Après neuf romans, tous aussi terribles et improbables les uns que les autres,
Tom Robbins livre maintenant une nouvelle histoire à la fois dingue, spirituelle et révolutionnaire : la sienne. Difficile de ne pas retrouver en lui l'essence même de ses personnages et intrigues, tant sa vie ressemble à un roman. On zigzague entre cirque, road trip, armée, drogues psychédéliques, religion, célébrités et FBI, on part des hauteurs montagneuses où il ne se passe rien à Manhattan où il se passe tout.
Élevé dans une ambiance de bigoterie, le petit "Tommy Rotten" a attendu d'avoir sa part d'illumination et de révélation - en vain -, et a donné bien du fil à retordre à son entourage. Ce n'est qu'une fois après avoir été initié au LSD que la grande épiphanie opère. Même si, pour être tout à fait honnête, il y a d'abord eu le monde de l'art, la vie de bohème, pour apporter brillance, extase et surréalisme. Ce sont toutes ces sources d'inspiration qui finalement font pétiller l'oeuvre de l'auteur, que l'on peut considérer comme un pur produit des sixties, puis des seventies (période à laquelle il a commencé à écrire).
La première raison, s'il en faut, pour lire
Tom Robbins, c'est qu'il écrit vraiment très bien. Il est clair qu'il aime ça, et qu'il en a fait sa passion. Il sait raconter des histoires, intriguer, jouer avec les mots, il sait trouver les mots justes et faire en sorte qu'on ne s'ennuie jamais, pas une seule seconde. Ensuite, la deuxième raison, tout aussi évidente, c'est son humour. Dans sa vie comme dans ses livres, rien n'est pris trop au sérieux, et il y a toujours un clin d'oeil ou un pied de nez à faire ici ou là. Puisqu'il n'y a qu'une vie, autant y aller avec le sourire - et avec audace.
Une autre raison, enfin, de lire ce livre, c'est pour toutes les personnalités qu'on y croise, qu'on connaît bien et qui ont marqué leur temps - probablement plus que
Tom Robbins lui-même, finalement assez peu connu de ce côté-ci de l'Atlantique. Que ce soit pour
Tom Wolfe,
Allen Ginsberg,
Timothy Leary,
Ken Kesey, voire
Al Pacino, ou même, oui, même Charles Manson, et bien d'autres encore... Sans compter toutes les références littéraires, musicales, artistiques. En tout cas, il paraîtrait que Tim Leary, en prison, se serait vu offrir un de ses livres sous prétexte que c'était le préféré des Hells Angels (la boucle est bouclée).
Emblème vivant de la contre-culture, avant-gardiste, « Magicien maboul » et écrivain en (très très bonne) herbe, celui qu'on nomme « le plus dangereux du monde » (on apprend enfin pourquoi) est surtout, même aujourd'hui à 85 ans, toujours aussi drôle, pétillant, ironique et indomptable. Et, pour moi, en plus d'être quelqu'un que j'aurais adoré connaître et côtoyer, une icône littéraire, que je regretterai grandement le jour où sa plume cessera d'exercer. Bref, prenez donc une part de tarte, laissez les pêches vous goutter sur les doigts, enivrez-vous de ce sucre acidulé et reprenez-en encore, jusqu'à l'indigestion, n'ayez pas peur.
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