Je tire la langue (sur ma copie). M. Reverdy m'a donné un devoir de vacances, rédiger un billet de son livre. Alors je me lance : Rouge la bouche de Candice, Bleues les boots de Paul, Grise la vie de Mo.
Unité de temps, une seule journée, qui s'égrène en rythme sur une journée scolaire, quasi-unité de lieu ; un lycée de Bondy et ses abords, unité d'action pour une journée de classe presque ordinaire.
Bleu du ciel :
Thomas Reverdy tourne la tête et celle des élèves vers les fenêtres plutôt que vers les murs tristes de la salle de classe. Les pigeons du chinois décrivent des cercles dans le ciel. Une invitation au voyage, à se tirer vite fait d'ici en trois coups d'ailes pour un autre avenir que les cités de béton, la drogue et les vues sans horizon.
Rouge incendie : la fin en feu d'artifice de violence et de colère surfe sur les éléments récents des émeutes urbaines, mais dans cette partie
Thomas Reverdy s'éloigne un peu trop de son sujet et perd selon moi en crédibilité. Comme si cette partie avait été écrite pour un autre texte, puis finalement un peu bricolée pour le rattacher à celui-ci.
Ennui Gris : je n'ai pas cru aux personnages de Candice, Paul et Mo, ils m'ont paru déguisés, caricaturaux, avec des personnalités trop attendues (le vieux syndicaliste grincheux, la jeune prof dynamique qui veut encore y croire, le poète bobo parisien effrayé à l'idée de franchir le périphérique, …). Les histoires d'amour naissantes sont maladroites, superficielles et surjouées, sans envergure ni souffle, elles ne m'ont pas procuré d'émotion. L'auteur ne m'a pas semblé à son aise sur ce sujet.
Je retiendrai de ce roman avant tout la critique bien dosée de notre cher mammouth. L'auteur étant prof lui-même dans un lycée de Bondy, il n'a pas eu besoin de beaucoup d'inspiration pour trouver son sujet. Les anecdotes fusent, les remarques bien senties sur la vie d'un lycée se bousculent.
Tout est décortiqué et tout y passe, des photocopieuses défaillantes, aux files de la cantine, l'infirmerie, les pions, les profs, les syndiqués, plus d'une remarque m'ont rappelé des souvenirs de mes années lycée (et l'on se rassure en se disant que finalement presque rien n'a changé). Tout ce joyeux microcosme s'évertue à faire grandir des ados, les pousser vers un avenir meilleur, avec une foi inébranlable dans l'ascenseur social. Tenir tous les jours, avec trois bouts de ficelle en mode sacerdoce, la foi en ces jeunes bien calée au fond du sac en bandoulière.
« Les gamins, c'est comme s'ils étaient tous myopes. Ils ne voient que le copain à qui ils sont en train de parler, en général très fort, parce qu'ils sont myopes de l'oreille aussi. Ils marchent de front comme s'ils avaient loué le couloir, les écouteurs encore enfoncés dans les oreilles, le téléphone à la main, la casquette vissée sur la tête, il y en a même qui s'assoient là, par terre, contre le mur, les jambes bien étendues devant eux comme un piège à vieux. (p.60) »
« Ils ne sont pas nombreux à se promener tout seuls, comme Mo. Ils marchent. Ils font tous semblant d'aller quelque part, d'avoir quelque chose à faire, d'avoir quelqu'un à retrouver. C'est important, de ne pas rester seul. Ne pas avoir de copains, c'est pas normal. C'est louche.
Les jeunes, ça se déplace en bande. (p.96) »
Alors pourquoi ces 2,5 petites étoiles ? parce que finalement, ce livre je l'ai plus ressenti comme un reportage, un documentaire intéressant, mais je n'ai pas été emportée par l'histoire racontée, ni le style.
La sonnerie a retenti, il est l'heure de rendre ma copie à M. Reverdy.