Dimanche 22 février 1942, midi.
Ils (Stefan et Lotte) ont congédié la gouvernante. Le jardinier a pris son dimanche. La maison est inondée de soleil. A travers les fenêtres entrouvertes dont les rideaux ondulent mollement, il entend le cri des oiseaux. Il fait une dernière fois le tour de l'appartement. Tout est dans un ordre parfait. Sur le petit bureau sont soigneusement disposées les lettres qu'il a écrites au long de la semaine.
Il n'avait pas pu fermer les yeux de sa mère à sa mort.
il n'avait pas entonné le kaddish. Il n'avait pas respecté l'ultime commandement enjoint à tout fils juif.
En août 1938, quand Ida Zweig avait rendu son dernier souffle, il avait fui l'Autriche depuis longtemps déjà et avait interdiction d'y revenir pour se rendre au chevet de celle qui l'avait mis au monde.
Les troupes allemandes étaient entrées à Vienne le 13 mars 1938.
Six mois plus tard, la barbarie s'abattait déjà sur les Juifs.
Sa mère,invalide, sourde, âgée de quatre-vingts-quatre ans, avait subi les pires humiliations.
Aux premiers jours de l'Anschluss, elle aurait pu voir les livres de son fils brûler sur les bûchers dressés sur les places de Vienne.
Si cette vieille dame avait eu la force de se promener dans un jardin du Prater, il lui aurait été interdit, sous peine de mort, de s'asseoir sur un banc.
Nous avons décidé, unis dans l’amour, de ne pas nous quitter
Je crois avoir tout lu de vous, vous faites battre mon cœur comme personne.
Feder : Eh bien, tu ne racontes pas une histoire. Tu ... utilises un narrateur pour faire le récit qu'un tiers a tenu. Bon, tu n'as rien inventé. La technique du récit enchâssé, c'est Shéhérazade, mais tu portes cette technique à un tel niveau de perfection...
Stefan Zweig (souriant) : Continue ...
Feder : J'aime le mystère autour du narrateur, cet homme dans l'ombre et qui ne juge pas... Toi, tu n'es pas le héros de tes romans, non... tu es dans cet être qui reçoit le récit des malheurs du monde.
776 - [p. 62]
Feder: Qu’est-ce qui peut te sauver ?
Zweig: La litterature…
Feder: La littérature a-t-elle déjà sauver quelqu’un?
Zweig: Elle rend libre.
La peur est le fantasme du démon. p.145
Qui pouvait entreprendre un roman en ces temps, tisser une trame plus forte et dramatique qye celle s’écrivait ? Hitler était l’auteur de millions d’insurpassables tragédies. La littérature avait trouvé son maître. p.22
"La nostalgie était l'unique moteur de son écriture. Il n'écrivait qu'au passé."
"Qui pouvait entreprendre un roman en ces temps ? tisser une trame plus forte et dramatique que celle qui s'écrivait ?"