Les Haarder vivent sur une minuscule île au Danemark. Une île dont ils sont les seuls habitants, reliés à la ville la plus proche par un bras de mer. Cela permet à cette famille dysfonctionnelle et marginale d'être coupée du reste du monde et de mener ses petites affaires loin des regards indiscrets. Il y a le père, Jens, qui vit en homme des bois, connecté aux arbres et à la nature, effrayé par la civilisation qu'il considère comme son ennemi. Il parle aux végétaux, tue les animaux la nuit sous prétexte qu'on souffre moins dans l'obscurité, accumule des objets glanés dans les déchèteries, au point de transformer sa maison en véritable décharge. Il ne travaille plus depuis un bail et nourrit sa famille en volant à droite à gauche.
Il y a la mère, Maria, qui vit en recluse dans sa chambre là-haut, tellement obèse qu'elle ne peut plus se déplacer. Et qui communique avec sa fille par petits mots.
Il y a leur fillette, Liv, qui a appris de son papa adoré à se méfier des autres, qui n'a jamais adressé la parole à personne en dehors de sa famille... Liv est une sorte d'Enfant sauvage, de Mowgli nordique, qui a appris à chasser, à tirer à l'arc et à respecter les arbres et surtout, la
résine, cette sève nourricière que son père vénère.
La romancière Ana Riel en fait sa narratrice. On suit son point de vue naïf, innocent sur les choses, sa découverte du monde. Et c'est à la fois effrayant et bouleversant. Parce que dès le début, on découvre une violence terrible chez Jens. Une violence acceptée par le reste de la famille. L'ambiance est malaisante dès la première phrase du roman et ne va cesser de s'amplifier. Ce qui pouvait apparaitre comme un petit paradis écolo va se transformer au fil des pages en cauchemar, le tout sous les yeux de la petite Liv qui ne voit le mal nulle part et qui est prête à aider son papa quelque soit ses demandes. Aveuglée par l'amour qu'elle porte à ses parents et surtout à son père qui lui a tout appris, elle assiste à tout sans broncher et s'accommode de tout.
Je me suis attachée très vite à cette gamine pas comme les autres et j'ai englouti ce roman à toute vitesse, effrayée par le drame qui couvait. J'ai lu les dernières cent pages en apnée, parfois au bord de la nausée, espérant une issue pour Liv, l'enfant perdue.
"
Résine" ne ressemble à rien de connu, c'est à mi chemin entre la chronique sociale et le polar, avec des touches d'épouvante et d'humour noir aussi. le style d'Ana Riel est fluide, sobre, direct et c'est d'autant plus efficace lorsqu'elle décrit une scène atroce comme si elle parlait de la pluie et du beau temps. Bref, "
Résine" m'a collée au fauteuil par son univers singulier et inconfortable et j'ai hâte de lire d'autres romans de cette Danoise.
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