Les dix enfants que madame Ming n'a jamais eus/
Eric Emmanuel Schmitt
Le « li » et le « ren » .
Pour relativement hermétique que nous apparaissent souvent le mode de pensée de la Chine bimillénaire, il demeure néanmoins que ce récit fortement teinté de confucianisme est d'une clarté remarquable dans sa sobriété et sa concision.
Dès l'entame, le lecteur est averti : « La Chine, c'est un secret plus qu'un pays. » ; et plongé dans l'incertitude qui vaudrait mieux que la vérité : « La vérité m'a toujours fait regretter l'incertitude. »(Madame Ming). Et l'on verra pourquoi…
Il pourrait apparaître que le thème du récit a pour point de départ la politique de l'enfant unique instaurée sous l'ère maoïste, mais ce serait une affirmation par trop réductrice. En effet, la démarche de EES va beaucoup plus loin dans ce nouveau texte appartenant au Cycle de l'Invisible. Il faut bien voir que la doctrine confusianiste qui régit depuis des millénaires la pensée chinoise de la même façon que celles de
Platon et de Jésus l'ont fait en Occident, est largement illustrée par les sentences de Madame Ming. le confusianisme, sans être une religion, mais plutôt un système rituel et une doctrine morale et sociale où le « li »(l'harmonie) se complète du « ren » (la bienveillance) recourt à des analogies et des tautologies et non au raisonnement déductif comme la pensée occidentale. Il est constamment présent dans les propos de Madame Ming, dame pipi d'un grand hôtel où est descendu l'homme d'affaire qu'est le narrateur, laquelle dans son besoin de communiquer est frappée d'une logorrhée riche en sentences empreintes de sagesse et a réponse à tout. S'adressant au narrateur :
« L'homme supérieur se montre amical sans familiarité ; l'homme vulgaire se montre familier sans amitié. »
« L'expérience est une bougie qui n'éclaire que celui qui la tient. »
Au delà de ses rêves de maternité, Madame Ming nous émeut par sa gentillesse et sa simplicité. Et cette rencontre fortuite va devenir pour le narrateur le coup de pouce qui va changer le cours de sa vie familiale.
Un conte à lire et méditer, comme souvent chez
Eric Emmanuel Schmitt.