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Plusieurs similitudes lient ces deux romans de Yasmina Reza (Adam Haberberg et Une Désolation): leur narrateur est un homme qui rumine ses insatisfactions et se comporte en ronchon caustique ; le portrait qui se dégage est vif, quelques traits brossés au crayon très noir soutenu par un sens psychologique aigu ; l'absorption de chacun demandera le temps d'un long métrage, laps court parlant de lecture. Enfin, leur toile de fond est schopenhaueresque: l'existence étant faite de désirs insatisfaits et de tracas, les plaisirs ne sont perçus que par contraste avec l'état de souffrance.

Samuel Haberberg (2003) a toutes les raisons de regretter sa situation : ménage pas heureux, mauvaise réception de son premier livre, spleen profond. L'écrivain raté déambule devant les autruches du Jardin des Plantes et tombe sur une ancienne camarade de lycée. Rencontre navrante, il la trouve sans intérêt, accepte stupidement l'invitation à souper et le voilà piégé dans un consternant tête-à-tête. le pire est à venir avec des aveux sentimentaux dont il ne sait s'ils sont refroidis ou proposition. Contraste violent entre une Marie-Thérèse badine, esprit pratique et content, et un Adam misanthrope qui songe "Je ne peux pas croire que Dieu se soit rétracté pour laisser place à une humanité de ton espèce." Incises désabusées - impertinentes ? - sur l'écriture : "Le vrai écrivain ne réfléchit pas à la littérature. le vrai écrivain se fout de la littérature." Récit dépouillé, moments ternes et embarrassés que Reza rend avec tant d'authenticité que l'empathie gagne. La phrase est courte, trop diront certains. On objectera que faire simple reste le plus difficile et s'approche le mieux de l'idéal.

Une désolation (1999) est un monologue: Samuel, exécrable, négatif, mordant, exprime sa hargne envers un fils qui mène une vie sabbatique et auquel il reproche d'exister mollement heureux, au lieu de manifester une attitude pugnace. L'âge venant, Samuel se sent rétréci par le monde: "Est-ce que vieillir consiste à développer une parodie de soi ?" Ce tempérament combatif traduit les positions de Yasmina Reza : "La guerre est inhérente à l'homme, elle n'est pas à part. L'homme est immaîtrisable." Car elle privilégie les rapports riches et dangereux : "Le confort est la chose la plus rétrécissante du monde." Rien d'étonnant de découvrir chez elle ce personnage désabusé par son "véliplanchiste" de fils : "Écarter la souffrance vous tient lieu d'épopée", harangue-t-il.

Ce titre possède un potentiel plus riche que le premier évoqué et on imagine aisément un devenir littéraire aux personnages: une réponse du fils à son père ? Paradoxalement, sa nature excessive m'a moins séduit que le sobre et efficace Adam Haberberg, une création dont l'expression même constitue un rempart contre la désespérance qu'elle évoque.


Peu d'informations et critiques correctement fondées sur la Toile à propos des deux textes. Les meilleurs repères sont des entretiens pour L'Express Culture : l'un avec Catherine Argand, réalisé en 1999, l'autre avec François Busnel et Jérôme Serri en 2005. Les plus intéressés trouveront un portrait complet "La guerrière appliquée" dans Le Nouvel Observateur (papier) du 3 janvier 2013. Surtout célébrée pour ses oeuvres théâtrales (Art, le Dieu du carnage) beaucoup analysées et jouées dans le monde, les romans de cette dame talentueuse (occasionnellement actrice de théâtre et de cinéma, elle est aussi réalisatrice) attendent-ils une redécouverte méritée ?

On observe que la guerrière a quelque analogie avec l'ex-président Sarkozy: "sèche, «burnée», teigneuse, dure à tout par principe" est-elle malmenée par Libération dans une vive critique sur L'aube le soir ou la nuit, où elle raconte le futur élu qu'elle a suivi durant la campagne 2007. Grand succès de vente.


Même si la discrétion est maintenant de mise, la russo-irano-hongroise a une aura people qui pourrait la desservir en tant que femme de lettres. Les deux romans ont en outre des émanations existentialistes, décolorées aujourd'hui, et j'ai même lu le qualificatif assassin germanopratin[1] à propos de leur caractère intellectuel. Fi de tout cela, les textes vivent seuls. Et pour peu qu'on soit dans les dispositions philosophiques et mentales requises pour être la cible de la sagette Reza, nul doute que ces deux livres cinglants iront au coeur et à l'esprit.


[1] de Saint-Germain-des-Prés.
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Encore un bon livre comme je les aime, qui ne paie pas de mine mais qui embrasse large concernant les questions humaines essentielles : qu'est-ce que la réussite ? l'amitié ? l'amour ? le couple ? le mariage ? les souvenirs ?
Comment se sent-on vieillir, à partir de quand a-t-on sa vie derrière soi ? Comment aborde-t-on la maladie qui vient, qui peut venir, qui est peut-être déjà là ?
Le temps existe-t-il ou n'est-il qu'un rêve qui passe ?
Enfin, at last but not least : la séduction ... qu'est-ce ? Les réflexions du narrateur retrouvant une camarade de lycée perdue de vue sont dignes d'"Extension du domaine de la lutte" de Michel Houellebecq, paru antérieurement (précisément neuf ans avant).
Si le narrateur insiste moins sur le sexe, les enjeux sont les mêmes : plutôt la fuite, plutôt la mort qu'être pris dans les rets d'un, d'une "pas baisable". Yasmina Reza ne parle pas comme ça, ou pas beaucoup, mais "suivez mon regard", c'est bien ça qu'elle a en tête, et nous avec. Les avances tardives de la pauvre Marie-Thérèse, la pas-si-moche-que-ça Marie-Thérèse, mais l'infiniment pas-séduisante Marie-Thérèse, paniquent Adam Haberberg davantage encore que la peur de vieillir, la peur de la maladie, la tristesse de son mariage qui s'effondre. C'est comme si sa valeur intrinsèque n'était réellement atteinte que par cette ultime avanie : qu'une invisible, une laissée pour compte, une que personne parmi les adolescents d'alors n'avait jamais vue, bien que la côtoyant tous les jours, ose, oui OSE lever sur lui son regard gélatineux d'animal vaincu et c'est l'écrasement final. Une seule solution, viscérale, tripale : la fuite dans la nuit.
Oui, là vraiment, j'ai cru lire du Houellebecq.
Mais Yasmina Reza n'est pas Houellebecq : pas le même style, pas la même sensibilité tout-à-fait, mais la même tendresse envers l'animal humain. Car oui, tous deux semblent cruels, mais derrière la cruauté, une immense compassion pour ce que nous sommes tous.
A travers le flux de conscience du narrateur, notre vie est ainsi passée au marteau-piqueur.
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Il est des écrivains dont on pressent que jamais ils ne pourront vous décevoir. Yasmina Reza fait partie de ceux-là. Immense écrivain, elle parvient, en quelques mots, en quelques échanges entre ses personnages à installer la réflexion, l'humour, le pathétique et l'émouvant. Rare cohabitation de sentiments et d'émotions! Cet ouvrage ne déroge pas à la règle : Adam Haberberg est à la fois un pauvre type et un surdoué paumé et hypersensible, qui vit l'existence comme une meurtrissure....Cet ouvrage, c'est un peu le Spleen version XXIème siècle. Ébouriffant d'intelligence !
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Le spleen de l'existence dans toute sa splendeur.

J'ai failli tomber en dépression en lisant la rencontre de ce mal-aimé avec son ancienne camarade de lycée, dans une cuisine de Banlieue parisienne, autour d'une omelette aux pommes de terre.

Un bon moment de lecture, mais à lire dans une période de bonne humeur si l'on ne veut pas risquer de tomber à son tour dans un étouffant spleen existentiel.
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De prime abord cela peut paraitre un peu bateau , type livre de prix littéraire . Et aufinal quelle bonne suprise !! Reza est fidéle à elle méme , l'histoire est prenante , on se laisse guider , et c'est un petit bonbon que l'on découvre . Certes ce n'est pas un chef d'oeuve , mais en l'état un trés bon livre d'un écrivain de grand talent !!
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J'ai été au bout de ma lecture mais la magie n'a pas opéré comme à son habitude, je ne me suis pas laissée emporter par l'histoire. La rencontre magique ne s'est pas faite et je n'ai pas compris ce qu'il y avait de si extraordinaire dans l'écriture de Yasmina Reza pour en faire une auteur avec une telle aura. Je suis passée à côté.

C'est pas grave, ce sont des choses qui arrivent mais ça m'a rendu triste. Yasmina Reza fera partie des auteurs qui me resteront étrangers.

Lien : http://mapetitepause.over-bl..
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Un livre qu'on n'oublie pas, très étrangement, et dont certaines scènes restent gravées dans la mémoire comme cette soirée dans une cité de banlieue entre ces anciens camarades de lycée, un homme et une femme et leur embarras de se retrouver.
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Errance et introspection ne sont définitivement pas pour moi,
l'absence de ponctuation n'a pas aidé,
impossible d'apprécier vraiment ce roman...
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