Mahan est un de ces penseurs que peu de monde connaît, plus dans les milieux anglo-saxons que français, qui, pourtant, influença le déroulement du XXème siècle et encore le début du XXIème.
Mahan est à la stratégie navale ce que
Clausewitz est à la guerre terrestre.
Officier de l'US Navy,
de la guerre de Sécession à sa mort en 1914, Mahan théorisa le concept de sea power, la puissance militaire par la mer, dans la pensée maritime.
Admirateur de la Royal Navy qui régna sur les mers pendant un siècle, protégeant et assurant le développement de l'empire britannique, Mahan, influencé par son éducation religieuse et côte Est, écrivit que la puissance américaine ne pouvait se concevoir sans une marine de guerre conforme à ses ambitions.
Contrairement aux Britanniques qui s'appuyaient sur leurs colonies, les Etats-Unis se devaient de trouver des escales-relais dans ce que Mahan considérait comme le périmètre de responsabilités et de survie de son jeune pays. S'inspirant en cela de la doctrine Monroe (1823) qui définissait le continent américain comme ce périmètre. La Mer des Caraïbes et le Golfe du Mexique constituant la Mare Nostrum Americana.
Proche de certains milieux politiques de son époque, comme le président Théodore Roosevelt, par ses écrits il concourut à l'attaque de l'Espagne par les Etats-Unis qui permit la prise de contrôle de la région d'abord à Cuba et Porto Rico, puis Panama et son canal alors en construction. A cela s'ajouta les Philippines pour se rapprocher de la zone asiatique et du Japon. Enfin, dans un autre contexte vint l'annexion des îles Hawaï pour disposer du relais nécessaire pour une allonge militaire vers la Chine, à partir de la côte Ouest. Si nous ne sommes pas dans une politique coloniale à l'européenne, cela n'en demeure pas moins une politique impérialiste qui émerge à cette époque.
Jean-José Ségéric montre que si Mahan traîne des lacunes dans ses analyses, voire parfois manque de génie, son influence sur les orientations de la politique américaine durant tout le XXème siècle et de nos jours est indéniable. L'hégémonie américaine ne peut se concevoir que par le formidable développement de sa marine de guerre et son emploi sur les toutes mers du monde, de l'intervention directe à la présence « pacifique » du pavillon. Emploi qui ne peut se justifier que par des escales-relais qui permettent le ravitaillement mais aussi le pré-positionnement de forces pour gagner en réactivité. La Chine populaire actuelle n'agit pas autrement avec sa politique dite du collier de perles en obtenant l'emploi d'infrastructures en Océan indien, dans le Pacifique Est et à la Corne de l'Afrique.
Cet ouvrage est intéressant car il permet de comprendre l'influence de Mahan sur un pan important de notre Histoire puisqu'il inspira les actions politiques américaines. Ce livre reste cependant une étude parfois difficile à lire que l'on ne peut aborder comme un livre de vulgarisation géopolitique et de stratégie.
Sans être comparable à
Raymond Aron qui analysa
Clausewitz,
Jean-José Ségéric est un des seuls en France à traiter l'oeuvre et la vie d'un penseur important dont les écrits ont toujours un impact majeur sur notre vie.