Permis de séjour, 1977-1982

Extrait 1
 
 
   En août, la nuit, sur la plage de Donnant, le sable encore
chaud. Se sentir si comblé que je ne trouve aucun vœu à for-
muler sous la pluie d'étoiles filantes (et le grand chuchote-
ment de la mer qui radote ses vieilles choses vagues).

Réussir sa vie ?
"Toute vie est un processus de destruction." La seule réussite concevable dans ce processus de désagrégation lente ou rapide des cellules, d'acheminement vers la mort, ce serait de réussir à se défaire, à vieillir, à s'en aller, avec sérénité. Avoir aimé quelques êtres assez intelligemment pour leur avoir donné un peu de bonheur. Avoir, comme disent les pancartes dans les forêts domaniales, "laissé cet endroit aussi bien ou mieux que vous l'avez trouvé pour les autres promeneurs". Avoir fait son temps, et prendre congé le plus naturellement possible.

il y a pourtant deux moments délicieux de la vie dans notre
derb.
le premier c'est la prière du muezzin à la fin de la nuit,
que nous montons écouter sur la terrasse.
appel qui ira crescendo, émulation liturgique ... p 365

l'automne à Marrakech
j'ai du mal à m'acc outumer aux brutaux franchissements
de siècles, à l'avion qui nous conduit du XXe au XIV e siècle
à ce que "nos serviteurs" me baisent la main le matin
à ce que notre voisin du derb vive avec 8 enfants
dans un taudis sans eau courante pendant que la
fontaine chante dans notre patio.
le "temps des assassins" rend rares aujourd'hui
les pays peu sanguinaires. p 365

l'AMITIE danse autour du monde
nous criant à tous de nous éveiller au bonheur
Epicure .... p 362

parce que me voilà, un peu plus conscient d'être mortel,
je ne vais pas m'appliquer à être "bien sage"
afin de gagner des jours de plus à vivre,
comme le bon élève "fayote" pour gagner des bons points.
p 361

Se mettre en retard de son propre travail
pour donner un coup de main ou d'esprit
à quelqu'un qui en a besoin............ p 360
et la suite du paragraphe,
un régal !!

A l'hôpital, revenant à la vie, je me promettais,
si un sursis m'était accordé, de ne plus gâcher
une seule minute du temps qui me serait accordé.
Mais je découvre ce que je savais déjà :
c'est mourir avant l'heure que de faire des
économies de vie.
le Bonheur, ce n'est pas de gagner du temps :
c'est de savoir le perdre. p 359

Chaque matin ouvrir les yeux
je te parle, tu me parles
caresser la chatte noire contente que ses maîtres
soient là.
Le parfum du café frais passé
tu me souris
il n'y a rien d'autre à demander
et seulement se dire : merci d'être là p 356

Le poids des mots devient vite
celui des plumes au vent.
Qui ne connaît plus le sens des mots a beau parler
beaucoup, il ne parle de rien. p 352