Le plus beau métier du monde ? Lequel est-ce d'après vous ? Et pour quelles raisons ?
Il se trouve que c'était le mien, mon choix depuis ma première année de collège grâce à mon professeur d'anglais. Donc inutile de vous dire que j'ai mon avis sur la question : oui, c'est un très beau métier, l'un des métiers essentiels au sens où nous formons les citoyens de demain. le plaisir de partager mes connaissances, ce que la vie m'a enseigné, de transmettre, de donner un avenir à la vie des élèves, les aider à se connaître, voilà ce que j'ai aimé. Mais il y a la théorie et la pratique.
En effet, il y a tellement de situations différentes, en fonction de l'âge des élèves et des enseignants, de la zone géographique, du type d'établissement, de l'environnement social, culturel et familial des élèves, du nombre d'élèves par classe, de la matière enseignée, etc… Il n'y a pas UN enseignement, ils sont tous différents, des années plus heureuses que d'autres, des classes plus agréables que d'autres (ce qui ne signifie pas forcément d'un bon niveau, la question n'est pas là).
Dominique Resch n'a pas hérité du poste le plus facile en étant professeur d'enseignement général en lycée professionnel, les élèves n'étant a priori pas venus là pour ça. Alors, quand on y entre, on sait qu'il va falloir faire ses preuves et convaincre.
Sur la troisième de couverture, il est dit que l'auteur n'a jamais demandé sa mutation (heureux dans son poste donc); je le comprends car j'ai eu le même parcours, sauf que j'étais en lycée technique (beaucoup de similitudes). le public qui fréquente ce type d'établissement demande un temps d'adaptation et beaucoup de pédagogie. J'y ai été mutée à 26 ans, après 3 ans d'enseignement seulement, j'ai voulu repartir tout de suite, je n'y étais pas préparée. N'ayant pas obtenu ma mutation, j'y suis restée… jusqu'à la retraite !
En effet, ce public assez direct (lisez la page 65, ça vous donnera une idée) est attachant malgré ses difficultés en tous genres. Après les avoir cernés, je n'ai plus souhaité enseigner dans un établissement plus bourgeois. Mais pas d'angélisme non plus, j'ai connu des moments difficiles, souvent fatigants pour ne pas dire épuisants voire démotivants. La transmission du savoir n'est pas toujours chose aisée quand votre public a d'autres choses en tête.
Ce roman graphique est divisé en trois trimestres, histoire de rester dans le domaine scolaire : ce sont des tranches de vie de classe, des instantanés, il n'y a pas réellement d'analyse, à chacun de tirer ses propres conclusions de ce qui lui est donné à voir. Elles pourront donc varier en fonction de sa propre expérience.
Personnellement, même si j'ai éprouvé du plaisir à lire ce livre, comme pour l'adaptation cinématographique d'un roman, je suis restée un peu sur ma faim. J'aurais voulu en voir et savoir davantage. Je comprends le désir de « vulgarisation » d'un sujet ou d'une oeuvre pour le/la rendre plus accessible, mais j'aime que les choses soient plus développées. Pour vous donner un exemple de texte (pourtant court : 120 pages), je citerais volontiers le livre de
Corinne Bouchard paru en 1992
La Vie des Charançons est assez Monotone. Elle y raconte ses journées de professeur de Lettres dans un lycée technique. C'est à la fois très drôle et criant de vérité. C'était ma lecture annuelle de pré-rentrée pour me détendre avant de me jeter dans la mêlée.
En lisant le livre de
Dominique Resch illustré par
Eric Doxat, j'ai superposé des visages sur ceux des personnages, ceux de mes anciens élèves ou collègues, donc oui, ça m'a parlé, le tableau est assez réaliste, même si on ne voit pas tout, notamment les résultats de la pédagogie de l'enseignant. Par exemple lorsque Karim informe « généreusement » son enseignant, après avoir bien tourné autour du pot, qu'il n'a même pas commencé le devoir qu'il était censé lui remettre ce jour-là, la planche s'arrête là : quelle suite a été donnée ? le professeur montré sous un jour plutôt sympathique va-t-il l'être autant au moment de ramasser les copies ? Ou bien baisse-t-il les bras d'impuissance ?
de nombreux souvenirs sont remontés à la surface, les meilleurs. Des visages aussi que je n'ai jamais oubliés. Rien que pour cela, je remercie Babelio et les
Editions Vuibert de m'avoir offert ce roman graphique. Je termine en disant que je ne suis pas complètement d'accord avec ce commentaire sur la quatrième de couverture : « ce roman graphique est un hymne et un hommage à l'enseignement dans les quartiers difficiles ». Je dirais plutôt que c'est un trombinoscope typique et une série d'anecdotes vraisemblables dont les élèves sont les acteurs principaux. J'ai donc hâte de lire les critiques des lecteurs, surtout non-enseignants, pour voir comment ils ont reçu ce roman. J'espère que cela leur ouvrira des horizons et une meilleure compréhension du « plus beau métier du monde », pourtant bien souvent dénigré. Bonne lecture.