Citations sur Manderley for ever (132)
La magie des livres est une drogue, un sortilège, une échappatoire, aussi puissante, aussi envoûtante que le Pays Imaginaire de Peter Pan.
Chaque soir, lorsqu'elle ferme ses rideaux, Daphné aperçoit une lumière, pas loin, en bordure du Heath, une fenêtre allumée tard dans la nuit qui semble scintiller avec bienveillance. Contempler sa lueur dorée l'apaise, lui infuse un sentiment d'espoir...
...Une lettre d'Angela émeut Daphné. Elle y apprend que Katherine Mansfield, son idole littéraire, décédée il y a deux ans, avait vécu à Hampstead, à Portland Villas, tout près de chez eux. La fenêtre allumée la nuit entière, que Daphné voyait de sa chambre, c'était chez la romancière, une coïncidence qu'elle trouve magique.
Daphné vient d'avoir quarante-cinq ans, elle n'est plus une gamine, ses cheveux sont à présent gris, son visage enfantin s'est creusé, qu'on lui fiche la paix avec cette image ringarde d'auteur de romans sirupeux !
Les gens et les objets disparaissent, pas les lieux.
Voilà comment se nourrissent les romans, d’ardeur et d’obsessions, tout ce qu’on ne peut exposer au monde extérieur au risque de passer pour une démente, tout ce que ces abrutis de juges n’ont jamais su, ni anticipé, tout ce qui se trame dans l’âme des écrivains, fragments de vérité et de fantasmes, argile personnelle façonnée et pétrie à souhait dans les dédales d’un labyrinthe de l’intime interdit aux visiteurs et aux curieux.
Je reste assise pendant l'après-midi entière et j'écris encore et encore. C'est laborieux. C'est tellement plus simple de penser les mots dans ma tête, vaguement, que devoir les mettre sur papier.
Qu'est-ce que c'est un "rien", est-ce un mot, une ligne, une déception, une promesse non tenue ?
Oh, j'aime tant Paris, pas vous ? Les rues pavées, les taxis qui klaxonnent, les illuminations splendides, les petites dames chic, les hommes à l'allure "Dago*", coiffés de leurs feutres. Juste après la pluie, il n'y a rien de plus féerique, plus magique que la place de la Concorde, la nuit.
*Dago : efféminé (selon le code "du Maurier")
Ces visages anonymes, ces yeux qui la détaillent, que peuvent-ils comprendre du processus d'écriture, eux qui n'ont jamais écrit de roman de leur vie ? Que savent-ils des doutes qui envahissent les écrivains ? Croient-ils, ces inconnus qui l'écoutent à présent dans le silence de cette pièce austère de la Cour fédérale de Foley Square, qu'un livre s'écrit d'un trait, qu'un roman se bâtit à partir d'une seule idée, que l'auteur n'a qu'à suivre cette idée comme un mouton placide, tirer un fil et le retranscrire ? Ils ne pourront jamais entrevoir à quel point la pensée d'un romancier est nébuleuse, complexe, tissée de contradictions et de non-dits, ni se douter comme c'est dégradant d'être debout, là, face à eux, à devoir décortiquer l'inspiration comme si c'était une vulgaire recette de cuisine, à démonter les rouages alambiqués de cette alchimie intime, le mécanisme à l'oeuvre dans les replis de son cerveau.
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Les gens et les objets disparaissent, pas les lieux.