Un bandeau jaune plutôt racoleur entoure le livre : « Tout le monde adore
Normal People, nous aussi ! » Même si ce pléonasme me fait sourire, il me met un peu la pression par son double message ambigu.
Dès les premières lignes, je comprends que je vais moi aussi adorer
Normal People.
On va suivre Marianne et Connell sur une période de quatre ans, de janvier 2011 à février 2015.
Quand l'histoire débute, ils sont tous deux au lycée dans une ville d'Irlande. Ils sont passionnés de littérature. Connell explique chercher dans les livres à mieux comprendre le monde et les gens pour s'en approcher.
Elle est issue d'une famille aisée. Elle est un peu considérée comme la paria bourgeoise, solitaire et marginale, bien que très douée. Lui, c'est le beau gosse du lycée, la vedette de l'équipe de foot. Sa mère travaille comme femme de ménage chez la mère de Marianne. Deux familles sans père.
Marianne et Connell vont s'aimer tout au long du livre, à travers leur passage à l'âge adulte, intensément, crûment, inconditionnellement. L'auteure,
Sally Rooney, sait insuffler un formidable rythme à son histoire par ses dialogues tellement justes, par ses silences aussi.
Les deux jeunes sont tous les deux dans un autre espace temps et sensoriel que le monde qui les englobe, et auquel ils participent pourtant.
À l'université, ils ne se sentent ni l'un ni l'autre à l'aise avec la « méritocratie » qui les cerne, alors qu'ils touchent l'excellence.
Leur passion sera pavée de quiproquos, de malentendus, d'incompréhensions, d'indécisions, et ils seront alors dépassés, résignés, séparés. « C'est toujours comme ça, la vie ? » demandera Connell.
Mais leur amour ne fléchira néanmoins pas. Lui est intimement persuadé qu'elle le rend meilleur. « Bah, tu es plus intelligente que moi. » Elle est consciente « d'être capable de désirer ce qu'elle ne veut pas. » Marianne et Connell sont complexes, maladroits, touchants, émouvants, beaux, d'une sincérité saisissante.
Normal People est assurément un grand roman, un de ceux qu'on n'a pas envie de quitter.