Attention, la présente histoire n'est pas un récit d'aventures du héros légendaire Harry Potter de l'auteure britannique Joanne Rowling, mais le puzzle de la vie presque autant fantastique mais réelle du Belge, Armand de Potter, disparu dans des conditions mystérieuses devant les côtes de la Grèce en 1905.
Adolescent Armand de Potter s'était fixé une mission dans la vie : collectionner des antiquités. Pour y arriver, lorsqu'on n'a pas de sous, il croyait que le moyen le plus sûr était tout simplement de voyager et de bêtement chercher. Dans ce but il créa l'agence de voyages "Potter Tours" et la clientèle visée était des Américains fortunés. Armand était un autodidacte qui avait énormément lu, était constamment en train de prendre des notes sur des détails d'oeuvres d'art exposés dans les musées et se débrouillait en 9 langues. Avec ce bagage un tantinet insolite, il s'embarquait en 1871 pour le Nouveau Monde, laissant derrière lui sa Flandre natale. Arrivé à New York, il réussit à se faire nommer professeur de langue française à l'Académie Albany pour jeunes filles. Une de ses élèves, Amy Sutherland Beckwith, tomba follement amoureuse de lui et il l'épousa en 1879 en la rebaptisant Aimée. Il organisait des soirées consacrées à l'histoire d'Europe et pouvait ainsi recruter des clients pour des voyages culturels en Europe, que lui et son épouse accompagnèrent comme guides. Souvent Armand disparaissait pour s'acheter clandestinement des objets d'art antique, en Égypte et le Maghreb. Toutes ses trouvailles et achats étaient présentés au public dans le musée de l'université de Philadelphie.
Aimée était fascinée par l'érudition de son époux, mais en même temps un peu inquiète par ses explications qui ne correspondaient pas toujours à la stricte vérité. Devenue mère d'un petit garçon, Victor, le couple s'acheta à Cannes l'immense Villa du Grand Bois avec ses 17 pièces, d'où Armand coordinait les activités de son agence de voyages qui avait des bureaux à New York, Detroit et Paris. C'est à cette époque que le sculpteur Frédéric de Vernon a fait son buste en bronze, qui se trouve actuellement au "Detroit Institute of Arts".
Un aspect qui intriguait Aimée était l'origine de son cher époux, qui tout en se déclarant le descendant d'un grand homme n'entretenait apparemment pas de rapports avec sa famille. Armand se faisait passer pour le petit-fils de Louis de Potter (1786-1859), qui du balcon de l'hôtel de ville de Bruxelles avait, en 1830, proclamé l'indépendance de la Belgique et tenu, à la première assemblée parlementaire belge, le discours d'inauguration. Il avait été membre du Gouvernement Provisoire et comptait parmi les hommes les plus populaires du nouveau royaume pour ses combats en faveur de la liberté de la presse et de l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il a laissé une abondante littérature sur un nombre de sujets dans le style des Encyclopédistes français et était un ami de
Stendhal. En réalité, notre Armand n'avait menti qu'à moitié : il était le fils d'un bâtard du grand homme, non reconnu par les nobles héritiers officiels de l'homme d'État.
En 1905 donc Armand, à l'âge de 53 ans, disparaissait. Il se savait criblé de dettes, résultat de sa fameuse collection, de son achat d'un domaine à Cannes qui était nettement au-dessus de ses moyens et un train de vie princier. Accident, suicide ou mise en scène ? Je ne peux, bien entendu, pas dévoiler l'explication de ce mystère, pourtant il m'est impossible de ne pas vous révéler une colossale surprise !
Rentrée aux États-Unis avec son fils, après la première guerre mondiale, Victor épousa Eleanor Meade, qui lui donna 2 filles, dont la dernière avait une fille à son tour, qui s'appelle....Joanna Scott !
C'est principalement en épluchant le journal intime d'Aimée de Potter, son arrière-grand-mère, que l'auteure a pu reconstituer la vie et le parcours de son étrange ancêtre.
Joanna Scott, née en 1960 dans le Connecticut aux États-Unis, a obtenu un doctorat en littérature anglaise et enseigne, avec son mari le poète James Longenbach, cette matière à l'université de Rochester à New York. Elle est la mère de 2 filles, Kathryn et Alice. Elle doit sa percée comme écrivaine en 1990 avec son ouvrage "
Arrogance" dans lequel elle met en scène le dessinateur, peintre et poète autrichien
Egon Schiele (1890-1918), un artiste très doué, ami de
Gustav Klimt et enfant terrible de son époque mais mort de la grippe espagnole à seulement 28 ans. Elle est également l'auteure de "
Tourmaline" en 2009 et "
Cruel malentendu" en 2011. Je compte faire une critique de son grand succès "
Arrogance" prochainement, car
Egon Schiele vaut certainement Armand de Potter dans le registre "à part" !