Tom Robbins qui m'avait régalé avec son roman
Une bien étrange attraction est à nouveau mis à l'honneur chez Gallmeister.
Cette fois-ci, le lecteur va plonger dans les délices du parfum et d'un élixir de jouvence qui traversera plusieurs siècles.
Priscilla, serveuse à Seattle, consacre ses nuits à faire des expériences chimiques pour trouver la recette du Taco parfait.
A la Nouvelle-Orléans, Mme Devalier et son assistante V'lu travaille dans leur petite parfumerie en perte de vitesse pour confectionner le parfum ultime qui leur fera remonter la pente.
Enfin, à Paris, l'excentrique Marcel Fever, nez de la société du même nom qu'il dirige avec son cousin Claude peaufine le futur best-seller de la maison.
Rien ne les relie excepté le fait que, tous les jours, une betterave leur est livré mystérieusement.
L'origine de ces betteraves est à chercher dans l'autre histoire que Robbins nous sert en parallèle : Alobar, roi de Bohème du 8ème siècle refuse de se soumettre à la tradition qui commande de tuer leur dirigeant aux premiers signes de vieillissement (impuissance, cheveu gris). Ce dernier s'échappe grâce à un subterfuge et prend la route à travers l'Europe et le monde mais aussi à travers les siècles. C'est que notre homme vivra 900 ans et que sa quête éperdue d'immortalité se réalisera à force de conviction et de rencontres. Les moines Bandaloop l'initieront à leurs secrets et la belle indienne Kudra le régénérera à force d'amour et de sensualité. le dieu Pan sera aussi de la partie et son fumet de bouc, un ingrédient fort peu goutu de cette aventure au goût de betterave. Il faut dire aussi qu'avec tout ce christianisme tapageur, notre dieu-bouc n'est plus honoré et perd peu à peu de son pouvoir.
Parfum, betterave, dieu, immortalité, religion : voilà un cocktail improbable que
Tom Robbins réussit avec brio à entrelacer ! Ne cherchez pas ici un récit réaliste, l'auteur part comme à son habitude dans des élucubrations loufoques qui cachent malgré tout une intense réflexion.
Le roman se construit autour de chapitres alternés qui nous conduisent soit auprès d'Alobar, soit auprès de nos 3 parfumeurs. le lien n'est évidemment absolument pas évident et ne se fera jour qu'au terme d'une lente narration qui balade son lecteur sur les traces du roi immortel. On le suit et on découvre à travers ses yeux de néophyte différentes civilisations, différentes conditions auquel notre homme s'adapte toujours sans soucis.
Toujours obligé de fuir pour différentes raisons ou circonstances, dont le fait que son visage ne vieillit pas, il croise sur sa route différentes religions : les hindouistes qui exigent d'une veuve qu'elle s'immole par le feu sur le cadavre de son mari, les moines bandaloop (bouddhistes ?) qui voit le secret de la longévité dans la méditation et l'ascèse, les païens qui honorent le roi de la galette pour mieux en lui offrant tout ce qu'il souhaite pour mieux le tuer 7 jours plus tard et les chrétiens enfin qui crient à la magie noire et aux sorcières dès que quelque chose leur échappe et qui tuent le dieu Pan à petit feu par leur rigorisme et leur individualisme.
Il sera donc question ici de vie, de mort, d'amour et de plaisir de vivre. Alobar, lui, a fait clairement le choix de la vie, s'épanchant régulièrement dans des activités à haute teneur sexuelle, un bel hommage au lubrique Pan dont il essaye de sauvegarder l'image et la force (l'odeur de bouc en rut, elle, est toujours là !).
On retrouve la prose mystique de notre auteur qui s'amuse de ses personnages et leur met dans la bouche bon nombre de théories plus ou moins fumeuses sur l'immortalité mais qu'importe le flacon pourvu qu'on est l'ivresse ! Mais le flacon est ici de qualité. L'écriture est toujours aussi pleine d'absurdités et l'auteur sait parler avec beaucoup de sérieux de choses totalement décalées.
Le roi de la métaphore impossible (le "Houdini de la métaphore" tout de même !) est toujours en forme et, même si je regrette que ma lecture ait été un poil moins jouissive que son roman précédemment édité, je ne me lasse pas de l'humour et de l'inventivité dont il fait preuve.
Un parfum de Jitterbug est donc là encore un roman jubilatoire qui ne lassera pas de surprendre son lecteur qui cherchera toujours le rapport entre parfum et Jitterbug !
Que les amateurs de betterave se rallient !
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