Citations sur Indiana (189)
Pendant un quart d’heure, il aima passionnément madame Delmare ; il lui prodigua les séductions d’une éloquence brûlante. Il fut vraiment puissant dans son langage et vrai dans son jeu, cet homme dont la tête ardente traitait l’amour comme un art d’agrément. Il joua la passion à s’y tromper lui-même. Honte à cette femme imbécile ! Elle s’abandonna avec délices à ces trompeuses démonstrations ; elle se sentit heureuse, elle rayonna d’espérance et de joie ; elle pardonna tout, elle faillit tout accorder.
Par une soirée d'automne pluvieuse et fraîche, trois personnes rêveuses étaient gravement occupées, au fond d'un petit castel de la Brie, à regarder brûler les tisons du foyer et cheminer lentement l'aiguille de la pendule.
Telle était la morale de M. Delmare. Il n’avait jamais étudié d’autre Contrat social que celui-ci : Chacun chez soi. Il traitait toutes les délicatesses du cœur de puérilités féminines et de subtilités sentimentales. Homme sans esprit, sans tact et sans éducation, il jouissait d’une considération plus solide que celle qu’on obtient par les talents et la bonté. Il avait de larges épaules, un vigoureux poignet ; il maniait parfaitement le sabre et l’épée, et avec cela il possédait une susceptibilité ombrageuse. Comme il ne comprenait pas toujours la plaisanterie, il était sans cesse préoccupé de l’idée qu’on se moquait de lui. Incapable d’y répondre d’une manière convenable, il n’avait qu’un moyen de se défendre : c’était d’imposer silence par des menaces. Ses épigrammes favorites roulaient toujours sur des coups de bâton à donner et des affaires d’honneur à vider ; moyennant quoi, la province accompagnait toujours son nom de l’épithète de "brave", parce que la bravoure militaire est apparemment d’avoir de larges épaules, de grandes moustaches, de jurer fort, et de mettre l’épée à la main pour la moindre affaire.
Il s'évertua à l'éloquence passionnée, à l'improvisation dramatique, afin de se maintenir au niveau de sa romanesque maîtresse, et il réussit à prolonger son erreur. Mais, pour un auditeur calme et impartial, cette scène d'amour eût été la fiction théâtrale aux prises avec la réalité. L'enflure des sentiments, la poésie des idées chez Raymon, eussent semblé une froide et cruelle parodie des sentiments vrais qu'Indiana exprimait si simplement : à l'un l'esprit, à l'autre le cœur.
Ce cœur silencieux et brisé appelait toujours à son insu un cœur jeune et généreux pour le ranimer. L’être qu’elle avait le plus aimé jusque-là, c’était Noun, la compagne enjouée et courageuse de ses ennuis ; et l’homme qui lui avait témoigné le plus de prédilection, c’était son flegmatique cousin sir Ralph. Quels aliments pour la dévorante activité de ses pensées, qu’une pauvre fille ignorante et délaissée comme elle, et un Anglais passionné seulement pour la chasse du renard !
Première partie
Élevée au désert, négligée par son père, vivant au milieu des esclaves, pour qui elle n'avait d'autre secours, d'autre consolation que sa compassion et ses larmes, elle s'était habituée à dire : un jour viendra où tout sera changé dans ma vie, où je ferai du bien aux autres ; un jour où l'on m'aimera, où je donnerai tout mon cœur à celui qui me donnera le sien ; en attendant, souffrons ; taisons-nous, et gardons notre amour pour récompense à qui me le délivrera.
Je sais que je suis l'esclave et vous le seigneur. La loi de ce pays vous a fait mon maître. Vous pouvez lier mon corps, garrotter mes mains, gouverner mes actions. Vous avez le droit du plus fort, et la société vous le confirme ; mais sur ma volonté, monsieur, vous ne pouvez rien, Dieu seul peut la courber et la réduire. Cherchez donc une loi, un cachot, un instrument de supplice qui vous donne pris sur moi ! c'est comme si vous vouliez manier l'air et saisir le vide.
Je fus l'époux d'une femme qui me haïssait et que je ne pouvais aimer. Je fus père, et je perdis mon fils; je devins veuf, et j'appris que vous étiez mariés !
Rien n'est si facile et si commun que de se duper soi-même quand on ne manque pas d'esprit et quand on connaît bien toutes les finesses de la langue.
Quel homme est assez ingrat envers la Providence pour lui reprocher le malheur des autres, si pour lui elle n'a eu que des sourires et des bienfaits ? Comment eût-on pu persuader à ces jeunes appuis de la monarchie constitutionnelle que la constitution était déjà vieille, qu'elle pesait sur le corps social et le fatiguait, lorsqu'ils la trouvaient légère pour eux-mêmes et n'en recueillaient que les avantages ? Qui croit à la misère qu'il ne connaît pas ?