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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Quelle est l'origine de l'inégalité parmi les êtres humains ?

Ce sujet qu'aborde Rousseau dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes m'intéresse beaucoup, je le trouve passionnant car le problème qu'il soulève est intemporel. Il prendra fin probablement avec l'espèce humaine qui ne cesse de se poser des questions sur les rapports d'égalité, d'inégalité, de différence, supériorité, infériorité…

« Penser fait la grandeur de l'homme » mais aussi parfois malheureusement sa bêtise et sa chute dans la barbarie (nazisme, théories raciales…)

Rousseau analyse très bien comment s'est construite au fil des siècles l'inégalité sociale. En revanche, sa croyance en un état antérieur de nature idyllique où ces inégalités sociales n'existaient pas ne m'a pas convaincue. Il rêve d'un paradis perdu où les êtres humains n'avaient pas créé des institutions utilisées pour asservir autrui, créer des rapports de maître-esclaves et fonder ainsi l'inégalité parmi les hommes. Je doute fort que cet état idyllique ait un jour existé.

Cela m'a poussée à m'interroger : il me semble que les travaux des paléontologues ou de certains spécialistes de l'histoire naturelle, comme Darwin sur l'origine des espèces, montrent une réalité plus cruelle, que ce dernier a appelée « la sélection naturelle », l'espèce la plus forte l'emporte sur l'espèce la plus faible.

Certains membres de l'espèce humaine se croient les plus forts, quitte à détruire la planète, une bactérie ou un virus peuvent tuer de nombreux êtres humains et l'espèce humaine ne peut continuer à vivre que sous certaines conditions (atmosphère, oxygène…). La nature peut être cruelle lorsqu'elle vous arrache un être cher.

La civilisation, quant à elle, n'est pas que malfaisante : elle permet de s'organiser pour affronter les drames, inventer des techniques pour soigner, protéger, éduquer, modérer les ardeurs de ceux qui se prennent pour les plus forts grâce à des règles de base qui prohibent le meurtre, le viol, l'inceste.

Il me semble que, de tout temps, les êtres humains se sont organisés en civilisations : les aztèques, les incas, les mayas, sans doute aussi des civilisations très anciennes, que je ne connais pas et que les archéologues, paléontologues et ethnologues étudient mais cela doit être difficile de reconstituer tout un mode de vie, à partir de simples fossiles.

Les philosophes contemporains de Rousseau pensaient qu'il existait des hommes primitifs. Rousseau valorise cet état où il n'y avait pas d'inégalités, d'après lui. Mais qu'est-ce qu'un « primitif » ? Au XVIIIe siècle, ce mot était souvent utilisé pour parler des peuples dont on méconnaissait l'histoire, l'organisation, la culture, les règles, les traditions, les croyances et qu'on appelait « sauvages ». Selon moi, ce bon ou mauvais « sauvage » n'a jamais existé. L'homme seul et isolé n'a probablement existé qu'au tout début du développement de l'espèce.

J'ai trouvé le cheminement de Rousseau intéressant, cependant il m'a laissée songeuse et perplexe. Quelle solution propose-t-il pour résorber l'inégalité parmi les hommes ? Anéantir la civilisation, l'espèce pour résoudre le problème de l'inégalité et retrouver l'état idyllique de nature dépourvu d'inégalités, loin de la civilisation corruptrice ? Je crois davantage au pouvoir de l'éducation positive : apprendre à chaque enfant à être respectueux d'autrui et que ma liberté individuelle s'arrête où commence celle de mon prochain.

Rousseau a cependant une manière moderne et visionnaire de penser le rapport entre l'homme et la nature car cet équilibre entre la vie de l'être humain et le respect de la nature, la préservation des écosystèmes, est devenu l'enjeu politique majeur de notre époque. Comment s'organiser pour respecter la nature, sans accroître ou créer de nouvelles inégalités entre les êtres humains ?

Sur le sujet de la liberté et des mécanismes d'asservissement à l'oeuvre dans la société, j'ai trouvé aussi ce discours très intéressant et toujours d'actualité. D'après Rousseau, l'inégalité a progressé à cause de l'établissement de la loi et du droit de propriété qui a créé des puissants et des faibles, des dominants et des dominés. C'est une description assez juste de la société d'avant la Révolution française.

Cependant l'abolition des privilèges de la noblesse et du clergé en 1789 n'a pas mené à une société plus juste, ni non plus à un gouvernement tel que l'évoque Rousseau où « les peuples se sont donné des chefs pour défendre leur liberté et non pour les asservir ».

Pour Rousseau, ce type de gouvernement est le fondement du droit politique, toute autre forme de pouvoir est arbitraire et illégitime, une forme corrompue de gouvernement qui ramène à la loi du plus fort alors que le but du gouvernement est d'être une protection contre cette loi du plus fort.

La révolution russe a tenté d'abolir en 1917 le droit de propriété mais a échoué à résoudre le problème de l'inégalité, le régime a sombré dans le totalitarisme, la tyrannie et la barbarie avec le goulag, la police politique et les arrestations arbitraires.

Cela m'attriste de mesurer l'écart entre ce qui devrait être et ce qui est. Si ce discours a traversé les siècles, c'est que le problème qu'il soulève est toujours d'actualité. Il ne reste plus qu'à espérer que les prochaines utopies ne reproduiront pas les erreurs du passé et ne feront pas sombrer à nouveau l'humanité dans la barbarie. Rêver ne peut pas faire de mal…

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Si j'avais émis quelques réserves sur le « Discours sur les sciences et les arts », le « Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes » m'a impressionné par la profondeur de son raisonnement.

Même si je continue à trouver que Rousseau faisait fausse route en idéalisant le sauvage, en en faisant un être bon et vertueux naturellement, j'ai trouvé ses analyses sur l'instauration progressive des inégalités particulièrement intéressantes.

Comme dans les théories socialistes, la notion de propriété privée semble ici à l'origine de tous les maux avec tout les vices qu'elle entraîne à sa suite ( humiliation, jalousie, violence, asservissement) , la suite du processus ne consistant qu'à créer un cadre légal au moyen du politique pour préserver les intérêts des riches puis des puissants.

Une fois le modèle inégalitaire crée, on trouvera fatalement des hommes désireux de manoeuvrer pour acquérir puissance et honneurs en dominant leur prochain.

Mais passé ce constat, difficile pour Rousseau de proposer un modèle de société idéal sans passer pour un rétrograde désireux de replonger l'homme dans son état de dénuement originel, chose que lui même admet comme impossible !
Lien : https://lediscoursdharnois.b..
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Vous avez un style lent, qui se répète à peu de choses près, qui tourne ses concepts dans tous les angles possibles et imaginables. du coup, ça m'étonne pas si la plupart de mes camarades trouvent ça chiant. Mais à côté de ça, est-ce qu'il y a des vrais défauts ?
On est sur de la grosse philo, de la vraie, de la bonne, de la pure, et Rousseau va loin, loin, LOIN, ce petit. Imaginer avec autant de réalisme les débuts de l'homme, son évolution sociale, la création du langage et de la politique SEULEMENT À PARTIR DE DÉDUCTIONS, c'est extraordinaire et rien que pour ça, ça reste passionnant de bout en bout. Toujours dans la nuance et le souci du détail, Rousseau explore, dissèque, se permet de temps à autre une pointe d'humour cinglante. Que faire pour que l'Homme aille mieux ? Pas mal d'éléments nous sont donnés dans la (gigantesque) dédicace, mais pas de véritable réponse se présentant comme telle. Mais le contrat est rempli, et on a guère besoin d'en voir plus pour se demander s'il pouvait en être autrement des origines de l'Homme.
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Oeuvre éminente de J.J. Rousseau, étudiée au lycée en première et en terminale, et maintenant à la fac en philo, je dois dire que ma vision de cet essai a radicalement changée au fil des années.
Ma première approche avec l'origine était un peu difficile, première fois que je faisais de la philo et je pense avoir assez mal compris l'oeuvre, avec un peu de recul.
Mais le fait de l'avoir étudiée trois fois, sous différents regards, m'a permis de me construire ma propre opinion du Rousseau.
Finalement, après éminemment détester l'Origine, mon moi de 19 ans remercie Rousseau d'avoir écrit un essai aussi fort.
Le discours est construit en deux parties ce qui, à mon avis, rend la lecture plus simple.

Rousseau est un philosophe des lumières important à lire, pas obligatoirement en lien avec la philosophie, soit pour la culture générale, soit pour se construire une opinion sur différents sujets qui reviennent dans les débats.
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Non : l'homme n'est pas mauvais par nature. L'état civil est issu d'un contrat, certes, mais ce contrat ne découle pas, comme chez Hobbes, d'un état originel chaotique - ceux qui tirent ces conclusions sur la nature de l'homme les tirent déjà d'hommes sociaux. L'état de société est un état où l'inégalité est instituée, du fait de la corruption d'un ordre issu d'une libre soumission contractuelle des hommes. L'état civil n'a absolument rien de supérieur à l'état de nature : l'état de nature était sain, l'état civil est le règne de l'inégalité et de la guerre. Et, pourtant, cet état de nature reste hypothétique - simplement, ce n'est pas dans la nature de l'homme d'être mauvais - et Rousseau devra bien développer, dans d'autres écrits, sa propre doctrine du contrat social.

Le terrible processus de genèse des inégalités peut se comprendre par trois phases : la phase qui instaura les riches et les pauvres, devenus pauvres sans rien avoir perdu (la naissance de la propriété) ; la phase qui instaura les puissants et les faibles (la naissance de la magistrature) ; la phase qui instaura les esclaves (corruption des institutions légitimes, passage de celles-ci en magistrature arbitraire).

Quant aux fondements de l'inégalité, ils n'existent pas.

On sait aujourd'hui qui l'agriculture eu des effets très néfastes sur la santé des hommes à moyen terme (et l'homme, nous rappelle Rousseau, n'a pas pu envisager l'agriculture par planification, et sans doute que l'homme ne pouvait penser sur des siècles - dans quel but, d'ailleurs ?). On connait les débats actuels sur le décolonialisme - Rousseau vante beaucoup les "sauvages". Et que dire de la notion de propriété ? Rousseau est toujours actuel.

Rousseau rapporte des cas documentés, mais il n'a rien d'autre qu'une approche hypothético-déductive. L'état de nature est inatteignable par l'expérience (à moins que l'on veuille prendre des comportements déjà sociaux pour des comportements propres à l'état de nature), mais il a une valeur heuristique forte.
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Quels que soient les avantages dont jouit l'homme dans cette hypothétique état de nature, ces avantages se définissent négativement par opposition aux inconvénients, mais aussi à l'état civil. L'homme ne devient vraiment un véritable homme qu'à partir du moment où il entre dans l'état de société, qui peut hélas aussi le faire tomber dans la déchéance. Toutes les oeuvres de Rousseau sont basées sur ses propres angoisses.
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Rousseau dénonce une nouvelle fois le progrès, l'éducation et même le langage comme causes de l'inégalité entre les hommes. L'homme a développé des outils, ceci a entraîné une division du travail, la monnaie, le désir de confort et l'homme s'est éloigné de l'Etat de Nature de l'idéal de vie simple.
Ces arguments peuvent apparaître naïfs. En revanche, ce qui est tout à fait novateur pour l'époque, c'est qu'il considère que c'est la propriété qui est à l'origine des inégalités et que ces inégalités tout comme la propriété n'ont aucun fondement moral.
Ainsi les inégalités sont à chercher dans la société (si l'on exclut bien sûr les inégalités physiques liées à la santé, la force, l'âge). Les inégalités morales et politiques sont pure convention.
La propriété a crée des riches et des pauvres, les riches ont crée des lois et des magistrats pour entériner cet état. de là est né le pouvoir absolu, héréditaire et despotique qui n'a aucun fondement naturel ( nous sommes en 1755). Il dresse un réquisitoire contre les institutions, l'arbitraire du pouvoir, le paraître, le luxe. L'esclavage est ainsi contre nature car la liberté est le bien le plus précieux de l'homme.
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Ce petit traité m'a beaucoup fait pensé à Une brève histoire de l'humanité de Yuval Noah Harari, dans le sens où il retrace - certes avec les connaissances de l'époque - l'évolution de l'espèce humaine pour déterminer ce qui, fondamentalement, provoque les inégalités. Rousseau nous explique très clairement, que la sédentarisation et la propriété d'une part, et la nature de l'homme d'autre part, ont provoqué, au cours de l'évolution des différentes sociétés, les inégalités au XVIIIeme siècle, qui ne font que s'exacerber au fur et à mesure du temps. Autrement dit, et bien malheureusement, ce texte semble intemporel, quoi qu'il pourrait être augmenté à chaque générations de nouveaux vices et nouvelles raisons aux inégalités.
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Cela fait très longtemps que je n'ai pas lu un « classique ». Mais à l'occasion de la visite de la maison de Rousseau vers Chambéry, j'ai acheté cet ouvrage. Et j'ai lu avec intérêt cet essai sur l'origine des inégalités, y trouvant des propos étonnement modernes qui peuvent s'appliquer à ce que nous visons à notre époque. Tout le monde devrait relire ce genre d'oeuvre pour réfléchir à ce qu'il fait subir aux autres et à notre belle planète. Intéressant en tout cas de voir que 250 ans plus tôt, les hommes avaient déjà réfléchi à ce que nous allions devenir, et nous sommes devenus ce qu'ils imaginaient pour le meilleur, et très souvent hélas pour le pire.
Par contre je mets un 0 pointé à la présentation de l'ouvrage... qui a failli me faire abandonner la lecture tant la syntaxe est compliquée et les phrases alambiquées. Il y en a même un ou deux que j'ai relues plusieurs fois pour conclure qu'il devrait quand même y avoir une erreur de frappe (pas sûr pourtant). Mais c'est quand même étrange qu'il soit plus facile de lire Rousseau que la présentation !! Cela pourrait presque décourager les lecteurs d'aller plus loin et je crois qu'il faudrait confier la préface à des personnes qui rendent les écrits plus accessibles au lieu de les embrouiller.
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Cette lecture est d'une grande importance pour comprendre ce qui distingue l'homme des autres espèces animales.
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