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Citations sur Les faits (26)

Il est clair que les faits ne nous sautent jamais au visage, mais que nous les incorporons par une imagination elle-même formée par notre expérience. Les souvenirs ne sont pas des souvenirs de faits mais des souvenirs de faits tels qu’on les imagine. Il y a quelque chose de naïf chez le romancier que je suis à vouloir se présenter « sans fard », et décrire une vie « sans la chair de la fiction ». J’invite aussi le type de simplification excessive, qui m’insupporte, en annonçant que passer les faits au crible a pu être une forme de thérapie pour moi. On fouille son passé avec certaines questions en tête, je dirais même qu’on fouille son passé pour découvrir quels événements ont conduit à se poser ces questions précises.

(p. 19-20)
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Je me demande si le manque poignant des parents qui fait irruption dans la vie d’un homme de cinquante-cinq ans n’est pas, en fait, la pierre de Rosette de ce manuscrit. Je me demande s’il n’y a pas eu une forme de consolation, surtout le temps que je retrouve mon équilibre, à me souvenir que lors des événements racontés ici nous étions encore tous présents, personne n’était parti, ni sur le point de partir et de disparaître pour des millions de milliards d’années. Je me demande si je n’ai pas tiré une consolation immense à me remettre dans ma propre peau au moment de ma vie où le chagrin que peut causer la mort des parents n’était pas à l’ordre du jour, où il était hors de mon champ visuel, insoupçonné, et mon propre départ inconcevable puisqu’ils constituaient une digue contre cette éventualité.

(p. 21)
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Cher Zuckerman,
Dans le passé, tu le sais, les faits ont toujours été des notes jetées dans un carnet, qui m’assuraient un tremplin vers la fiction. Pour moi comme pour la plupart des romanciers, tout événement authentiquement stimulant pour l’imagination commence par là, par les faits, par ce qui relève du spécifique, et non pas du philosophique, de l’idéologique ou de l’abstrait. Et voilà que je me surprends à écrire un livre radicalement à rebours, à partir de l’imaginé, que je me propose de dessécher, en quelque sorte, à dessein de restituer mon expérience de la factualité originelle, avant passage dans la fiction. Pourquoi? Pour prouver qu’il y a un décalage significatif entre l’écrivain autobiographe qu’on voit en moi et celui que je suis vraiment? Pour prouver que l’information extraite de ma vie n’était rendue que partiellement dans ma fiction? Si ce n’était que ça, je ne crois pas que j’aurais pris cette peine, dans la mesure où les lecteurs réfléchis, à supposer que la question les intéresse suffisamment, s’en seraient doutés tout seuls.
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Peut-être qu’en prenant soin de ces femmes, c’est de toi que tu prends soin, de ta convalescence après tes batailles. Et si tu commences à retirer tes billes à la fin, comme tu l’as fait avec May, c’est parce que tu désinvestis cette convalescence, parce que pour le moment, tu te sens guéri. Peut-être que ce qui t’attire, plus encore que le caractère dépendant de ces femmes, c’est leur côté extrême, l’intensité de leur nature.

(p. 249)
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On a du mal à imaginer qu’un individu tant soi peu intelligent ayant grandi en Amérique depuis la guerre du Vietnam puisse connaître le sentiment franc et massif qui était le nôtre, tout juste adolescents au lendemain de la victoire sur le fascisme nazi et le militarisme japonais, d’appartenir à la plus grande nation de la planète.

(p. 169)
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En somme, toute ton éducation a fait de toi quelqu’un sur qui l’on puisse compter, et c’est un trait qui aimante les gens brisés, qu’ils soient toxicomanes, sans père, ou les deux. (…) Tu es une béquille, tu te sens flatté d’être une béquille alors tu les soutiens, tu les soutiens tant et plus, et tout en les soutenant, tu commences à te demander : « C’est ce que je veux être, une béquille ? »

(p. 247)
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Quand j’ai entamé mon troisième cycle, en septembre 1954, l’université m’a paru pleine de Juifs catégoriquement juifs, bien moins embarrassés ou flous quant à leurs origines que des Irlandais catholiques du Minnesota ou des baptistes du Kansas ; des Juifs tout à fait sécularisés, mais nullement chagrinés de devoir à leur atavisme leur combativité assumée, leur excitabilité et leurs dons pour la satire et l’ironie dont je reconnaissais immédiatement la saveur (…).

(p. 157-158)
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Après quarante ans passés à vivre loin de chez moi, je suis enfin en possession des atouts nécessaires pour être le plus aimant des fils, sauf qu’à ce moment précis, lui a d’autres objectifs. Il essaie de mourir. Il ne le dit pas, et sans doute ne le pense-t-il même pas en ces termes, mais c’est ce qu’il a à faire aujourd’hui et, alors même qu’il se battra bec et ongles pour survivre, il comprend, comme il l’a toujours compris, que c’est ce qui lui reste à faire.
Essayer de mourir, ce n’est pas comme de tenter de se suicider. C’est peut-être plus difficile, parce qu’on essaie de réaliser la chose même qu’on ne veut pas voir s’accomplir ; on redoute cette fin, mais elle est là, il faut que ça se fasse, et on est le seul à pouvoir le faire.

(p. 31)
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Peut-être parce qu’elle fait l’économie de la fascination, comme de la férocité, la démarche biographique m’a davantage rapproché de l’effet réel de l’expérience que lorsque je chauffais à blanc le creuset de ma vie pour y fondre des histoires à partir d’éléments connus. Je ne suis pas en train de dire qu’il y aurait dans la fiction une forme d’existence qui serait absente de la vie ou vice versa ; je dis seulement qu’un livre qui suit fidèlement les faits, qui les diffuse en s’abstrayant de toute fureur créative, a le pouvoir de déverrouiller des significations que la mise en roman a obscurcies, relâchées ou même inversées, et celui de mettre des points efficaces sur le i de l’émotion.

(p. 19)
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Je le répète, "les choses qui te minent sont aussi celles qui nourrissent ton talent". (…) Et non, la distorsion qu’on nomme fidélité n’est pas ton métier ; tu es tout simplement trop réel pour faire face à la révélation. C’est par la dissimulation, au contraire, que tu te libères des exigences falsificatrices de la « franchise ».

(p. 249)
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