VOUS QUI ENTREZ EN THESE, ABANDONNEZ TOUTE ESPERANCE !
C'est avec un humour un brin caustique que Thiphaine Rivière nous plonge dans la vie d'une nana qui a décidé de grimper les échelons de la gloire diplômante en se lançant à fond de train dans une thèse.
Ah, la thèse ! Faire de la Recherche avec un grand R stylé gothique, côtoyer le gratin du monde académique, déclamer les profondes avancées que l'on a creusées dans les congrès internationaux !
Qui ne rêverait pas de ça ?
Eh ben, en fait, c'est la galère ; largement pire que le collège zep que Jeanne quitte. D'abord faut t'autofinancer, puis tu es livré à toi-même et faut pas compter sur ton directeur de thèse pour t'aider parce que, lui, il est juste là pour empocher les lauriers, puis faut sacrifier entre 5 et 8 ans de ta vie, ton couple, tes amis, accepter de devenir monomaniaque, subir les remarques acerbes de ta famille, tout ça pour pondre une n-ième analyse sur un auteur qui n'intéressera en tout et pour tout que quatre personnes au monde ! Bon, l'alternative « un flingue et deux balles pour les maladroits » devient presque séduisante du coup.
Là, il faut signaler que Jeanne fait une thèse « en littérature ». T'ention ! c'est super différent d'une thèse en science, où là on fait avancer systématiquement le progrès de l'humanité toute entière, et puis on est financé, et on a trois ans pas plus à passer. Voyez le cousin de Jeanne : c'est la vedette de la famille à Noël. (Oui, bon, étant ancien thésard en science, le passage sur le progrès de l'humanité je le mets entre parenthèse, hein !)
Tiphaine Rivière nous brosse une galerie de portraits « à peine » caricaturés et absolument savoureux. du chercheur égocentré qui fuit son boulot d'encadrant de thèse à l'étudiante de Normale Sup qui regarde ses « collègues » étudiants avec condescendance en passant par la secrétaire du département des thèses dont le seul mouvement de la journée est celui de sa bouche quand elle baille, tout y est ! C'est jubilatoire tellement on s'y croirait.
Certains morceaux sont inoubliables : la description de l'administration métastasée est digne de celle des « Douze travaux d'Astérix » et je me suis reconnu dans l'angoisse que l'on éprouve quand on pénètre dans l'antre de la BNF
François Mitterrand. On a vraiment l'impression d'entrer dans les cercles de l'Enfer tellement c'est glauque.
Je regrette seulement les multiples scènes de la vie de tous les jours « je me douche, je chie, etc. ». Je dois être un brin pudibond moi. Un détail.
Merci à marina53 pour cette découverte.