Je prends une grande respiration, j'essaie de ne pas montrer ma peur et je répète ma litanie, cette phrase qui est devenue aussi naturelle chez moi que le fait de respirer : "je recherche ma petite fille"."
p. 222
p340
Mais il a fait ce petit pas : il est sorti s'acheter une paire de chaussures. Il est en train de recommencer à vivre.
La mémoire est le prix que nous payons pour façonner notre propre personnalité, pour avoir le privilège de connaître notre moi intime ; c'est le prix que nous payons pour nos victoires comme pour nos défaites. (p. 513)
Une fois de plus, je m’émerveille devant la capacité de Nell à apprendre, à absorber et à traiter une grande quantité d’information sur un sujet quelconque, n’importe quand. Je me demande toujours si sa passion pour l’information a n rapport avec la mort de son fils, si la constante absorption des faits est un ultime recours pour remplir un vide qui ne s’et jamais comblé. J’imagine son chagrin comme un trou noir, toujours béant, qui engloutit la connaissance à une vitesse effrayante. C’est le même trou noir en perpétuelle expansion qui a envahi mon esprit et mon cœur tout au long des semaines écoulées depuis la disparition d’Emma. Tandis que Nell nourrit sa souffrance par l’apprentissage, je nourris la mienne d’interminables recherches.
La mémoire fonctionne comme un processus constructif qui ne se contente pas de reproduire, mais qui filtre, change et interprète le passé.
C'est l'histoire d'une petite fille, elle s'appelle Emma, nous marchions sur la plage. Elle était là, et ensuite, elle n'était plus là. Il n'y a aucun moyen de réécrire le script ; j'ai détourné le regard. Ce qui est fait ne peut plus être défait. [p. 38]
Je ne peux pas imaginer une heure qui ne comporte pas l'idée de sauver Emma, ce but ultime, impossible à atteindre.
Les photographies représentent notre lutte éternelle contre le temps, notre détermination à préserver un moment : la jolie petite fille bébé, avant qu’elle devienne une adolescente difficile, le beau jeune homme, avant que la calvitie et la graisse prennent son corps d’assaut ; le voyage de noces à Hawaï, avant que les deux époux deviennent des étrangers l’un pour l’autre, partageant le même toit dans la colère.
P236
C'est comme. S'ils étaient tout simplement évanouis dans le brouillard.
Une vie sans souvenirs est une vie qui n'a pas de sens.