Et Christophe chantait :
« Peut-être un beau jour voudras-tu
Retrouver avec moi
Les paradis perdus »
Mais ce sera sans moi, qu'Éric Emmanuel Schmitt continuera « La traversée du temps. »
Déjà j'étais resté sur ma faim, avec son dernier livre, un peu ampoulé «
Journal d'un amour perdu ». J'avais trouvé son style trop théâtral et j'étais resté à l'écart de la propre histoire de l'auteur, qui m'avait même parfois exaspéré.
Je partais donc avec un handicap.
Son nouveau roman, qui va se composer en plusieurs tomes, me parait bien ambitieux, pour avoir lu le premier tome, que j'ai trouvé fade et sans émotion.
Moi qui pensais lire une belle et flamboyante saga, comme celles écrites par une
Leïla Slimani ou une
Viktor Lazlo, avec un vrai fond historique, je suis donc bien déçu !
Bien sûr, il est indéniable qu'Éric Emmanuel Schmitt est un immense auteur, qui excelle par son style, par sa sensibilité et sa poésie, à raconter des belles histoires. Il y a même dans ce livre, de belles réflexions philosophiques.
Mais là je me suis complètement perdu dans le paradis de l'auteur.
Parce que je ne me suis jamais senti dans le contexte d'une époque de la préhistoire. le récit contient trop peu de description pour m'y amener. Et puis il y a surtout cet énorme anachronisme dérangeant, les préoccupations et les questions existentielles des personnages de la préhistoire m'ayant semblées vraiment trop poches de notre époque actuelle.
Invraisemblable où l'auteur ira prêter des sentiments de féministe d'avant-garde à la jolie Noura, aux yeux émeraude, qui ressemble plus à une poupée Barbie, qu'à une femme de Cro-Magnon.
Nous sommes au néolithique et voilà ce qu'écrit l'auteur :
- « Lavé, parfumé, coiffé, vêtu de frais, je descendis et me présentai chez elle en cognant au montant.
Noura, superbe, laiteuse de peau, sombre de cheveux, habillée d'une robe vaporeuse à la limite de la transparence (..) »
Je n'y crois plus, je nage en plein Heroic Fantasy !...
C'est confus, presque risible et tout ce méli-mélo fait perdre toute crédibilité historique au roman. Nous sommes donc très loin d'un
Yuval Noah Harari avec «
Sapiens Une brève histoire de l'humanité. »
De plus, l'histoire de Noam m'a parue semée d'invraisemblances et un bien mièvre. Nous sommes donc aussi loin d'
Alexandre Dumas. Deux personnalités citées en référence dans la quatrième couverture, un peu trop élogieuse, à mon avis.
Je n'ai pas pu m'attacher à aucun des personnages qui ne sont décrits que superficiellement.
Une histoire trop anecdotique avec de drôles de gens. Comme ce chef de village, vaniteux, méchant, traitre, envieux et homme déloyal envers toute sa famille. Et qu'aurait dû avoir un minimum d'instinct de protection envers sa femme et ses enfants, à cette époque aussi reculée, aussi « primaire. »
On y rencontre aussi un oncle surgit de nulle part, l'homme qui tombe à pic, qui en exemple, après s'être préalablement parfumé, amènera son neveu au bordel de 25000 ans avant J.C, chez une chasseresse, genre amazone et maquerelle de surcroît.
Une histoire à dormir debout !
Etrange mariage aussi où les femmes exécutent des « youyous » et où les invités font des agapes et dansent sur de la musique. Peut-être sur celle de « La danse des Vegavis iaai », ancêtres des canards.
Même Noam qui est au centre de cette histoire, n'a aucune profondeur. Je l'ai ressenti trop crédule, trop docile, trop manipulé par toutes les femmes de sa tribu.
Un Noam sans grand caractère…Je pars, je reviens, je m'exile à nouveau, je reviens au village… Tout ceci donne le tournis et une inconsistance à l'histoire.
Un Noam qui me fut immature et antipathique par ses attitudes détachées et très égoïstes face à certains évènements. Un Noam aussi beau menteur parfois.
Un Noam qui va devenir un Noé.
Éric Emmanuel Schmitt nous réécrit donc sa propre version du vieux mythe du Déluge et de l'Arche.
Nous sommes passés sans transition, du monde romanesque de l'homme préhistorique et de sa théorie de l'Evolutionnisme, au monde biblique, celui de la théorie du Créationnisme.
C'est à ce moment que j'ai eu la sensation, que même le roman prenait l'eau…
Longs soupirs…
J'ai donc refermé le livre, j'étais encore sur la terre ferme.
J'ai vu au loin ces maisons de bois qui flottaient sur les eaux, emportant tous ces personnages bizarres vers d'autres aventures.
Et là-haut, dans les gros nuages gris remplis de pluie et du chagrin des hommes, Éric Morena chantait :
-« Oh mon bateau.. !
Qui vogue sur les flots… !
Oh oh oh !»