Avec cet auteur, après la lecture des Evaporés, il y a 2 ans, j'étais restée sur une impression mi-figue mi-raisin : l'écriture m'était apparue empreinte d'une certaine sensibilité, Reverdy était incontestablement parvenu à installer une atmosphère singulière, mais la présence de trop nombreux clichés m'avait personnellement un peu agacée. Rien de rédhibitoire toutefois, en tout cas rien qui m'eût détournée de son nouveau roman.
Une fois encore, il a dès le début du livre réussi à m'entraîner dans son univers, qui n'est pas sans rappeler celui des Evaporés. Même si l'histoire est fort différente, on y parle à nouveau de disparition, de déracinement, d'un monde en mutation qui produit les conditions de sa propre perte. J'y ai perçu comme de la nostalgie, teintée néanmoins d'une certaine forme de vitalité qui me semble faire tout le charme de ce livre et être la marque de cet écrivain.
Comme l'indique sans ambiguité le titre, Reverdy a choisi de faire le portrait d'une ville. Exit le Japon, nous voici désormais aux Etats-Unis, dans l'ancienne capitale de l'automobile, Detroit. Sa splendeur passée n'est plus qu'un lointain souvenir, le décor est dressé dès les toutes premières lignes : la ville est au bord de la faillite. Les signes de sa déshérence sont partout : maisons abandonnées, commerces fermés et un taux de criminalité record. Il y règne une ambiance spectrale.
C'est dans ce contexte que débarque Eugène, jeune cadre français, envoyé par sa firme pour tenter de mettre sur pied une nouvelle unité de production révolutionnaire. Dès le départ, il est manifeste qu'il y a quelque chose de déplacé dans cette démarche...
Eugène, quant à lui, va découvrir cette ville et se l'approprier, bien qu'il lui ait été formellement déconseillé de s'attarder dans ses rues. Au fil de ses errances, on découvre des personnages qui tentent d'exister comme ils le peuvent dans un monde qui les refoule inexorablement vers sa périphérie. Ils se bâtissent ainsi une vie en marge, les uns dans «la Zone», reconstruisant une forme d'organisation sociale parallèle et quelque peu inquiétante, tandis que les autres se réfugient dans les replis de leur psyché.
Au milieu du désastre, l'amour et l'amitié subsistent, comme une force vitale, qui irradie le texte.
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