AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,05

sur 422 notes
5
23 avis
4
21 avis
3
6 avis
2
1 avis
1
0 avis
La Marche de Radetzky est indéniablement un roman historique, témoignage de grande valeur de la fin de l'empire austro-hongrois, de son apogée en 1859 à la décadence, accélérée par la la 1ère Guerre mondiale.

Cette marche, à contre-pied de celle de Johan Strauss pleine d'entrain, débute avec la défaite de Solferino, et la "création" d'un héros pour les livres d'enfants... toute la suite de l'histoire décline ce même thème : au-delà de l'apparente réussite d'une famille entrant dans la vie aristocratique et superficielle des soutiens au régime, l'illusion de cette société de pacotille se fend, et les personnages se retrouvent face à un abîme, où tout idéal disparaît, avant d'y sombrer effectivement, avec ce régime, dans la Guerre.

Considérée comme "décadente" par les nazis, l'écriture de J. Roth m'a semblé au contraire assez "classique". J'y ai trouvé des longueurs, comme dans les romans-fleuves de Flaubert, Proust ou Balzac. Mais par son thème et le traitement psychologique des personnages, je le situerais autant stylistiquement que géographiquement -ce qui n'est sans doute pas un hasard- entre le Désert des Tartares du vénète D. Buzzati et la veine slave de Dostoïevski. Enfin, le déracinement de J. Roth est omniprésent dans son roman, ce qui le rapproche rapproche de Kafka, autre auteur de langue allemande mais à l'âme slave, juive, multiculturelle par obligation, caractéristique des écrivains de cette Europe de l'Est "explosée" par L Histoire en ce début de XXème siècle.

Du rapport avec D. Buzzati et Kafka on retiendra l'amertume et le cynisme qui transparaissent dans "'l'observation" des personnages. Passifs, prisonniers de leurs rôles sociaux, ceux-ci paraissent en effet plus observés par le journaliste J. Roth, que réellement mis en scène. Ses personnages, sans se l'avouer, s'ennuient, désespèrent, luttent en vain pour exister. L'affection de l'auteur pour sa patrie multiculturelle et ses personnages inspirés de son vécu est sensible, mais il met cependant une distance, comme pour se protéger de sombrer lui aussi dans l'inertie et la déliquescence. L'armée et la bureaucratie semblent les seuls remparts, bien fragiles, d'un empire finissant, autour du culte d'un Empereur omniprésent, mais en réalité simple icône désincarnée.

A certains égards, on peut aussi rapprocher J. Roth de Dostoïevski, par son questionnement sur l'identité nationale, et par le ton : derrière la description aseptisée les personnages bouillonnent à l'intérieur, dans leur inconscient profond, leurs gènes. Les personnages de J. Roth, "enrôlés" dans l'opérette autro-hongroise mais puisant leurs racines juives et slaves dans les campagnes de Galicie sont, au même titre que leurs cousins russes, cet "homme de trop" pour l'Europe, dont parlait Tourgueniev, déchiré entre l'orient et l'occident.

Malgré ces richesses, je n'ai retrouvé chez J. Roth ni la force De Balzac ou Dostoïevski, ni le surréalisme de Buzzatti, ni l'absurde métallique de Kafka, qui ont fait de ces lectures un plaisir à 4 ou 5 étoiles. La lecture de ce roman m'a intéressé, mais pas passionné ; comme je l'ai lu dans un article de M-F Demet, J. Roth reste donc pour moi un "auteur marginal", enrichissant mais pas incontournable. Je remercie néanmoins les amis babeliotes qui me l'ont fait connaître.
Commenter  J’apprécie          338
Ce livre est magnifique : le thème en est la chute de l'Empire austro-hongrois observée à travers les vicissitudes d'une famille fictive anoblie sous le nom de von Trotta : le premier d'entre eux à n'être pas paysan n'a fait rien de moins que sauver la vie de l'empereur lors de la bataille de Solférino et s'est trouvé propulsé, presque à son corps défendant, dans les manuels scolaires.

Ce pan d'histoire, réel quant à lui, a façonné quantité d'évènements qui ont marqué notre inconscient collectif de diverses façons, même si nous ne nous en rendons pas compte, et même si nous ne sommes ni autrichiens, ni hongrois : on voit comment la défaite des armées de François-Joseph a symboliquement amorcé le déclin de son Empire dans les mentalités; on rencontre des tirailleurs algériens engagés du côté français dans cette bataille catastrophique ( 3300 soldats répartis en trois bataillons ); on croise Henri Dunant, le fondateur de la Croix-rouge; on assiste à la montée des nationalismes de tous les peuples bridés au sein de cet immense ensemble disparate; on assiste aux premières grèves ouvrières, durement réprimées par les politiques et les industriels; on comprend comment cet enchaînement a exercé sur l' immense Etat une force centrifuge telle qu'il n'y a pas résisté et que les conditions de la première guerre mondiale se sont trouvées réunies.

Ce livre m'a beaucoup appris. Ses protagonistes, qu'ils soient des personnages principaux ou secondaires, ont une grande densité humaine, ce qui est une qualité appréciable car elle permet de mieux saisir ce tourbillon historique en nous interessant à leur sort.

L'auteur a réussi là une grande épopée dont tous les protagonistes sont sortis perdants mais qui a contribué à créer l'Europe actuelle.

Un moment de lecture formidable pendant lequel l'émotion m'a à plusieurs reprises submergée.
Commenter  J’apprécie          222
Pour de vrai je n'aime pas beaucoup la marche de Radetzky de je-ne-sais-quel-Strauss. Musique pompier qui me rappelle avec tendre nostalgie les concerts du Nouvel an qu'aimaient écouter mes grands-parents.En revanche le livre de Joseph Roth est un pur chef d'oeuvre d'une incroyable finesse. Il se déploie tout au long de la vie de François-Joseph 1er de la bataille de Solferino jusqu'à sa mort durant la Grande guerre. On y suit les barons von Trotta, eux aussi nés a Solferino, l'ancêtre y fut anobli pour avoir reçu dans la clavicule une balle destinée à ce jeune empereur.Le roman se déroule selon une ligne étrange reposant sur un mouvement hélicoïdale a la fois double et triple. Tout repose sur le duo (père - fils, maitres - domestiques) que vient redoubler une tierce (le grand pere, l'empereur). L'ordre ancien y défile et s'ebranle sans que l'on en sache véritablement les raisons : est-ce les ouvriers ? est-ce les hongrois, bosniaques, slovènes, ukrainiens, toutes ces nationalités qui composent l'Empire ? ou alors est-ce l'ordre ancien lui même qui s'affaisse de sa propre vieillesse ?
Commenter  J’apprécie          20
Faire cette chronique me semble ardue... Je n'ai ni détesté, ni vraiment aimé cette oeuvre. du moins, je vais tout de même essayer d'exprimer mon ressenti face à cette lecture.

J'ai apprécié la manière dont on montrait l'effondrement de l'empire austro-hongrois : le vieillissement de l'empereur, l'administration qui s'immobilise, l'armée qui s'effondre, le prolétariat qui se lève, les nationalistes qui se réveillent... La fin d'une époque est progressivement ressentie et annoncée par des signes avant-coureurs.

Joseph Roth a su parfaitement exprimer la disparition de ce monde. Je comprends de ce fait pourquoi ce roman est considéré comme un chef-d'oeuvre.

Malheureusement, certaines choses m'ont gênée.

Tout d'abord, le roman est très dense et le style d'écriture peut rebuter. Au début, j'avais beaucoup de mal à me mettre à la lecture (même si une fois que j'avais commencé, je ne m'arrêtais plus).

Certaines descriptions et certains passages sont horriblement longs et, personnellement, j'avais beaucoup de mal à m'accrocher et à y trouver un quelconque intérêt.

Enfin, ce qui m'a le plus agacé, c'est le personnage de Charles-Joseph (qui est me petit-fils du héros de Solferino). Il est l'image-même du anti-héros. Habituellement, je n'ai rien contre les anti-héros, mais celui-là me sortait par les yeux. Charles-Joseph est un médiocre soldat et pas vraiment chanceux en amour. Néanmoins, j'avais l'impression qu'il se complaisait dans son malheur. Il ne fait jamais rien pour changer les choses. Il subit et déprime dans son coin. Tout au long de l'oeuvre, je n'avais qu'une envie : lui mettre un coup de pied au cul et lui crier de se bouger. le livre étant assez conséquent, je me suis pris la tête avec ce personnage trop souvent à mon goût. Heureusement, le personnage de son père sauvait la mise. J'appréciais bien plus les passages qui lui étaient consacrés.

Ce roman a été adapté en série télévisé en 1995. Je l'ai vu il y a longtemps et j'avoue qu'il ne m'a pas marqué plus que cela...

En bref, je conseille tout de même la lecture de ce livre (surtout pour les amoureux de ce genre). Malgré ses défauts, il représente une ère aujourd'hui disparue et décrit magnifiquement un passé qui a marqué notre histoire.

Quant à ceux qui travaillent sur les romans d'apprentissage et les anti-héros, cette oeuvre est faite pour vous !
Lien : https://psycheedelik-unehist..
Commenter  J’apprécie          20
En bref.
J'ai moyennement apprécié cette oeuvre, le roman est assez long, les personnages sont froids mais c'est peut-être mieut comme ça parce que ce roman raconte l'écroulement d'un Empire (Austro-Hangrois) malade et la dure réalité des conditions de vie des soldats...
Commenter  J’apprécie          10
Nous sommes là en présence d'un roman "fort", comme on les écrivait autrefois: personnages exigeants, complexes, sensibles, mais non sans faiblesses. Joseph Roth l'a publié en 1932. Il s'agit de l'histoire de 3 hommes d'une famille Autrichienne: le grand-père, le père, le fils von Trotta. Pour avoir sauvé l'empereur François Joseph sur le champ de bataille de Solférino, le grand-père sera une référence absolue pour les deux générations suivantes. Mais, quels que soient leurs mérites, ces héritiers comprennent qu'ils ne pourront pas faire aussi bien, ni signer leur existence d'un acte aussi héroïque. Le premier sera Préfet, son fils officier. Et leurs tourments familiaux, révélateurs d'une certaine décadence, trouvera son parallèle dans l'histoire de l'empire Austro-Hongrois, dans celle de l'empereur, qui, jeune à Solférino, connaîtra une longue vie, beaucoup de douleurs, et mourra en plein milieu de la grande guerre. Nous assistons donc au vieillissement des hommes et à celui de l'Empire: fin d'une époque, fin des illusions, craquements d'un Etat, et craquements du monde. La "petite" histoire des Von Trotta alimente le récit, et la "grande" histoire est là, en filigrane. Ce livre a toutes les composantes d'un grand roman, d'un beau livre. Ce n'est plus un livre à la mode: c'est une bonne raison pour s'y plonger.
Commenter  J’apprécie          121
Une lecture austère et pleine d'un ennui macabre. Cette oeuvre nous fait suivre la vie de trois générations d'une même famille, la famille von Trotta. le héros de Solferino, le grand père, instaure un nouveau statut à cette famille en sauvant l'empereur. On suit alors les histoires du fils et du petit fils jusqu'à leur mort, parallèles à celle de l'empereur François Joseph.
Le roman nous fait suivre la fin d'un monde, la fin de l'empire austro-hongrois et chaque élément de cette déchéance s'entremêle à la vie des Trotta.

Je n'ai pas particulièrement cette oeuvre, trop longue, trop austère, les personnages sont trop froids et hermétiques. Mais ce roman correspond parfaitement à l'idée d'un empire austère et glacial, de l'armée avec des hommes sans but, du début de la première guerre mondiale finalement.
Commenter  J’apprécie          30
Un chef d'oeuvre, mais sans génie. Il manque un petit quelque chose à l'oeuvre de Roth, comme il a manqué un petit quelque chose à l'Empire.
Commenter  J’apprécie          40
A quel moment de la lecture sait-on que l'on a en main un chef-d'oeuvre ? Quand insensiblement on ralentit sa lecture, quand on se surprend à relire une phrase, un paragraphe, juste pour le plaisir, quand on se met à lire à voix haute un passage pour faire résonner les mots.
C'est ce que j'ai ressenti à la lecture de Joseph Roth.
J'avais ce livre dans ma ligne de mire depuis longtemps mais le volume emprunté en bibliothèque était de tellement mauvaise qualité, frappe serrée, typographie baveuse, encollage qui ne permet pas d'ouvrir normalement le livre, bref j'avais renoncé.
C'est donc avec plaisir que j'ai ouvert ce volume clair, bien imprimé et qui va évidement resté dans ma bibliothèque.

Une fresque magnifique, qui a la beauté des dernières fusées des grands feux d'artifice, on sait que ce sont les plus belles mais aussi que ce sont les dernières.
Un déroulé sans faille, depuis le geste du Héros de Solférino, le brave soldat Trotta pousse l'empereur François-Joseph pour lui éviter un tir ennemi, blessé son fait d'armes va changer sa vie et celle de sa famille à tout jamais. Il monte en grade et est anobli en von Trotta, il reçoit une petite fortune.
C'est un sage sujet de l'Empire, un paysan slovène de Sipolje qui devient par la grâce de son geste un héros de livre d'histoire.
Mais il a un double, c'est l'Empereur lui-même qui sera son jumeau tout au long du récit, récit qui va de l'épanouissement de l'Empire à sa chute, de la montée vers la gloire de la famille Trotta à son délitement.

Le récit est magistralement conduit. On suit les conséquences du mythe du sauveur sur les relations dans la famille von Trotta, un fracture s'est faite entre père et fils « Son père était séparé de lui par une montagne de grades militaires »
Joseph Roth déroule trois générations avec en réminiscence permanente le geste mythique parce que « quand on était un Trotta, on sauvait sans interruption la vie de l'Empereur »
Le fils sera préfet, fidèle à François-Joseph
« Tous les concerts en plein air – ils avaient lieu sous les fenêtres de M. le préfet – commençaient par la Marche de Radetzky. »
Le petit-fils Charles-Joseph von Trotta reprend le métier des armes sans passion, sans bravoure, empêtré dans des histoires de femmes, de jeu et de duels. On est loin du héros de Solférino.
Le sous titre de ce roman pourrait être à la manière de Gibbons : grandeur et décadence de l'Empire Austro-hongrois.
Il se déroule aux confins de l'Empire, en Galicie, en Moravie où l'on assiste au réveil des nationalismes et à la fin du « grand soleil des Habsbourg » qui faisait tenir ensemble des peuples de langue, de culture, de religion différentes.

Comme dans « Souvenirs d'un européen » de son ami Stephan Zweig, Joseph Roth exprime sa nostalgie de cette Mitteleuropa à jamais disparue.
Un roman magnifique avec des morceaux inoubliables, un duel, la mort d'un vieux serviteur, la rencontre avec l'Empereur ou cette Marche de Radetzky qui donne son titre à l'oeuvre se fait entendre chaque dimanche sous les fenêtres du préfet, puis revient régulièrement par la suite, comme l'écho lointain d'un passé disparu, comme le souvenir d'une gloire antérieure à jamais révolue.

Lien : http://asautsetagambades.hau..
Commenter  J’apprécie          218
Découvert par hasard grâce à ma liseuse (roman téléchargé gratuitement car "tombé" dans le domaine public...), ce roman ne me serait jamais passé dans les mains sans ce hasard, justement... L'histoire ne m'attirait pas plus que ça (l'empire austro-hongrois avant la guerre de 14-18, vu par une famille de bourgeois de province...), et pourtant ce roman m'a beaucoup plu !
C'est l'histoire de la famille von Trotta, ou plutôt des hommes de la famille von Trotta, avec pour point de départ le grand-père qui sauve l'Empereur de la mort à la bataille de Solferino. Geste héroïque qui aura des répercussions sur ses descendants, son fils, devenu préfet, et son petit-fils, devenu militaire par obligation paternelle. Mais chacun a un peu "loupé" sa vie, leur monde se délite en même temps que l'Empire...
C'est ceci qui est très habile dans ce roman, le parallèle discret entre une certaine forme de décadence dans la société et la fin du monde du XIXème siècle, avec la guerre de 14 qui arrive et va changer le monde... le style est excellent, certes classique mais efficace, une belle langue, cela fait plaisir à lire !
Une belle découverte d'un classique pas si austère qu'il n'y paraît...
Commenter  J’apprécie          150




Lecteurs (1264) Voir plus



Quiz Voir plus

Quiz: l'Allemagne et la Littérature

Les deux frères Jacob et Whilhelm sont les auteurs de contes célèbres, quel est leur nom ?

Hoffmann
Gordon
Grimm
Marx

10 questions
423 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature allemande , guerre mondiale , allemagneCréer un quiz sur ce livre

{* *}