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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Eunice, ha ! Eunice, c'est un cas. Elle ne sait ni lire, ni écrire et pourtant elle est allée à l'école jusqu'à l'âge de 14 ans, mais il y a eu la guerre pour interrompre ce qui de toute façon ne l'intéressait pas. Puis il y a eu sa mère malade, la maison à s'occuper et puis et puis... finalement elle est devenue bonne à tout faire chez les Coverdable. Une famille de bourgeois cultivés habitant un joli manoir à la campagne.

Malgré une raideur d'esprit, de celle qui empêche toute possibilité d'adaptation, les premiers temps au service des Coverdable furent pour Eunice un succès. À cette époque pas un instant ses employeurs ne se doutèrent de la profonde névrose liée à l'analphabétisme de leur employée. Ce n'est qu'au fil du temps que des bizarreries presque imperceptibles ont commencé à alerter le maître de maison.

Et de fait, de plus en plus oppressée par cette famille de grands lecteurs qui vivent parmi les livres, les objets de son malheur, Eunice va multiplier les comportements inappropriés, poussée par " ses impulsions ". Une montée en puissance vers le drame, stimulée par sa rencontre avec une femme aussi déséquilibrée qu'elle. Deux femmes qui en dépit des apparences n'ont " aucune ressemblance avec les soeurs Papin, qui cuisinière et femme de chambre chez une mère et sa fille au Mans, les assassinèrent toutes deux en 1933. "

Analphabétisme, différence de classes et d'éducation, perversité, folie, on assiste fasciné à ce qui a conduit au drame annoncé, la mort de quatre innocents qui ont fait une erreur de jugement. Du grand art dans la psychologie non dénuée d'ironie, comme dans l'excellent film de Claude Chabrol, La Cérémonie, tiré de ce roman, avec les inoubliables interprétations d'Isabelle Huppert et Sandrine Bonnaire dans le rôle des criminelles.
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Une famille aisée, les Coverdale, insouciante et cultivée ; un confortable manoir ; Eunice, une domestique presque parfaite ; Ruth Rendell nous a planté le décor idéal d'un drame absurde, ignoble, nourri par le ressentiment, la frustration, la jalousie, la folie… Quand une femme fragile tombe dans l'intégrisme religieux et croise le chemin d'une employée de maison analphabète, le cocktail devient vite explosif…

L'auteur nous peint avec beaucoup de talent le caractère d'une femme fruste sur laquelle la culture intellectuelle a glissé, l'absence d'accès au langage écrit ayant atrophié sa sensibilité, appauvri ses relations au monde et aux autres, la laissant seule, enfermée dans une unique obsession : que personne ne découvre son incapacité.

Comment un discours religieux fanatique peut avoir une résonance criminelle chez des êtres fragiles, comment l'illettrisme peut conduire à la violence, ce sont des thèmes qui nous interpellent forcément et résonnent avec notre actualité. le tout dans une ambiance manoir anglais, suspense psychologique et tasse de thé, avis aux amateurs…
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Dès les premières lignes, on sait qu'Eunice a tué 4 membres de la famille pour laquelle elle travaille comme femme d'ouvrage à demeure. Commence alors le récit incroyable d'un drame qui prend sa source dans son analphabétisme.

Je découvre Ruth Rendell avec ce roman que Chabrol a adapté au cinéma et dont je n'ai pas vraiment de souvenirs.
La technique de l'autrice est de casser le whodunit classique et de le transformer en whydunit. Ce qui l'oblige à construire pas à pas chacun des acteurs de la tragédie et à tirer les différents fils qui, ensemble, mèneront au drame connu dès l'entrée. La forme du récit hésite constamment entre une espèce de compte-rendu journalistique et un témoignage. C'est assez bluffant comme Ruth Rendell est parvenue à maintenir une tension tout au long du roman alors qu'on sait comment tout cela se termine.

J'ai beaucoup aimé cette approche qui s'attarde parfois sur des détails qui semblent insignifiants sur le moment et ne dévoileront leur portée que plus tard. J'ai particulièrement apprécié la construction du personnage d'Eunice, passant de vieille fille un peu aigrie, pour qui on a presque de l'empathie au vu de la vie qu'elle mène et de son passé peu glorieux, tout en ayant très vite un petit caillou dans la chaussure.
L'autrice ne s'est pas contentée de fouiller ses personnages, avec concision, mais elle a aussi du étaler les relations entre eux. C'est plus particulièrement vrai pour la relation entre Eunice et Joan, l'épicière du village, impliquée dans une secte religieuse et au passé sulfureux.
Comme on sait où on va, on détecte ces moments qui annoncent la tragédie mais on hésite toujours à conclure qu'Eunice est coupable ou victime d'une mauvaise influence.

Derrière le polar, le lecteur est aussi confronté aux conséquences modernes (années 70) de l'analphabétisme, surtout quand il est dissimulé par honte, gêne ou fierté mal placée. On n'imagine pas toujours les difficultés auxquelles sont confrontés les analphabètes, surtout quand ils évoluent dans un entourage d'érudits et de grands lecteurs. Ruth Rendell a vraiment bien balayé tout cet aspect de la problématique et ses éventuelles conséquences sur le caractère de la personne concernée, sur ses décisions et donc, sur ses actions; sans pour autant trouver d'excuse à son personnage.
Et on ne peut que se poser la question sur l'enfer que vivent les analphabètes du 21e siècle, époque où il n'est plus possible de faire la moindre démarche sans devoir consulter internet.
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Eunice Parchman est une domestique docile, appliquée et méticuleuse. La famille Coverdale ne pouvait pas espérer mieux comme aide ménagère: George et Jacqueline Coverdale, sont tous deux très cultivés, de même que leurs enfants (Giles, le fils issu du premier mariage de Jacqueline, punaise régulièrement des citations d'auteurs aux murs de sa chambre). Tout semble être pour le mieux dans le meilleur des monde. Toutefois, il y a une ombre à ce tableau si charmant en apparence: Eunice Parchman est analphabète, et personne ne le sait. Très habile et rusée, la domestique est capable d'inventer d'ingénieux subterfuges pour dissimuler à autrui cet handicap. La vie n'a pas été clémente pour Eunice qui cherche un refuge où elle seule aurait accès. Ce refuge, c'est la télévision qui le lui procure, ainsi que sa seule amie, Joan Smith, commerçante habituée à violer les correspondances qui ont le malheur de tomber entre ses mains, hélas pour leurs destinataires. Mais Joan est également membre d'une secte religieuse. Fanatique, elle est persuadée d'être une sentinelle de Dieu. Des antagonismes se creusent entre les Coverdale et Eunice qui redoute que l'on découvre qu'elle est illettrée; Eunice ne veut pas apprendre à lire ou à écrire: cela mettrait en péril ce microcosme fragile auquel elle s'agrippe désespérément. Aussi, se sent-elle menacée lorsqu'elle découvre les notes que lui laissent ses employeurs avec les instructions de la journée. Et petit à petit, Eunice sombre dans la paranoïa, s'imaginant que tous sont ligués contre elle, alors qu'en réalité, ils ne demanderaient pas mieux que de lui venir en aide...

Quel roman captivant! Le suspense est orchestré avec brio: même si nous apprenons dès l'incipit du roman le crime qu'a commis Eunice, nous sommes tout de même déconcertés: comment a-t-elle pu en arriver là? Était-ce la fatalité? La malchance? La goutte d'eau qui a fait déborder le vase? Toutes ces questions trouvent lentement mais inéluctablement leurs réponses: Ruth Rendell remonte le temps pour nous faire découvrir l'existence d'Eunice avant sa rencontre avec la famille Coverdale, puis nous observons son évolution dans ce charmant manoir du Suffolk. Soudain surgit Joan Smith dans son existence; les deux femmes commencent à former un tandem impromptu. Eunice et Joan... deux femmes que tout oppose, mais dont les trajectoires seront inextricablement liées l'une à l'autre! Eunice se découvre une nature manipulatrice: elle parvient à dissimuler son handicap à Joan et à l'utiliser comme interprète. L'existence d'Eunice est pareille à un engrenage affolé dont on ne peut plus arrêter la course effrénée: elle se braque et entraîne avec elle ceux qui ose trouvent sur son passage. Ce roman est une véritable prouesse, très agréable à lire, et nous laisse des souvenirs impérissables (qu'il s'agisse des dialogues ou des analepses, tout est mémorable). Il y a un je-ne-sais-quoi qui rappelle beaucoup Alfred Hitchcock dans cet ouvrage.
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Titre original : A Judgment in Stone.

George et Jacqueline Coverdale sont des bourgeois aisés qui vivent au domaine de Lowfield Hall, vaste manoir où ils ont besoin d'engager une bonne. Les enfants Melinda et Giles sont demi-frère et demi-soeur car ils sont issus d'un précédent mariage de chaque côté, vivent aussi à Lowfield Hall.
Dès la première phrase du roman, Ruth Rendell installe le climat d'un destin implacable qui ne tient par la suite qu'à de petites choses : on sait que toute la famille va mourir assassinée par la bonne, Eunice et la narration va remonter le temps pour retrouver le fil des évènements qui s'enchaînent avec une rigueur mathématique. Il faut savoir qu'Eunice ne rechigne pas à l'ouvrage et apparaît les premiers temps comme une perle. Mrs Coverdale est ravie et George, bien que ressentant un malaise dès le départ ne veut pas gâcher le bonheur de sa femme. Prenant le lecteur à témoin, la narratrice explique comment les Coverdale furent les artisans de leur propre perte et que le lourd secret d'Eunice, son incapacité à lire et à écrire, dès qu'il se fait jour, la rend plus meurtrière que jamais. le personnage lui-même est un bloc compact d'insensibilité :
"une pierre qui respirait, voilà ce qu'était Eunice. Ce qu'elle avait toujours été."
mais rendue paranoïaque à l'idée qu'on puisse découvrir son "infirmité"; elle fuit livres et magazines comme la peste, la moindre note écrite lui paraît une source infinie d''ennuis, bien plus que le ménage de la grande maison . Ce bloc de pierre trouve son écho dans la scène du meurtre où les victimes sont rassemblés pour écoutant le Don Juan de Mozart à la télévision, qui a pour sous-titre « le festin de pierre", allusion à la statue du Commandeur qui emporte Don Juan dans les enfers, les protagonistes s'identifient chacun à un personnage. Ruth Rendell parsème des allusions littéraires, notamment le Shakespeare du « Conte d'Hiver» ou du « Marchand de Venise ». le rôle de la folle postière et épicière, obsédée par un rachat improbable dans une secte, Les Adorateurs de l'Epiphanie, transforme sa rédemption en meurtre et se pose en soldat du Christ qui tue les impies, inventant à l'occasion ses propres citations bibliques comme elle invente ses médisances. le fils Giles, jeune adolescent byronien, amoureux platonique de sa demi-soeur, elle-même un peu caricaturale en étudiante gauchiste, cherche sa voie chez les sages hindouistes puis vers la religion chrétienne et parsème le tableau de feutre de sa chambre de citations sibyllines qui semblent autant de provocations pour Eunice .
Le film de Chabrol, « la cérémonie », s'inspire du roman à la sauce française. Eunice devient Sophie et l'incarnation de Sandrine Bonnaire- au visage admirablement fermé - lui donne vingt ans de moins. La fin est aussi plus brutale tandis qu'après la mort des Coverdale, le roman continue et l'enquête policière se résume ainsi à une vingtaine de pages avec les fausses pistes et là encore, des coïncidences, des petits faits comme par exemple le mot "enregistrement" (au magnétophone) confondu avec le mot "disque 33t", chose impossible en français mais que l'anglais désigne du seul mot de "record". En ce sens la traduction pèche un peu et l'on y trouve quelques anglicismes "présents" pour "cadeaux" ou encore plus étrange "pour dire le moins" au lieu de « le moins qu'on puisse dire"... Reste un roman très prenant qu'on ne veut pas lâcher de si tôt tant l'auteure a réussi un petit chef d'oeuvre de cohérence dont bien des auteurs de « littérature » pourraient s'inspirer.
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