Même si je ne suis pas Nord-coréenne (je connais la chanteuse Sia et son clip Chandelier), j'avoue m'être sentie une bonne partie de ce roman sur une autre planète, celle des ados d'aujourd'hui, lesdits Millenials.
Garance, 15 ans, est la représentante parfaite de cette génération Z, génération née avec un portable greffé au bout de la main droite, ou gauche, c'est selon. Génération adepte du selfie avec la bouche en cul de poule, du culte de l'image, de la perfection sur les réseaux dits sociaux, de la moquerie de tout ce qui est différent.
Garance est belle, pas encore super populaire car trop jeune, mais, cerise sur le gâteau, elle entre gentiment dans les bonnes grâces de Maud et ses acolytes, les stars du lycée. Pour les bonnes raisons ?
N'étant pas mère, je n'ai pas à gérer les états d'âme d'adolescents d'aujourd'hui, et j'avoue que je me suis sentie larguée à plusieurs reprises au cours de ma lecture, et ce à plusieurs niveaux. Cependant, j'ai des neveux et nièces, dont un, né en 2002, qui entre donc pile-poil dans cette catégorie, et il est vrai que ses années lycée ont été assez mouvementées. Trop ceci, pas assez cela, le tout à l'ère numérique, cela fait un combo détonnant. Et effrayant aussi.
J'avoue que l'autrice a su parfaitement se saisir de cette période charnière et a su retranscrire, je crois fidèlement, les tourments que peuvent vivre les ados en général, de cette génération en particulier. Et oui, rappelez-vous, l'adolescence, ce n'était pas franchement une partie de plaisir, en tout cas je n'en garde pas spécialement un bon souvenir.
Car oui, ce roman m'a fait replonger dans ces années, Seconde G dans mon lycée privé pour enfants de « bonne famille ». Je me rappelle d'un garçon dans ma classe qui a été pris comme tête de Turc par certains. La raison ? Il était roux et avait parfois – souvent – les cheveux gras, un sobriquet a très rapidement été trouvé (et en écrivant ce billet, je dois bien admettre que si je me rappelle parfaitement du surnom qui lui avait été donné, je ne me souviens plus en revanche de son prénom). Et si je ne participais pas à l'acharnement dont il pouvait faire l'objet, je ne prenais pas sa défense non plus. Je restais finalement témoin silencieux, est-ce mieux ? Mais bon, j'avais 15 ans moi aussi, cherchais à me faire des amis dans ce nouveau lycée, n'avais pas le courage d'affronter la meute même si je trouvais que ce qu'il subissait était injuste et dégueulasse. On se trouve finalement des excuses pour ne pas agir... Donc oui, le harcèlement, scolaire ou autre, a toujours existé. Mais, à la différence notable, j'ai eu 15 ans en 1995, alors que dans ce roman, ils ont 15 ans en 2015, et les réseaux sociaux ont pris toute la place. Ce qui restait confidentiel, à l'échelle d'une classe, à mon époque, ne l'est plus aujourd'hui. Alors quand un ado fait une connerie, c'est la Terre entière qui peut être mise au courant, tel un virus qui se propage dans la population entière. Avec les conséquences, désastreuses, qui peuvent en découler.
La remarquable capacité de
Francesca Serra à se mettre à la place d'adolescents entraîne aussi malheureusement un côté un peu brouillon, répétitif voire lassant, aussi bien sur le fond que sur la forme. J'ai eu mal aux yeux à plusieurs reprises (abréviations incompréhensibles pour moi, fautes d'orthographe à me faire saigner les orbites) et j'ai parfois eu l'impression de lire plusieurs fois la même chose de divers points de vue. Alors c'était utile, je ne le nie pas, mais ça m'a gênée. Cependant, je loue l'incroyable variation de langages utilisés par l'autrice, et aussi qu'elle ne perd jamais de vue son intrigue, toutes les pièces du puzzle finissant pas s'emboîter les unes avec les autres.
Reste que j'ai trouvé ce roman long, très long, trop long, il aurait pu être amputé d'au moins 150 pages. Je n'ai pas du tout apprécié ma fin de lecture, selon moi l'autrice s'est finalement perdu dans les méandres de son histoire, je n'ai pas du tout adhéré à sa fin qui traînait en longueur, qui, selon moi, n'apporte rien au reste du récit, et que j'ai trouvé inadéquate pour ne pas dire absurde.
En résumé, un roman que j'ai globalement apprécié, dont je loue la sagacité sur bien des aspects, mais qui m'aura finalement laissée sur le bord de la route.
Lu en janvier 2022