Car, vous l’avez compris, la paresse est un art.
La paresse n’est pas mollasserie poisseuse, n’est pas intoxication cannabique, n’est pas délectation morose, n’est pas léthargie postprandiale, n’est pas neurasthénie chronique, n’est pas détachement veule, n’est pas dédain romantique, n’est pas morne prostration, n’est pas je-m’en-foutisme mufle, n’est pas indolence blasée, n’est pas dandysme las, n’est pas ce que communément on appelle glande, ou glandouille, ou flemme, ou flemmingite, ou feignardise, ou feignasserie, avec lesquelles souvent on feint de la confondre.
La paresse est un art subtil, discret et bienfaisant.
Une manière heureuse et chérie des poètes de résister aux mandements que le monde marchand nous inflige avec son ventre énorme et ses dents carnassières.
Un instrument de charme et de volupté calme.
Une musique douce.
Une façon légère, gourmande et infiniment libre d’habiter le monde et d’y « cueillir le jour », comme nous y exhortait un certain Horace.
(Carpe diem, quam minimum credula postero : « Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain », Odes, I, 11, à Leuconoé.)
La paresse est l'autre nom de la sagesse.
Travailler moins pour lire plus, puisque la lecture s'acoquine merveilleusement à la paresse, puisque les bons et vrais lecteurs sont très souvent, sinon toujours, de fieffés paresseux.
Nous aimons la quiétude que cette paresse infuse, son ennui, sa rondeur, sa suavité, sa délicatesse, sa courtoisie, sa patience, son refus nonchalant de se soumettre aux logiques utiles, et sa disponibilité à la poésie dont nous voulons croire encore qu'elle habite le monde.
Vert, que je t'aime, vert.
Vert du vent et vert des branches.
La barque sur la mer et le cheval dans la montagne.
Avec l'ombre à la ceinture,
elle rêve à sa balustrade,
vert visage, verts cheveux,
et des yeux de métal froid.
Vert, que je t'aime, vert.
Sous la lune gitane,
les choses la regardent,
et elle ne peut les voir...
Car vous l’avez compris, dans la situation actuelle, paresser c’est désobéir, c’est ne plus s’évertuer à donner adroitement le change, c’est trahir le modèle conforme auquel on se croit tenu, c’est jeter les pantoufles usées de l’habitude, c’est faire craquer les coutures du costume bien taillé, c’est traverser le mur qui fout l’infini à la porte, c’est fausser compagnie aux mensonges mielleux, c’est rompre l’enchaînement implacable des jours qui situe le dimanche tout au bout du tunnel de la semaine, bref, c’est quitter les rails d’une vie focussée sur le cravail, comme disent les enfants.
Puisque le cravail ça crève.
Nous aimons arracher ce mouchoir de dégoût que le travail contraint nous enfonce dans la bouche,
et nous délester des corsets qui nous enserrent et nous étouffent mais auxquels nous nous croyons stupidement soumis, (…)
puis grâce à cette décoïncidence, trouver justement la meilleure adéquation entre soi et soi, et une meilleure appréhension du monde.
Autant de choses qui s’apprennent,
autant de choses à oser,
Et qui demandent juste une once de courage.
Désormais, le travail ne nous définira plus. Hors de question !
La paresse est un art subtil, discret et bien faisant. Une manière heureuse et chérie des poètes de résister aux mandements que le monde marchand nous inflige avec son ventre énorme et ses dents carnassières.
Car oui, Messieurs, nous détestons le lundi autant que nous adorons les dimanches.