'Et incarnatus est'. Cet air-là m'accompagne depuis longtemps. Lorsque je ne croyais pas en Dieu, je le goûtais en tant que musique pure, une des plus belles que je connaisse. Déjà, il m'enchantait.
Maintenant que je crois, il figure ma foi, un chant qui s'élève vers le ciel, au-dessus de cette terre provoquant tant de larmes, un chant heureux, reconnaissant, sans cesse renouvelé, un vol d'alouette dans l'azur...
Une voix mozartienne, c'est une voix timbrée, une voix qui se tient à égale distance du cri et de la parole, une voix clarinette, une voix qui sait se retenir jusqu'à se faire ligne.
Non seulement je ne perçois pas l'intérêt pratique de la tristesse, mais je n'ai jamais compris l'intérêt philosophique du pessimisme.
Immobile, rayonnante, la cantatrice laissait son chant vibrer dans son corps muté sous nos yeux en instrument de chair. Ce qui donnait à son timbre cette rondeur, ce miel, c'était sa poitrine palpitante, ses épaules douces, ses joues molles, son flanc superbe, sa taille large, matricielle, qui devait fournir des enfants aussi magnifiques que des sons.
Avec allégresse, tu renouvelles notre existence en un chant jubilant, où même la douleur et le malheur se rangent à leur place car, être heureux, ce n'est pas se protéger du malheur mais l'accepter.
Chez le félin, l'art cache l'art, le labeur dissimule le labeur, l'élégance ne se remarque pas tant elle paraît naturelle. Oui, en ce bas monde, seuls les chats surent tirer des leçons de ton passage sur terre, seuls les chats sont mozartiens.
L'enfance est un pays que l'on traverse sans s'en rendre compte. Arrivé aux frontières, si l'on se retourne, on remarque le paysage, mais c'est déjà trop tard.
Aussi vrai que Turner nous apprend à regarder la mer ou Michel-Ange un corps musclé, tu nous fais apparaître les sentiments dans leur force et, surtout, leur ambigüité.
Le signe qu'une œuvre est un chef d'œuvre, c'est qu'on saute jamais les mêmes passages.
Je voudrais te rejoindre dans l’idéal d’un art simple, accessible, qui charme d’abord, bouleverse ensuite. Comme toi, je crois que la science, le métier, l’érudition, la virtuosité technique doivent disparaître sous l’apparence d’un naturel aimable. Il nous faut plaire avant tout, mais plaire sans complaire, En fuyant les recettes éprouvées, en refusant de flatter les émotions convenues, en élevant, pas en abaissant. Plaire, c’est-à-dire intéresser, intriguer, soutenir l’attention, donner du plaisir, procurer des émotions, du rire aux larmes en passant par les frissons, emmener loin, ailleurs…