AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,96

sur 77 notes
5
2 avis
4
7 avis
3
4 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Suivons le titre! L'itineraire y est indique mais le chemin reservera a coup sur des surprises. de quoi sera compose l'imaginaire de Marcel Schwob quand il s'institue biographe de personnages historiques illustres, d'autres oublies ou meconnus, et de quelques uns qui semblent n'avoir existe que dans sa tete?

Schwob revendique dans sa preface l'imagination comme compagne autorisee (et des fois plus competente) de l'erudition. Il faut verifier toutes les sources officielles, choisir, et rajouter ce qui fera de la vie qu'on raconte une vie "unique". Car seule une vie "unique" merite d'etre racontee. Toutes les autres vies devront se consoler avec un passage au purgatoire de l'histoire sociale et de la sociologie historique.

Les sources de Schwob sont diverses, qu'il les cite ou qu'il nous laisse les deviner: des poetes de l'antiquite classique, des chroniques moyennageuses, Les mille et une nuits, la Divine comedie de Dante, des contes philosophiques du 18e siècle, des contes pour enfants, des mythes et des legendes, et meme des manuscrits, des temoignages et des depositions qu'il aurait consultes a la Bibliotheque Nationale, aux Archives Nationales, ou dans les registres du Chatelet.


Schwob nous offre donc des vies ameliorees, des vies que ses heros auraient reve pour eux-memes dans leurs fantasmes les plus delirants. Dans ces contes (car ces biographies imaginaires sont pour moi des contes) les protagonistes poursuivent un projet chimerique, vain, eloigne de toute realite, aveugle a la materialite du monde, et qui les projette vers la mort. Tous les contes sont empreints de solitude et de merveilleux, de souffrance et d'etrangete, de vulnerabilite et de fantastique, de doute, de cruaute et d'angoisse, de l'ambiguite de toute existence, et surtout d'une obsessive interrogation sur l'identite humaine. A contrecourant de tout positivisme, de tout scientisme, Schwob insiste sur le mystere de la vie, sur les interrogations qu'exister exige. C'est comme s'il proposait des experimentations sur l'existence, des tests verifiant des possibilites de vie. Et le point d'orgue en est toujours la mort. le livre pourrait s'appeler morts imaginaires (et si j'appuie lourdement sur l'effet: morts exemplaires). Lui-meme, deja gravement malade, voyagea jusqu'a Samoa chercher une tombe (celle de Stevenson) qu'il ne trouva pas. Ce voyage faillit lui couter la vie, ce qui fit dire a Jules Renard: "Avant sa mort il vit ses contes".


Schwob est souvent traite d'auteur mineur, mais son influence est profonde. Chez Borges, Faulkner, Perec, Bolano, Michon, pur n'en citer que quelques grands. "Dans toutes les parties du monde il y a des devots de Marcel Schwob qui se constituent en petites societes secretes", ecrivait Jorge Luis Borges. Et ce sont peut-etre ces societes qui ont travaille secretement a l'occulter aux yeux des autres, pour mieux le garder pour leurs seuls membres.

Le style fastueux de Schwob, son long souffle poetique, sa somptuosite linguistique, servent admirablement son propos. C'est un plaisir de lecture, quoique je conseillerais de ne pas franchir ce petit livre d'une seule traite. L'abus de belles histoires, de beaux textes, risque de nous gaver, de nous faire rejeter une partie. A consommer donc avec moderation. Il me faut dire que j'ai eu la chance d'avoir sous la main la merveilleuse edition de le Livre Contemporain de 1929, avec les illustrations hautes en couleur de George Barbier, gravees sur bois par Pierre Bouchet, qui enrichissent encore plus le texte.

Pas une petite friandise, un regal; ce livre a ete pour moi un regal, pour l'esprit et pour les sens.
4 etoiles.

Commenter  J’apprécie          646
Folio propose une anthologie irremplaçable, où l'on trouvera des biographies variées, mais surtout introuvables, ou perdues dans de gros ouvrages que personne n'a envie d'ouvrir : Plutarque, les vies de saints, les vies médiévales des troubadours, etc ... La variété, aussi bien des individus que des auteurs et des époques, est très grande, ce qui est presque toujours un gage de plaisir.
Commenter  J’apprécie          70
Dans sa préface, l'auteur traite de différents biographes et montre combien peu sont ceux qui s'intéressent aux détails de la vie des hommes dont ils racontent la vie – qui est alors faite d'un ensemble, d'une succession d'événements. Pourtant, ce sont ces détails qui particularisent un homme, le rendent unique, vivant dans l'histoire des êtres génériques et interchangeables. C'est le rôle du littérateur de compléter, de remplir ces biographies d'éléments particularisant, quitte à les inventer.
Marcel Schwob rejoint dans sa préface la critique qui sera adressée à l'histoire classique – une succession d'événements. L'histoire s'est depuis intéressée à la vie commune et courantes – les modes de vie des grands, des pauvres… Marcel Schwob propose de réaliser ce travail dans la fiction pour compléter par la suggestion ces vies de légendes, pour en faire devenir des personnages vivants et uniques.
Ces vies imaginaires semblent être volontairement courtes, faites uniquement de ces petits détails cruciaux qui font l'unicité du personnage. En jouant sur les détails historiques et légendaires, Schwob construit un filet de références littéraires et historiques, il intègre les personnages parmi l'imaginaire collectif C'est ce jeu littéraire qui inspirera si fort Les Fictions de Jorge Luis Borges.
Au delà du jeu littéraire sur le travail littéraire, ces biographies fictives présentent un caractère développé jusqu'à son terme, donc exemplaire comme un mythe, se présentant alors comme un support de réflexion sur un sujet. Par exemple, très brièvement : jusqu'où aller pour s'approprier le savoir ou l'amour (Erostrate, Septima), ou l'art (Paolo Uccello), jusqu'où l'application de préceptes philosophiques ou religieux (Cratès, Frate Dolcino), peut-on se détourner du désir physique (Lucrèce, Clodia), peut-on faire partie de deux mondes (Pétrone)…
Sommaire :
A partir de quelques indices de vie en grande partie inconnue, Marcel Schwob complète à l'imagination la vie de ces nombreux personnages divers.
-Empédocle, Dieu supposé : doté de pouvoirs divins qui guérissent et sauvent, il marche au milieu des hommes comme un dieu.
-Erostrate, incendiaire : se destinant à être prêtre d'Artemis et célèbre, il viola le temple d'Artemis à Ephèse pour lire les vers secrets d'Héraclite.
-Cratès, Cynique : qui se dépouilla de ses richesses pour vivre nu dans les ordures, et y eut même un disciple et une femme.
-Septima, incantatrice : esclave qui va pour se faire aimer d'un homme libre, jusqu'à invoquer sa jeune soeur morte.
-Lucrèce, poète : qui ne pouvant accomplir l'amour avec sa femme africaine, se plongea dans les écrits d'Epicure.
-Clodia, matrone impudique : qui ne put oublier ni avec son mari, ni avec Cicéron, son amour incestueux pour son frère l'effronté Clodius.
-Pétrone, romancier : qui fréquentait le bas peuple tout en étant cultivé.
-Sufrah, géomancien : sorcier qui échoua à prendre la lampe d'Aladdin, et qui tenta ensuite de s'approprier le grand sceau du roi Salomon.
-Frate Dolcino, hérétique : qui professe une nouvelle foi encore plus modeste, refusant le travail et prônant le retour à l'innocence de l'enfant.
-Cecco Angliolieri, poète haineux : laid et pauvre car il s'opposait à son père, il vécut dans l'ombre, en double négatif de Dante.
-Paolo Uccello, peintre : observateur des oiseaux, il se détache de la réalité pour la recherche de la pureté des lignes
-Nicolas Loyseleur, juge : moine dévot à la Vierge qui se charge de faire condamner Jeanne d'Arc.
-Catherine la Dentellière, fille amoureuse : orpheline ayant appris le métier de la dentelle, prend goût aux richesses faciles d'un sergent louche.
-Alain le Gentil, soldat : recruté à 12 ans quand une armée prit sa ville, et brigand tonsuré.
-Gabriel Spenser, acteur : né dans un bordel bien fréquenté par des acteurs, devint acteur travesti car il était beau et délicat.
-Pocahantas, princesse indienne qui sauve la vie d'un capitaine avant d'être enlevée par un autre.
-Cyril Tourneur, poète tragique, auteur de la Tragédie de l'athée, né d'une prostituée et d'un dieu inconnu, un jour de peste, détestant par orgueil les rois et les dieux.
-William Phips, pêcheur de trésor : qui fait fortune en repêchant le trésor d'un galion espagnol coulé près d'une île de pirates.
-Le capitaine Kid, pirate : hanté par le fantôme d'un camarade qu'il a assommé lorsque celui-ci lui a fait remarqué qu'il enfreignait ses propres règles de piraterie.
-Walter Kennedy, pirate illettré : qui par son intégrité condamne le traître et fait confiance à un homme de Dieu.
-Le Major Stede Bonnet, pirate par humeur : noble vantant la camaraderie des pirates.
-MM Burke et Hare, assassins : qui invitent un passant, lui font raconter quelque histoire, le coupe en cours et revende son corps au docteur Knox.
-Morphiel, démiurge : chargé de créer des cheveux, il tombe amoureux de son oeuvre.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
Commenter  J’apprécie          40
Biographies fictives d'êtres authentifiés par l'histoire, la littérature, la peinture, ce livre se savoure comme un bon verre de vin...........
Commenter  J’apprécie          30
Pourquoi certains auteurs restent-ils au Panthéon tandis que d'autres tombent dans les poubelles de la littérature ? Marcel Schwob est oublié. Tout juste en avais-je entendu parler par d'autres auteurs de son époque
Divine surprise, style, choix du sujet, manière de Laborde, tout y est. Je vais tâcher d'en trouver d'autres !
Commenter  J’apprécie          00
Des vies qu'on aimerait réelles par le père Schwob ! L'auteur du livre de Monelle.
Commenter  J’apprécie          00
Comme dans La Légende des gueux (1891), Marcel Schwob nous propose, dans Vies imaginaires (1896), de survoler l'histoire de l'humanité. Mais, au lieu de raconter des tranches de vies de fiction, il s'attache cette fois à la biographie de personnages réels, aux destins souvent tragiques : poètes, artistes, princesses ou pirates célèbres (Lucrèce, Pétrone, Paolo Uccello, Pocahontas ou le Capitaine Kid), mais aussi des figurants de l'Histoire, dont la mémoire n'a subsisté qu'associée à un nom plus célèbre (Cecco Angiolieri et Dante Alighieri, Nicolas Loyseleur et Jeanne d'Arc, Gabriel Spencer et Ben Johnson) ou encore des inconnus, n'ayant laissé qu'un nom dans des documents d'archives (Katherine la dentellière, Alain le Gentil).

Partant des faits réels, forcément insuffisants pour saisir la vérité d'un personnage, Marcel Schwob comble les lacunes laissées par l'Histoire en imaginant des détails infimes et des anecdotes, composant ainsi une série de vingt-deux tableaux singuliers, empreints de poésie, inoubliables.

« Elle était fille d'Appius Claudius Pulcher, consul. À peine eut-elle quelques années, elle se distingua de ses frères et de ses soeurs par l'éclat flagrant de ses yeux. Tertia, son aînée, se maria de bonne heure ; la plus jeune céda entièrement à tous ses caprices. Ses frères, Appius et Caïus, étaient déjà avares des grenouilles en cuir et des chariots de noix qu'on leur faisait ; plus tard, ils furent avides de sesterces. Mais Clodius, beau et féminin, fut compagnon de ses soeurs. Clodia leur persuadait avec des regards ardents, de l'habiller avec une tunique à manche, de le coiffer d'un petit bonnet en fils d'or, et de le lier sous les seins avec une ceinture souple ; puis elles le couvraient d'un voile couleur de feu et le menaient dans les petites chambres où il se mettait au lit avec elles trois. Clodia fut sa préférée, mais il prit aussi la virginité de Tertia et de la cadette. » (Clodia, Matronne impudique)

Illustration : Vies imaginaires, édition de 1929 illustrée par Georges Barbier (1882-1932).

Licence Creative Commons
> Écouter un extrait : Clodia, Matronne impudique.


Lien : http://www.litteratureaudio...
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (200) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1715 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}