Il n''est nulle question de nature. Il est question de courage. Il a eu tous les courages. Braver la Gestapo, soutenir, un des premiers, la cause des Noirs, aider à la création de l'Etat Juif, braver le FBI, ne pas baisser l'échine, ne jamais renoncer, écrire à Roosevelt pour construire la bombe contre l'Allemagne et écrire à Roosevelt pour arrêter la bombe destinée au Japon. Soutenir les Juifs opprimés par les Reich. Pétitionner. Etre en première ligne. Mais aller voir son fils est au-dessus de ses forces. Il a trouvé ses limites. Seul l'univers ne connaît pas de limites.
Elle peine à croire que ce long défilé de semaines et de mois aura été sa vie.
Les frontières sont faites pour effacer les hommes.
John Edgard Hoover a juré sa perte. Il se murmure que le dossier Einstein au FBI serait plus épais que la Bible. Il lui faudra quitter le pays si la campagne orchestrée contre lui prend de l'ampleur. " Déportez Einstein ! " Aurait-il pu imaginer de telles manchettes, ici, en Amérique, vingt ans après celles des journaux nazis ?
En aucun endroit il ne parle de ses fils. Ses fils n'occupent que quelques lignes dans les nombreuses biographies qui lui sont consacrées. Et jamais on n'y mentionne le mal qui frappe le cadet. Pas la plus petite allusion. La honte de la famille. Comme si la maladie d'Eduard représentait une sourde menace . Eduard erre dans les ténèbres. Les ténèbres de l'esprit et ceux du Burghölzli quand la nuit vient à tomber.
Il laissera entre eux deux une distance infinie. Il veut garder l'image de son fils au jour de sa dernière visite. Il souhaite emporter ce portrait-là dans la tombe. C'est un vieil homme. Il a soixante-six ans. Il n'a pas le courage d'affronter la réalité. Il appréhende cette réalité. Il connaît la vérité. Il sait ce qu'il va découvrir. Il ne veut pas de cette découverte. Il pense que sa visite ne changera rien. Qu'elle ne fera qu'ajouter du malheur au malheur. Il préfère laisser un océan entre son fils et lui.
Nulle part on ne reste. Ceux qui croient à la pérennité des lieux se leurrent. Nous vivons l'éternel recommencement.
Le ventre est un autre cerveau.Mon ventre est aussi déglingué que mon lobe frontal.
Ce livre se lit en un après-midi
Un hymne à la vie, pourtant le roman de Maryse Vaillant sera le dernier, elle se savait condamner
J'ai toujours lu au fils des années ces livres, et celui-ciest un hommage à ce grand auteur
Ne passez pas à côté, il est sublime et jamais triste
Je suis enfermé dans mon moi. Mon moi me dévore et m'entrave. Je suis le degré zéro de mon père.
Les pères engendrent les fils. Mais ce sont les fils qui rendent père leur géniteur, qui font d'eux des hommes.