Chaque livre a une âme. L'âme de celui qui l'a écrit, et l'âme de ceux qui l'ont lu, ont vécu et rêvé avec lui.
C'était un temps où le sang et la violence devenaient le pain quotidien des rues de Barcelone. Jours de tracts et de bombes qui laissaient des corps déchiquetés, frémissants et fumants dans les rues de Raval, jours où des bandes aux visages barbouillés de noir rôdaient la nuit en répandant le sang, de processions de saints et de défilés de généraux qui puaient la mort et l'hypocrisie, de discours incendiaires où tout le monde mentait et où tout le monde avait raison. On respirait déjà dans l'air empoisonné la rage et la haine qui des années plus tard, devaient mener les uns et les autres à s'assassiner au nom de slogans grandioses et de chiffons de couleur. Le brouillard perpétuel des usines rampait sur la ville et noyait ses avenues pavées et sillonnées par les tramways et les voitures. La nuit appartenait aux lampadaires à gaz, à l'obscurité des ruelles rompues seulement par l'éclair des coups de feu et les traînées bleues de la poudre brûlée. C'était un temps où l'on grandissait vite et où, quand ils laissaient leur enfance derrière eux, beaucoup de gamins avaient déjà un regard de vieux.
Ce qui fait l'athlète, ou l'artiste, c'est le travail, le métier et la technique. L'intelligence que tu as reçue à ta naissance est juste un munition. Pour parvenir à en faire quelque chose, il est nécessaire que tu transformes ton esprit en arme de précision.
L'incompétent se présente toujours comme expert, le cruel comme pitoyable, le pécheur comme dévot, l'usurier comme bienfaiteur, l'arrogant comme humble, le vulgaire comme distingué et l'abruti comme intellectuel.
Barcelone tout entière s'étendait à mes pieds, et je voulus croire que lorsque j'ouvrirais mes nouvelles fenêtres à la nuit tombante ses rues me chuchoteraient à l'oreille des histoires et des secrets que je n'aurais qu'à fixer sur le papier pour les conter à qui voudrait les écouter.
L'une des particularités de la librairie de Barceló était qu'on y parlait de livres comme de bons vins, en les classant par bouquets, arômes, consistances et années de récolte.
A l'intérieur, je respirai cette odeur magique du papier que, inexplicablement, personne n'a encore réussi à mettre en flacon.
Là où mes camarades voyaient de l'encre semée en chiures de mouche sur des pages incompréhensibles, je voyais de la lumière, des rues et des êtres humains. Les mots et le mystère de leur science cachée me fascinaient et m'apparaissaient comme une clef permettant d'ouvrir un monde infini, bien loin de cette maison, de ces rues et de ces jours opaques où, j'en avais déjà l'intuition, ne m'attendait qu'un avenir sans intérêt.
Persuadez l'homme pieux qu'il est exempt de tout péché, et il se mettra à lancer des pierres, ou des bombes, avec enthousiasme. En réalité, ça ne réclame pas de grands efforts : il suffit pour le convaincre, de l'encourager un peu et de lui fournir un prétexte
Pourquoi faut-il que moins on a de choses à dire,plus on se montre pompeux et pédant? Est-ce pour tromper le monde ou pour se tromper soi-même?