- J’ai quelque chose de triste à t’apprendre.
- Mon père va venir me voir ?
- Quelque chose de pire.
- Je ne vois pas.
- Ta mère est morte, Eduard.
Les Allemands brassent de la bière. Nous nous brassons de l'argent. Nos peuples peuvent s'entendre entre brasseurs. Nous nous entendrons aussi avec les Américains, qui sont de grands brasseurs de vent.
L'irréversibilité est la clé de toute douleur.
Il nous a abandonné, mon frère et moi, entre les mains de notre mère. Il a quitté ma mère dans de terribles circonstances. Il l’a trompée sois toutes les formes. Il est parti pour une autre femme. Et selon maman, il trompe cette femme avec une autre femme. Il aime les femme, il les multiple. Il est atroce. Personne ne le dit. On ne m’empêchera pas de révéler la vérité. Je le déteste. (P.190)
Un jour, mon père travaillera sur mon cas. A quoi bon une telle intelligence si elle n'est pas mise au service de l'homme? Celui qui a découvert les grands principes de l'univers ne peut-il travailler sur mon hémisphère droit?
Vous narguez les institutions de la ville de Princeton, cette ville qui vous a accueilli quand l'Europe ne voulait plus de vous ! Les règles de bienséance existent, monsieur Einstein. Avoir obtenu le prix Nobel ne place personne au-dessus des traditions. La ségrégation fait partie intégrante de ces lois non écrites. C'est à nous faire regretter d'accepter ces gens-là sur notre continent. C'est à inciter le farouchement antisémite et tout-puissant secrétaire d'Etat à la Maison Blanche, Cordel Hull, à restreindre plus encore pour l'année 1938 l'entrée des juifs en Amérique. C'est à encourager John Edgar Hoover à poursuivre sa collaboration avec les services de la Gestapo, à entretenir des liens d'amitiés avec Heinrich Himmler,à inviter le dirigeant nazi à la Conférence mondiale de la police à Montréal en 1937, et aller personnellement accueillir à l'aéroport son bras droit en visite aux Etats-Unis.
Je suis aussi célèbre que mon père. Le E de l'équation, c'est le E d'Eduard.
Eduard = mc².
Il est des malheurs auxquels on ne peut rien. On ne peut blâmer ni soi ni personne. Il range dans cette catégorie le mal qui frappe Eduard. Son chagrin se double d’un sentiment d’impuissance. Mais il ne ressent pas une once de culpabilité. Il garde la certitude que sa seule présence, la moindre de ses actions aggraverait l’état de son fils. La seule évocation de son nom agit comme un brasier dans l’esprit d’Eduard.
Je préfère me sentir à l'étroit qu'à l'étranger.
Aucun être n'a de vérité proper. Par exemple, en ce qui me concerne, j'ai bien conscience que les gens me prennent pour un fou alors que je ne le suis pas. Qui détient la vérité sur mon cas? Les gens ou moi?