Cela veut dire que tu es sur la bonne vois, Eduard. Le progrès c'est moins percevoir la douleur de l'existence. De se montrer insensible aux turbulences.
L'arbre généalogique, arraché de sa terre hostile, poussera, régénéré, sur le sol américain. La longue expérience de sa vie le lui a enseigné. En quelque endroit du monde, on prend racine. La terre importe peu. Seule compte ce que dicte notre conduite, ce que célèbrent nos mémoires.
Se peut-il qu'en un même instant, de part et d'autre d'un océan, une même jeunesse brûle, ici, des cigarettes, là, des livres.
Papa, tu voulais me donner des leçons, tu apprends enfin la vie. C'est douloureux, n'est-ce-pas, ce poids sur les épaules ?
Voilà où repose sa seule espérance : tenir.
Elle ne pose plus de questions. Elle contemple la souffrance dans les yeux de son fils. Par deux fois Eduard a tenté de se suicider. Elle est la compagne de la folie. Elle s'acoquine avec la mort.
La belle vie est dans la nature humaine. Promenons-nous dans les bois. La formule du bonheur n'est pas dans les chiffres.
Il a cru en l'intelligibilité de l'architecture du monde. Il ne peut imaginer un dieu qui récompense et punit l'objet de sa cration. Il a toujours vu la raison se manifester dans la vie. Et la raison n'est plus nulle part dans l'esprit de son fils.
Un jour, mon père travaillera sur mon cas. À quoi bon une telle intelligence si elle n'est pas mise au service de l'homme ? Celui qui a découvert les grands principes de l'univers ne peut-il travaillersur mon hémisphère droit ?
L'irréversibilité est la clé de toute douleur.