Pour réaliser un documentaire, Eric-Emmanuel se rend en Algérie avec Gérard, dans le désert pour visiter l’ermitage de l’Assekrem créé par le père Charles de Foucauld et retracer ainsi le parcours de ce noceur qui, un jour, découvre la foi et devient prêtre. D'autres personnes vont les accompagner.
On comprend vite qu'aucun n'est là pour les mêmes raisons et qu'il va s'agir davantage d'un voyage initiatique que d'une simple marche dans le désert… une petite phrase tourne en boucle dans la tête d'Eric : « Quelque part mon vrai visage m'attend »
Eric-Emmanuel oscille entre ses certitudes, ses concepts de professeur de philosophie et ses peurs intérieures, profondément enfouies et qui vont le tarabuster durant les quinze jours au cours desquels il va vivre comme un nomade, marcher, dormir à la belle étoile : peur de la nuit, des autres, du scorpion caché dans l'ombre, la fatigue d'un corps peu habitué à ce genre d' effort...
Insomniaque depuis la mort de son grand-père adoré, il comprend soudain l'origine de sa lutte contre le sommeil : on lui avait dit alors que « son grand-père s'était endormi pour toujours ». Donc, dormir c'est forcément risquer de mourir. Peu à peu, dans l'adversité, les difficultés de la marche dans le désert, ses perceptions, son raisonnement, ses rapports à l'autre vont changer. Il apprend de sa rencontre avec le Touareg, ils se comprennent alors qu'ils ne parlent pas la même langue, le vrai langage est au-delà des mots ?
En découvrant les gestes ancestraux, tels allumer le feu, confectionner le pain, « Je le contemplai avec reconnaissance ; ses doigts industrieux m'avaient ramené à l'essentiel : l'étonnement. il prend conscience de la vraie vie, « son premier jour de vie consciente », de la relation avec l'autre, avec la Nature. « Sur terre, ce ne sont pas les occasions de s'émerveiller qui manquent, ce sont les émerveillés »
Il prend conscience de l'immensité du désert, de l'espace par rapport à la suffisance des hommes, ce qui nous vaut des échanges musclés avec les autres, perclus de certitudes et qui, faute de répondre scientifiquement au « pourquoi », se limitent au « comment » et on le voit cheminer, différemment des autres car il est déjà plus loin, il apprend.
Quelle est la place de Dieu dans tout ça ? se demande-t-il… qui a raison de l'Islam ou du Christianisme ? Et l'athéisme ? Et la condescendance des Européens vis-à-vis des Africains. « En réalité, ils jugent normal qu'un Africain prie mais incommodant qu'un Européen le fasse parce qu'ils estiment l'Européen supérieur à l'Africain » P 81
Lorsqu'il vit se perd en redescendant à toute allure de la montagne, sautant comme un cabri, sans attendre les autres, enivré par ses sensations qui le dépasse, et frôle la mort, vivant une expérience de mort imminente, cela ne nous étonne pas, il était déjà dans une quête d'ailleurs et donc prêt à vivre cette expérience intérieure.
Et bien sûr, il ne peut la partager avec personne, seul le Touareg peut comprendre. On est au-delà du concret, au-delà des mots.
J'ai beaucoup aimé cette quête, ce voyage initiatique, la découverte de Dieu, la certitude de son existence qui va changer toute sa vie future. Cela m'a rappelé cette sensation de certitude, de joie, de sérénité qui émane des grands maîtres tibétains que j'ai pu rencontrer, ce sont des expériences difficiles à raconter car c'est au-delà des mots. Il n'y a rien à expliquer, c'est au-delà du pourquoi et du comment car « c'est » tout simplement.
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C'est très difficile de parler d'un livre comme celui-ci. Ce n'est pas un récit de voyage, c'est une quête initiatrice et chaque lecteur le vivra différemment selon son propre cheminement, ses propres croyances, certitudes ou doutes. Un livre qui fait réfléchir sur le sens profond de la vie, sur notre rapport à l'autre.
Je l'ai beaucoup aimé, mais j'ai eu beaucoup de mal à faire cette critique. J'espère simplement avoir été convaincante, sans trop me répéter et surtout donner envie de le lire.
Note : 8,3/10
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