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3,53

sur 50 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Richard Russo est un chirurgien du quotidien. Son écriture explore les actes les plus anodins de ses personnages avec une minutie d'expert. Pas d'effets spéciaux, pas d rebondissements retentissants, juste du concret, des personnages qui se questionnent sur leurs actes, en partant au boulot, en mangeant, en se couchant. La vie quoi !
Quatre nouvelles ici de 50 à 110 pages, permettant à l'auteur d'installer sommairement mais efficacement le contexte.
Une enseignante se questionne sur le travail d'un de ses élèves, deux frères partent à Venise, un agent immobilier essaie de refourguer une maison dans le Maine à des Texans et la dernière nouvelle tourne autour du cinéma hollywoodien.

Que du banal, mais les personnages sont sur la corde raide, les couples fragiles, les équilibres installent. Et Russo nous plonge dans leurs âmes, leurs pensées, leurs gestes et leurs choix avec son immense talent.
Un auteur qui n'a clairement pas la notoriété qu'il mérite.
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Trajectoire au singulier et pourtant c'est bien de quatre trajectoires dont il est question dans ces longues nouvelles ou courts romans qui mettent en scène des personnages ordinaires, des gens comme vous et moi, qui, à un moment donné de leur vie, souvent poussés par le hasard, sont amenés à repenser au passé. Un retour en arrière qui leur fera considérer les choses autrement, qui les amènera à se demander s'ils ont fait le bon choix, si au fond, une autre route ne les aurait pas conduits vers un ailleurs meilleur peut-être, différent sans doute. Un regard vers le passé qui leur permettra de repartir vers un avenir, disons, peut-être plus apaisé.
Quatre nouvelles donc dans lesquelles les personnages prennent conscience qu'ils n'ont peut-être pas vécu la vie dont ils rêvaient mais qu'il leur faut tout de même avancer.
Face à James Cox, son étudiant, Janet est perplexe : il a triché, elle en est bien persuadée, mais elle ne sait comment réagir. Elle repense soudain au moment où, fière de son travail, elle s'était présentée un jour devant le fameux professeur Marcus Bellamy, celui qu'elle admirait tant et dont elle espérait des encouragements ou bien même, dans le secret de son coeur, des félicitations. Et pourtant, les mots qu'elle entendit ce jour-là ne furent pas ceux auxquels elle s'attendait : « C'est un devoir soigné. Impeccable. Seulement, ce n'est pas le vôtre… C'est comme si vous n'existiez pas. »
En quoi, au fond, était-elle différente de ce James Cox qui est maintenant en face d'elle et dont elle ne sait que faire tandis que le doute s'empare d'elle ?
Depuis cette rencontre avec ce professeur, a-t-elle vraiment réussi à être elle-même, à se révéler, à exister ou bien s'est-elle fondue dans un moule, le moule de l'Université et dans une pensée et un discours formatés ? Est-elle différente de ce gamin qu'elle accuse de plagiat et qui la regarde d'un air vaguement moqueur,  s'interroge Janet dans la première nouvelle intitulée « Cavalier »?
Dans « Voix », mon récit préféré, un petit groupe de personnes originaires du Massachusetts arrivent à Venise pour la Biennale et parmi elles, se trouvent deux frères très différents l'un de l'autre : Nate, professeur d'université, célibataire, dépressif, doutant beaucoup de lui-même et Julian, le fonceur, le dominateur, le séducteur. Ils se sont peu vus ces derniers temps et leurs relations sont assez tendues. Pourquoi Julian a-t-il fait signe à son frère ? Que cherche-t-il ? Attend-il quelque chose, espère-t-il un changement ? Depuis l'enfance, depuis une mère alcoolique avec laquelle ils n'ont pas eu la même relation, chaque jour les a éloignés l'un de l'autre… Vont-ils profiter de ce voyage pour se retrouver ? Les petites ruelles de Venise ne risquent-elles pas de les perdre encore davantage ? Heureusement, les téléphones portables permettent de se rejoindre plus facilement qu'avant… encore faut-il tomber sur autre chose qu'une messagerie. Drôle de voyage pour ces deux frères… Tandis que le passé resurgit et vient assombrir un présent déjà bien terne, il faudra faire face et tenter de s'accepter tel qu'on est, condition nécessaire pour aller enfin vers l'autre, le frère, et l'aimer, enfin.
Deux autres nouvelles encore : « Intervention » dans laquelle Ray, agent immobilier, essaie de vendre à un couple de Texans pas piqués des vers la maison surchargée de souvenirs d'une amie, tentant d'oublier ponctuellement une tumeur maligne pour laquelle il doit prendre un rendez-vous. Ce qu'il ne fait pas, reproduisant ainsi les erreurs de son père dont l'attitude le hante. Enfin, « Milton et Marcus » met en scène un narrateur romancier, Ryan, qui va accepter de retravailler un scénario pour un producteur de cinéma hollywoodien - pacte avec le diable - dans un but qui lui tient à coeur : avoir suffisamment d'argent pour pouvoir soigner sa femme.
Les personnages de Russo, en butte à leur questionnement existentiel, à leurs doutes ou bien à leur maladie qui les empêchent de s'accepter, de s'aimer, d'être en phase avec eux-mêmes, sont tous à un tournant de leur vie. Ils ont quarante, cinquante, soixante ans, ces âges où l'on s'interroge, où l'on fait un bilan parce que l'on sait qu'il y a plus derrière que devant.
C'est avec un sens du détail inouï, une très grande sensibilité et beaucoup de finesse que Richard Russo peint des personnages en souffrance qui, confrontés soudain à un événement douloureux du passé qui refait surface, finissent par avoir une nouvelle lecture d'un présent qu'ils vivent mal et qui pèse trop lourd. Soudain plus lucides, ils acquièrent alors la capacité de considérer leur trajectoire, de l'analyser, d'en soupçonner toutes les variantes qu'il leur aurait été possible d'envisager, et surtout, ils trouvent la force de poursuivre le chemin déjà commencé.
Il y a beaucoup de mélancolie qui émane de ces pages, l'idée que la vie, au fond, n'a rien d'un long fleuve tranquille et que chacun s'en tire à sa façon, c'est-à-dire comme il peut.
Pas beaucoup d'illusions en somme dans ces récits où les personnages sont parfois drôles, émouvants et toujours très humains. On ressent beaucoup de tendresse de la part de Russo pour l'humanité telle qu'elle est : médiocre, ordinaire, fragile, vulnérable et en même temps si attachante, si forte, si courageuse.
Magnifique !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Il ne me viendrait pas à l'esprit de rater un nouveau livre de Richard Russo, fut-ce un recueil de nouvelles. Et si de plus sa parution coïncide avec la venue de l'auteur au festival America, voilà qui renforce mon envie de le lire ! Je l'ai entendu avec grand plaisir lors d'une rencontre sur « L'art du roman » que je ne vous relaterai pas, toutefois… je me suis laissé porter sans prendre de notes !
Et le livre ? Il est composé de quatre longues nouvelles, qui prennent le temps de poser les situations, de bien faire connaissance avec les personnages. Dans "Cavalier", une professeure d'université est confrontée à un étudiant plagiaire, et cela lui rappelle le temps où elle était élève elle-même.
Dans "Voix", deux frères se retrouvent pour un voyage de groupe à la Biennale de Venise, mais ne semblent pas prêts à reprendre le dialogue.
"Intervention" se déroule dans le Maine, où un agent immobilier tente de vendre une maison pleine de charme, mais aussi d'un invraisemblable fatras de souvenirs.
Dans "Milton et Marcus", un scénariste accepte de rencontrer un acteur pour remettre ensemble la main à un vieux scenario commencé dix ans auparavant.

Chacune de ces nouvelles opère un flash-back sur un événement marquant, plus ou moins douloureux, qui aura construit ou détruit le personnage. Chacune de ces nouvelles a trait, parallèlement, à la maladie, mais ce n'est pas un sujet que l'auteur traite de front, il a la pudeur d'en faire un aléa de la vie, qui révèle les personnalités et les caractères, il ne fait pas disparaître les personnages derrière leur maladie. Entre le moment présent, et le passé dont il se souvient, chaque individu examine sans indulgence son parcours passé, sa trajectoire de vie, et il faut bien souvent l'intervention d'un autre personnage pour l'aider à accepter ce parcours accompli.
On pourrait donc dire que ces nouvelles ont une tonalité mélancolique, mais ce serait sans compter sur l'art de Richard Russo de ramener le sourire entre deux moments délicats, de montrer les revers cocasses des situations plus graves. Même si le milieu du cinéma dans la quatrième nouvelle m'a un peu moins marquée, chacun de ces textes m'a plu, et même laissé un goût de trop peu, j'en aurais bien lu encore quelques-unes !
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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« de toute façon, ils sont tous cinglés.
Les acteurs, voulait-il dire. En tant qu'espèce. »
Ah, quel bonheur de lire Richard Russo ! Quatre histoires, quatre longues nouvelles qui contiennent toutes la magie de sa plume, cette chaleur humaine teintée d'un humour taquin. Une prof confronte un élève à un plagiat évident en faisant le parallèle avec sa propre histoire (celle que j'ai le moins aimé, le mouvement entre passé et présent n'étant pas des plus clairs), deux frères se retrouvent lors d'une visite organisée en Italie (un ton désenchanté qui fonctionne vraiment bien), un agent immobilier travaille à accepter son cancer (aussi drôle que triste) et enfin un scénariste rencontre un immense acteur afin de, peut-être, accepter une collaboration pour développer une de ses idées (où l'on projette forcément à la fois l'auteur et Paul Newman)… La trajectoire de chacun a subi, subit ou va subir un changement, et c'est ce moment de flottement qui est décrit, la manière dont tout semble parfois concourir à nous mettre des bâtons dans les roues, la façon dont tout et tous sont liés. C'est très riche, empli de détails signifiants, ça sort du monde le temps de la lecture, et on n'a qu'une envie une fois la dernière page tournée, relire encore Richard Russo.
Lu dans le cadre de l’opération Masse Critique de Babelio.

Lien : https://cuneipage.wordpress...
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Ce titre au singulier cache en fait plusieurs trajectoires. Ce recueil de nouvelles est un vrai régal au niveau de l'écriture et des intrigues, des tranches de vies en apparence sans « histoires ». Dans trajectoire on visualise l'image d'une courbe dans l'espace, ascendante puis descendante, ainsi que la notion de mouvement car pour aller du point A au point B, il faut se déplacer et entre aussi en ligne de compte le temps, le temps qui passe ou qui est passé. Je ne vais pas vous parler d'une nouvelle après l'autre, car il y a une certaine cohérence dans l'ensemble. Je vous laisse donc découvrir ces trajectoires de vie, différentes et indépendantes.

Nous avons des femmes et des hommes entre quarante et soixante ans, ils ont un vécu et un avenir (potentiellement). Ils sont à un moment de leur vie où ils doivent prendre des décisions, faire table rase du passé pour que leur avenir soit serein.

C'est un peu l'heure des bilans personnels. La lassitude, la maladie, l'heure de la retraite, un moment clé. Les relations familiales, amoureuses, amicales, professionnelles, tout est sujet à réflexion. Ce n'est plus possible de vivre en se bouchant les oreilles, la bouche et en fermant les yeux. Plus temps de faire semblant. Il n'y a pas recherche de rupture, on est dans la notion de bienveillance envers soi. Et arrêter de subir.

Les nouvelles se terminent par une décision, l'idée de réconciliation, de renouveau, de nouvel élan.

Les milieux observés tournent autour de la culture : enseignants, écrivains, scénaristes, création cinématographique. le seul qui sortirait un peu de cet ensemble c'est un agent immobilier et là c'est aspect famille et maison qui prime. On retrouve la notion vie privé et vie publique, les apparences et la représentation.

J'ai trouvé les histoires très touchantes, car on est dans l'intime et les sentiments. On n'est pas dans le tout beau-tout rose. La maladie, le handicap sont très présents. On ressent bien les frustrations, les craintes, les douleurs, la colère… la joie aussi, car ce n'est pas un recueil de nouvelles tristes, juste sur la vie. On n'aboutit pas sur la résignation mais plutôt sur la résilience, l'apaisement des passions et les débordements incontrôlés.

On ressent aussi l'image que l'on se fait de la côté Est, ce côté réfléchit, posé, sûr de soi. On est dans le Maine, nord-est des États Unis.

J'ai découvert l'écriture de ce grand écrivain cette année.
Lien : http://ramettes.canalblog.co..
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