La mémoire du thé

Citation préliminaire

Quand naît un fils,
qu'il dorme dans un lit.
Donne-lui de bons vêtements
et du jade pour jouet (...)
Quand naît une fille,
qu'elle dorme par terre.
Emmaillote-la dans une toile ordinaire
et donne-lui des tuiles brisées pour jouet (...)

Le Livre des poèmes
(1000-700 avant J.C. )

Les jumeaux sont le pire tabou dans notre culture, car seuls les animaux, les démons et les esprits donnent naissance à des portées...La naissance de jumeaux - ce qui n'était jamais arrivé à la Source de Printemps - est une calamité non seulement pour la mère, le père et la famille des bébés, mais pour tout le village.

Le professeur Zhang entre dans la pièce d’un pas traînant. Il porte un pantalon de laine bleu, une veste de laine bleue et une casquette bleue assortie avec une étoile rouge devant. Tous les habitants du mont Nannuo ont de la peine pour lui. Dix ans avant ma naissance, pendant la Grande Révolution culturelle prolétarienne, il a été déchu de son poste universitaire à la capitale et ”envoyé apprendre auprès des paysans”. A la fin de la Révolution culturelle, d’autres sont rentrés chez eux, mais lui n’a pas obtenu l’autorisation de rentrer auprès de sa famille. Il ne doit pas encore avoir cinquante ans, mais l’amertume lui donne l’aspect d’un ancien du village.

Je n'ai jamais pris de vacances, mais maintenant j'en ai besoin.
La première fois que j'ai entendu parler de vacances, j'ai été surprise, car le plus proche que nous ayons chez les Akha, c'est la saison des pluies - les mois obscurs où l'on dit que les mauvais esprits sont particulièrement actifs et où nous travaillons à tisser, coudre et broder.

Cette coiffe proclamera également ta sensibilité artistique, que tu pourras transmettre dans les cas malheureux où tu donnes naissance un jour à une fille.

Une seule erreur peut changer le cours de notre vie. On ne peut jamais reprendre le chemin initial ni redevenir la personne qu'on était.

Chaque histoire, chaque rêve, chaque minute de notre vie est une succession de coïncidences décisives.

Les aphorismes qu'A-ma me récitait me reviennent comme autant de récriminations. Pourquoi ne l'ai-je pas écoutée ? Parce que j'étais comme toutes les filles. Stupide de fierté. Trop sûre de moi. Ivre d'amour. Oui, j'ai péché - contre mon a-ma et mon a-ba, contre mon mari, contre mon bébé. Laissez-moi survivre à ce qui me pourchasse. Donnez-moi une chance. Je me battrai. Je deviendrai meilleure. Lune et Soleil, aidez-moi.

Sa petite main agrippe mon index, laissant une cicatrice indélébile dans mon coeur

Je suis comme une feuille détachée de sa branche qui virevolte et tombe, tombe, tombe, par delà la falaise, portée par les vents, arrachée à l’existence.