien joliment à lui- même, mais auquel malheureusement, Reinhardt a voulu donner une suite)
La suite, ça pouvait presque être drôle : Reinhardt se moque de lui-même : comment après avoir été si magistral, il a craqué un peu plus tard, pleurant comme un veau et ravalant sa morve, après avoir croisé une femme ayant vécu une épreuve similaire, voire pire. Lâchant enfin toute cette trouille géante qu'il a eu et qu'il est arrivé à cacher jusque-là sous ce faux bonheur du cancer. Presque drôle sous le tragique, si ça ne pesait pas mille tonnes. (Et s'il n'en avait pas profité - qu'est ce que ça vient faire là? - pour ridiculiser ses confrères écrivains au passage, ces types arrogants et pédants qui ne se prennent pas pour de la merde - parce qu'en fait il n'y a que Reihnardt qui a le droit à ça, ne pas se prendre pour de la merde.)
Et puis, Reinhardt trouve la solution pour canaliser ça : écrire un roman qui raconterait l'histoire d'un homme qui avait connu un quasi-bonheur auprès de sa femme atteinte d'un cancer du sein, et qui craquerait et se déliterait en en croisant une autre qui etc etc... Alors il y a un petit jeu de poupées gigognes qui pourrait être malin mais qui est d'un casse pied... Car, déjà que Reinhardt, pour bien se faire comprendre (ou occuper de la place?), explique les choses quatre fois, là, il reprend et re-raconte tout, et il reprend exactement les mêmes mots et phrases avec "il" au lieu de "je" . Donc 4x2=8 fois, si je compte bien. Hahah, n'est ce pas un effet grandiose (et à peu de frais, en plus)? Mais quand même, créatif : au lieu d'écrire « l'idée qu'elle puisse mourir m'était tout simplement intolérable, tout simplement intolérable, tout simplement intolérable » comme la première fois, Reinhardt écrit cette fois : « l'idée qu'elle puisse mourir lui était tout simplement intolérable, tout simplement intolérable, tout simplement intolérable, tout simplement intolérable ». Génial, non?
Cela enchaîne ensuite sur une fascination morbide puis une aventure coquine du double de Reinhart avec la femme en agonie, totalement glauque, racontée sur le mode badinage, car vous l'aurez bien compris, cette façon de sauter une quasi morte est une sublime manière de rendre hommage à la vie, et accessoirement à la guérison de son épouse. Si c'est pas de la psychologie de bazar, ça....
Et il ne faut pas oublier les phrases et digressions tellement longues qu'il est obligé de les couper par des "donc, disais-je", les phrases inlassablement répétées pour faire style, les parenthèses "cocasses", les dialogues aussi creux et vides que les vrais dialogue de la vie pour faire plus vrai...
Ni les détails de la vie sexuelle de Reinhardt et de sa femme, qu'il a la grande délicatesse d'attribuer à son personnage dit fictif, leurs longues conversation sur le fait qu'elle n' a plus de désir, qu'il ne font plus l'amour; mais , oui ils s'aiment, ils s'aiment, encore plus qu'avant, et c'est tellement plus beau, n'est-ce pas un couple qui s'aime tant que ça, bien qu'ils ne fassent pas l'amour et autres platitudes du genre "ils sont trop verts et bons pour des goujats" (tellement plus beau que le médiocre couple moyen à qui, oui, il arrive de faire l'amour, minable qu'il est)...
Bref, là où Reinhardt croit écrire un hymne à sa femme tant aimée, à leur couple si magnifique, à la victoire sur la maladie, on a plutôt un vague vaudeville raté à la métaphysique intello-raisonneuse à la con (excusez-moi)
Donc, je n'ai pas aimé. Et je l'ai regretté, rien que pour cette phrase des premières pages, pleine de douceur:
"(Je crois que rien n'est plus fort dans la vie que le plaisir anticipé de retrouver sa bien-aimée à la fin de la journée, et de laisser ce plaisir-là innerver d'une sorte d'orgasme doux, diffus, qui part du ventre, les heures que l'on passe sous l'emprise de cette attente - et quand on a la chance de connaître ça on n'a besoin de rien d'autre que d'eau fraîche, c'est bien vrai.)"