Recommencer la rencontre,
c’est toujours le soir, le premier.
La joie je la tiens, je ne peux
l’enfouir. Mais
elle s’est affaissée dans les coins de la bouche,
dans le jamais plus.
La reprendre, comme on fait
des patiences. Jusqu’au retour
d’un visage. Jusqu’à son sourire
même s’il se dérobe : une barque
avant le rapide.
La perte, c’est ça : une chute
éblouissante.
Intacte ou pas, on vit
dans ce qui sombre.
Le soir de ta venue, rappelle-toi.
La lumière s’étonnait
de sourdre par nos yeux
comme aux anges
« des ailes du désir ».
Sur tes lèvres, sur les miennes
un doigt :
ce que tu délivres,
ce que je retiens, un secret
pour le phylactère de la mémoire.
Une joie toujours en perdition
qu’un battement de cœur reprend
sans désemparer.
Si je la veux à demeure.
Ce paysage, je t’y reconnais.
Tu es dans la couleur délavée du bois,
Un rouge malgré tout, appuyé
contre l’éclat crépusculaire des blancs.
Ton regard me cherche peut-être.
La tendresse passe
et me déborde
quelques instants avant l’ombre
où j’entre rassurée,
dans l’étreinte qui tient ferme
le crépuscule à la terre.
Nos voix baissent.
Mais laquelle des deux prend
ses distance?
La tienne
je la tiens longtemps
si je serre les lèvres.
Et quelque chose encore
embue le silence.
Quelques mots écoutés font un poème
où l’on garde à jamais
l’eau d’une voix.
On la met au secret
dans une gorge plus profonde
où seul on jouera de ses reflets
jusqu’à y perdre les siens.
Tout peut durer autour.
Dans leur déroute, la tendresse
toujours optimiste figure
l’entremetteuse.