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3,54

sur 428 notes
Même si je ne suis pas Nord-coréenne (je connais la chanteuse Sia et son clip Chandelier), j'avoue m'être sentie une bonne partie de ce roman sur une autre planète, celle des ados d'aujourd'hui, lesdits Millenials.

Garance, 15 ans, est la représentante parfaite de cette génération Z, génération née avec un portable greffé au bout de la main droite, ou gauche, c'est selon. Génération adepte du selfie avec la bouche en cul de poule, du culte de l'image, de la perfection sur les réseaux dits sociaux, de la moquerie de tout ce qui est différent.
Garance est belle, pas encore super populaire car trop jeune, mais, cerise sur le gâteau, elle entre gentiment dans les bonnes grâces de Maud et ses acolytes, les stars du lycée. Pour les bonnes raisons ?

N'étant pas mère, je n'ai pas à gérer les états d'âme d'adolescents d'aujourd'hui, et j'avoue que je me suis sentie larguée à plusieurs reprises au cours de ma lecture, et ce à plusieurs niveaux. Cependant, j'ai des neveux et nièces, dont un, né en 2002, qui entre donc pile-poil dans cette catégorie, et il est vrai que ses années lycée ont été assez mouvementées. Trop ceci, pas assez cela, le tout à l'ère numérique, cela fait un combo détonnant. Et effrayant aussi.

J'avoue que l'autrice a su parfaitement se saisir de cette période charnière et a su retranscrire, je crois fidèlement, les tourments que peuvent vivre les ados en général, de cette génération en particulier. Et oui, rappelez-vous, l'adolescence, ce n'était pas franchement une partie de plaisir, en tout cas je n'en garde pas spécialement un bon souvenir.
Car oui, ce roman m'a fait replonger dans ces années, Seconde G dans mon lycée privé pour enfants de « bonne famille ». Je me rappelle d'un garçon dans ma classe qui a été pris comme tête de Turc par certains. La raison ? Il était roux et avait parfois – souvent – les cheveux gras, un sobriquet a très rapidement été trouvé (et en écrivant ce billet, je dois bien admettre que si je me rappelle parfaitement du surnom qui lui avait été donné, je ne me souviens plus en revanche de son prénom). Et si je ne participais pas à l'acharnement dont il pouvait faire l'objet, je ne prenais pas sa défense non plus. Je restais finalement témoin silencieux, est-ce mieux ? Mais bon, j'avais 15 ans moi aussi, cherchais à me faire des amis dans ce nouveau lycée, n'avais pas le courage d'affronter la meute même si je trouvais que ce qu'il subissait était injuste et dégueulasse. On se trouve finalement des excuses pour ne pas agir... Donc oui, le harcèlement, scolaire ou autre, a toujours existé. Mais, à la différence notable, j'ai eu 15 ans en 1995, alors que dans ce roman, ils ont 15 ans en 2015, et les réseaux sociaux ont pris toute la place. Ce qui restait confidentiel, à l'échelle d'une classe, à mon époque, ne l'est plus aujourd'hui. Alors quand un ado fait une connerie, c'est la Terre entière qui peut être mise au courant, tel un virus qui se propage dans la population entière. Avec les conséquences, désastreuses, qui peuvent en découler.

La remarquable capacité de Francesca Serra à se mettre à la place d'adolescents entraîne aussi malheureusement un côté un peu brouillon, répétitif voire lassant, aussi bien sur le fond que sur la forme. J'ai eu mal aux yeux à plusieurs reprises (abréviations incompréhensibles pour moi, fautes d'orthographe à me faire saigner les orbites) et j'ai parfois eu l'impression de lire plusieurs fois la même chose de divers points de vue. Alors c'était utile, je ne le nie pas, mais ça m'a gênée. Cependant, je loue l'incroyable variation de langages utilisés par l'autrice, et aussi qu'elle ne perd jamais de vue son intrigue, toutes les pièces du puzzle finissant pas s'emboîter les unes avec les autres.
Reste que j'ai trouvé ce roman long, très long, trop long, il aurait pu être amputé d'au moins 150 pages. Je n'ai pas du tout apprécié ma fin de lecture, selon moi l'autrice s'est finalement perdu dans les méandres de son histoire, je n'ai pas du tout adhéré à sa fin qui traînait en longueur, qui, selon moi, n'apporte rien au reste du récit, et que j'ai trouvé inadéquate pour ne pas dire absurde.

En résumé, un roman que j'ai globalement apprécié, dont je loue la sagacité sur bien des aspects, mais qui m'aura finalement laissée sur le bord de la route.


Lu en janvier 2022
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Des adolescents aux prises des réseaux sociaux.
J'ai lu 80 pages et abandonné.
Sujet actuel tellement dérangeant.
Style insupportable.
Impression en très petits caractères, lignes très serrées.
Sensation de décousu dans l'histoire.
Pavé de près de 500 pages.
Non, vraiment, malgré les excellentes critiques vues sur babelio, je ne me sens pas le courage de continuer.
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Un concours de mannequins s'annonce dans une ville du Sud est de la France peu animée d'habitude animée que l'été .Garance, favorite du concours, attire l'attention d'une bande d'adolescents avec lequel elle avait toujours revé de trainer.

Pour se faire accepter de la meute, elle devra consentir à queleques sacrifices.
Avec ce roman qui semble nous amener en terrain familier pour mieux nous emporter un peu ailleurs, Francesa Serra livre une passionnante fresque héroïque dédiée à la génération des milléniaux.

Son récit, parfois cruel, parfois tendre, s'interroge sur le fait de savoir quelle influence le monde numérique a t- il sur l'évolution du langage et comment la société de l'hyper connexion semble toujours s'accrocher à une mélancolie de ce qui est déjà passé..

Une belle réussite pour mieux comprendre notre jeunesse actuelle
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Interpellée par les critiques dithyrambiques à sa parution, je m'étais procuré ce roman peu de temps après sa parution. Puis j'ai laissé reposer, préférant me débarrasser des chroniques que j'avais pu lire ici et là.
Il se trouve que le cyber-harcèlement scolaire est d'une actualité brûlante ces dernières semaines et que certains faits divers mettent en avant les agressions que subissent certains élèves, agressions qui n'ont pas attendu les réseaux sociaux pour s'exprimer.
C'est donc un roman nécessaire, qui se met à hauteur des adolescents, qui décortiquent leur mode de fonctionnement. La reproduction des échanges de messages en dit long sur la cruauté des uns mais aussi sur le mode de langage et de communication de tous. C'est aussi pour ça que cette communauté est si difficile à pénétrer pour les adultes.
Et c'est cela qui m'a séduit, j'ai eu l'impression de lire un mode d'emploi à destination des adultes tout en étant dans les préoccupations des adolescents avec leurs mots et leurs codes.
Le roman est conduit comme un thriller puisque l'on comprend assez vite que la jeune Garance, « héroïne » de l'intrigue a disparu. La narration s'appuie sur des flash-back qui créent la tension même si le sujet est suffisamment poignant pour se suffire à lui tout seul.
En revanche, je reste perplexe sur les intentions de l'autrice dans la dernière partie. Elle confère à Garance un statut qui l'éloigne du commun des mortels. Il me semble que la laisser dans un réel moins onirique aurait définitivement permis aux jeunes lecteurs de s'identifier au personnage.
Maladresse de primo-romancier ? Je lui pardonne bien volontiers car ce roman reste percutant et amène à une réflexion plus large sur la société qui « permet », à moins que cela lui échappe, ce genre de dérive.


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On a déjà beaucoup écrit sur ce roman, beaucoup de louanges et il a été récompensé par le tout premier prix littéraire de la saison, celui du Monde. S'y plonger après tout le monde (ou presque) est à double tranchant. On attend du lourd, du fort, du grandiose. Alors mon premier réflexe en le terminant est de tirer mon chapeau à Francesca Serra. Pour un premier roman, le pari n'était pas évident, et il est réussi. Haut la main. Pourtant, il m'a fallu un certain temps pour accepter le style et le rythme de l'auteure, son parti-pris d'insérer des dialogues de messagerie instantanée ou des fils de commentaires Instagram. Mais c'est elle qui a raison. L'immersion est importante pour comprendre ce qui se joue dans les esprits des adolescents qu'elle scrute et dont elle fait les héros d'une histoire d'autant plus tragique qu'elle est à portée de souris de chacun d'entre nous. L'immersion est essentielle et l'auteure l'orchestre de main de maître, sans excès, en prenant le temps de l'exploration psychologique, en creusant les motivations et les failles de tous ses personnages, à l'encontre de la rapidité exigée par le monde moderne. Au bout de quelques chapitres, on est ferré, happé par le destin et le mystère de Garance.

Garance, 15 ans, élève de seconde. Jolie. Très jolie même. Au point d'être l'une des favorites pour l'étape régionale du concours Elite model qui se profile. Flattée d'être enfin remarquée par la bande "star" du lycée. Ils sont plus âgés, elle les admire, les idéalise, intègre leur cercle et finit par délaisser sa meilleure amie et ses anciennes occupations. Jusqu'au jour où elle disparaît brutalement, du monde réel autant que des réseaux sociaux. Que s'est-il passé ? L'enquête menée par une jeune policière oscille entre les deux mondes et met en évidence la violence du harcèlement démultipliée par les écrans.

Francesca Serra nous fait pénétrer dans la vie quotidienne de ceux que l'on nomme les "millenials". Nés avec le siècle et quasiment sur les réseaux sociaux qui font partie intégrante de leur vie. Où tout est montré, mis en scène, commenté, liké, mais aussi moqué. "Il suffit d'un pouce levé pour échapper à l'oubli, pour empêcher les autres de faire abstraction de vous. Un like affirme votre présence au monde". Et elle parvient à démonter le mécanisme par lequel on se perd soi-même à force de multiplier les images et de vivre à travers elles. Elle le fait minutieusement, de façon très fluide, sans décréter, simplement en glissant son lecteur dans les méandres du jeu virtuel et de la façon dont il brouille la réalité. Quand on sait à quel point un ado, sans internet est déjà plutôt embrouillé dans sa tête et son corps, on voit tout l'effet démultiplicateur des vies virtuelles. A cela s'ajoutent le piège de la soi-disant transparence et le sentiment d'impunité offert par l'anonymat de l'écran, porte grande ouverte à tous les excès. On a tous connu la férocité des cours de récréation, la mise à l'écart. Mais sur les réseaux sociaux, le lynchage n'a plus de bornes.

Ce que l'auteure réussit parfaitement, c'est son étude psychologique à large spectre qui lui permet de capter quelque chose d'important d'un point de vue sociétal. A ce titre, ce prix littéraire lui va particulièrement bien. Et on ne peut que recommander cette lecture à toutes les générations.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Combien ?... Combien d'abonnés, combien de followers ? Combien de RT ? Combien de like ? Combien je suis ? [...] Et [les générations] suivantes feront la même chose ; elles tenteront avec leurs propres moyens d'échapper au sentiment d'être éphémères et insignifiantes. Bien sûr, ceux qui exibhent leur bonheur sur internet ne sont pas dupes et ceux qui les admirent ne sont pas dupes non plus; tout le monde joue le jeu. Personne ne veut passer à côté, chacun cherche à s'inscrire dans la légende."

La grande force de Francesca Serra est son analyse si précise et sans jugement de cette génération née quasi avec une tablette à la main. Elle reproduit leurs façons d'échanger, elle décortique leurs relations et leurs coups bas au temps du 2.0. Et elle montre aussi les proportions que prend le harcèlement aujourd'hui quand il suffit d'un petit clic, lorsqu'on peut se dédouaner si facilement en se planquant sous l'anonymat.

Pas de coup de coeur pour moi pour autant car j'ai trouvé ça trop long et mon esprit a eu tendance à partir ailleurs dans la toute dernière partie (mais comme personnellement je vivais un moment pas facile peut être que le roman n'y est pour rien).

Sur l'adolescence j'avoue avoir préféré largement la vie parfaite de Silvia Avallone dont l'écriture m'avait frappé par sa puissance mais les critiques sont très bonnes alors à vous de vous faire votre propre avis.

Lien : https://www.instagram.com/p/..
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C'est la publication sur FB d'un auteur de thriller (Jérémy Fel) s'avouant captivé par la lecture de ce premier roman qui m'a clairement donné envie de le sortir de ma PAL et de le lire. Et effectivement, j'ai trouvé ce récit vraiment bien construit, de manière à ce que les révélations, souvent hallucinantes, s'égrènent au compte- gouttes et éclatent de manière inattendue, à la fin de certains chapitres.

« Sous chaque toit abritant une adolescente, le cérémonial est identique : la parer avant de la lâcher dans le labyrinthe de ruelles et de ragots. Car toutes partagent cet ambigu dessein, façonné par leurs génitrices, qu'elles transmettent à leurs descendantes et qui tient en un ordre tacite : "Tu seras une pute, ma fille." Garance, quinze ans, vit avec sa maman, Ana, directrice de l'école de danse classique réputée nommée « le Coryphée », à Ilarène, ville du sud-est de la France. Les deux femmes ont longtemps été fusionnelles, sans homme dans leur horizon. Ana a la réputation de tenir les filles « droites », de corps comme d'esprit. Un maintien digne des étoiles de l'Opéra, et qui a ancré sa marque de fabrique dans l'esprit des habitants d'Ilarène, à l'aube du XXIe siècle. Mais à l'entrée de Garance en seconde, la modernité de l'époque va rattraper cette maman idéaliste…

« A dater de ce soir, la peur que la vérité surgisse l'accompagnera partout, tout le temps. » Garance, grandit vite. Trop vite. Plus vite que Souad, son amie d'enfance. Ses regards, ses envies se tournent vers un trio d'élèves de Terminale qui « font le buzz » sur les réseaux : Maud, Salomé, et Greg. A ces trois- là s'ajoutent deux garçons plus âgés : Yvan et Vincent. Ce dernier attise les premiers désirs de Garance. Alors quand le groupe invite cette dernière à une soirée, la voilà qui ose faire un premier pas de côté. Un pas qui va l'amener bien plus loin que tout ce qu'elle aurait pu imaginer.

« - J'entends mes collègues se plaindre en salle de profs parce que vous êtes tout le temps accrochés à vos smartphones mais, si vous voulez mon avis, vous n'avez pas le choix. Cette technologie qui vous connecte les uns aux autres était la seule évolution possible de l'espèce. Votre génération n'est que le produit d'une évolution déterminée. » Pour le prof de maths de Garance, tout est question de déterminisme. Outre sa théorie, il faut admettre que le culte de l'apparence véhiculé par les réseaux sociaux a pris une telle importance dans la génération actuelle de nos adolescents qu'il faudrait savoir, et pouvoir en prévenir les dérives. L'auteure en décrit ici les rouages, réels, sur fond fictionnel.

Au final, un roman bien écrit, qui prend souvent aux tripes et qui entraîne bien des questions. le thème du cyber- harcèlement y est habilement traité, grâce à des personnages à la psychologie finement construite, et à des éléments théoriques de sociologie insérés de manière légèrement didactique. A découvrir, à lire, et une plume à suivre.
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Garance, 15 ans, passionnée de danse est en classe de Seconde. Elle cherche à attirer l'attention du beau Vincent, coqueluche d'un clan de Terminale. Trois ans d'écart, c'est une échelle très haute à grimper pour être digne d'intérêt, il va falloir redoubler d'efforts pour être acceptée. Garance a de la chance, elle bénéficie d'un atout rare : elle est diablement belle. Chaque marche qui la rapproche de son but passe par les étapes de son ascension « sociale ». de photos postées, de likes en tweets, sa popularité s'accroît : elle se sent enfin exister. «Un like affirme votre présence au monde. » D'inconnue, elle devient « populaire ». de seule, elle se targue désormais de faire partie d'une meute. Jusqu'au jour où elle participe au concours Élite présent dans sa ville. La meute aux dents bien acérées se réveille. Plus dure sera la chute….

« D'un côté, les parents qui tentent de suivre la vitesse à laquelle internet tourne avec l'impression que leurs enfants en savent toujours plus qu'eux, qu'ils sont sans cesse à la traîne (…). de l'autre, les gosses qui utilisent internet comme un espace de ralliement. Comme s'ils préparaient une guerre, ils se réunissent tous les jours au même endroit qui n'existe pas géographiquement, par conséquent inattaquable, bien mieux protégé que n'importe quel autre territoire sur le globe. Ils sont déjà une armée.(…) c'est une nouvelle ère morale. Tous les élèves d'un lycée bourgeois de ville moyenne se sont élevés au-dessus des fondements de la société plurimillénaire qui les a enfantés, pour traquer l'une des leurs sur internet. »

Mon émotion est intense depuis la fermeture de « Elle a menti pour les ailes ». Une lecture en apnée, ponctuée de sueurs froides et de coups de chaud tant le sujet est d'actualité… Une peur panique lancinante, car je suis maman de 3 filles de surcroît… Ce roman regroupe à lui seul la somme des possibles de tout ce qui peut très mal tourner lorsque l'on autorise ses enfants à s'inscrire sur les réseaux sociaux. Un engrenage qui se transforme en tsunami. L'ignorance de ce qui se trame vraiment dans les chambres de nos adolescents, particulièrement dans l'une des miennes, ne me quitte pas.

La construction du roman, très pertinente, oscille entre le vécu de Garance, une enquête ouverte suite à sa disparition, des pans de vie passés au sein d'une meute prête à tout pour défendre son territoire. Ajoutez-y de multiples digressions, la transcription de messages envoyés entre les différents protagonistes sur les réseaux et vous obtenez un roman authentique, téméraire et perspicace. D'une simple jalousie entre filles, d'une première expérience commune, découle un enchaînement de conséquences qui défie l'entendement. « Le regard des autres, elle s'y soumet une fois, elle s'y soumettra toute sa vie. »

Écrit par Francesca Serra, qui a elle-même moins d'une quarantaine d'années, ce roman est le reflet d'une génération, les millenials (nés entre le début des années 80 et la fin des années 90) en passe de devenir la génération Z (génération née alors que le numérique est déjà bien installé). S'il s'agit là d'un premier roman, et quel admirable premier roman, l'auteur s'est immergée avec force et violence dans un monde qui n'est pas le sien : celui de ses contemporains nés avec un téléphone au bout des doigts. Quand nous rentrions de l'école, la « guerre » hebdomadaire que nous livrions parfois au lycée était bel et bien terminée… jusqu'au lendemain. Ici, elle continue par le biais d'applications capables de « (…) broyer son âme en cent quarante caractères ». Il n'est pas question de leçon de morale, encore moins d'asséner du « c'était mieux avant ». le récit se contente de dresser un constat de ces millenials grâce à une immersion totale dans leur quotidien, leurs pensées, leurs modes de fonctionnement, leur pouvoir dématérialisé, mais bien réel. Celui qui détient le pouvoir est celui qui fait la pluie et le beau temps sur internet. C'est à celui qui obtient le plus de likes sur Instagram, de retweets, de questions sur Ask, de vues sur Snapchat. Pour un premier coup, c'est un coup de maître tant l'horreur supputée plane. Finalement, la réalité vécue dépassera toutes les estimations, tant la vie de Garance va être bouleversée.

Ce conte social, cruel, mettant en scène une jeune fille bannie de sa meute à cause de sa beauté ensorcelante et de sa participation à un concours de mannequin laisse entrevoir combien le chant des sirènes, être acceptée dans un groupe de Terminale lorsqu'on est en Seconde, peut s'avérer très différent du résultat escompté. Garance est une jeune femme seule, un papillon attiré par la lumière qui rêve de faire partie d'une bande sans en mesurer le prix à payer. La cruauté adolescente n'a pas aucune limite, Garance sera jetée en pâture aux lions invisibles du net. « Ils sont relativement nombreux à avoir un avis sur la façon dont elle devrait se suicider. Ça fait quarante-trois jours, elle a compté. Quarante-trois jours que Garance est internée sur internet. »

Francesca Serra possède une plume d'un hyperréalisme cinglant lorsqu'elle décrit ce microcosme intime et qu'elle déroule son implacable tragédie romanesque. Parfois jaillissent des passages d'une profonde poésie, d'autres d'une intense désolation, pourtant terriblement réalistes. le lecteur passe par tous les états : de la solitude honnie de Garance à son hyper connectivité, de l'intégration au rejet, du bonheur fou à la désespérance totale.

« Il n'a pas de rédemption possible et Garance le sait. » Ce roman contemporain, terriblement noir, met le doigt sur toutes les choses que votre ado vit et ne vous dit pas, sur tout ce qui passe dans sa tête, sur chaque émotion décuplée par le pouvoir social, sur chaque message reçu sur des téléphones qui ne cessent de biper. Ce roman est le quotidien de nos adolescents.

« Vous êtes sur internet. Vous pouvez avouer les pires saloperies que vous avez faites à vos plus proches amis, vos pensées les plus crasseuses, vos fantasmes les plus malsains, vos opinions les plus niaises avec la certitude d'être adoubés par d'autres. » Ce roman est le reflet du quotidien de nos adolescents.

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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Je ne rajouterai rien à la brassée d'éloges recueillis par ce roman, juste quelques lignes pour approuver ce qui en a été dit ici et ailleurs : un premier roman plein de qualités, une écriture riche et immersive, une intrigue qui colle parfaitement à la réalité de son époque, et une plongée dans l'adolescence comme si on retournait dans la nôtre avec internet et les réseaux sociaux en plus. Garance nous énerve, nous attendrit, nous fait vibrer, nous fait pleurer, et Francesca Serra maîtrise son histoire et ses personnages avec brio. Pas de jugement, pas de remise en question artificielle, mais une description de ce que sont les vies de ces jeunes en quête d'identité, comme nous l'avons tous été un jour, sauf qu'eux sont (ou ont l'impression) d'être visibles partout et tout le temps, et doivent se construire avec ça... Une photographie de la société riche d'enseignements. Un roman passionnant. Et en plus, Ilarène m'a beaucoup évoqué Ajaccio ! (Pas étonnant quand on sait que l'auteure en est originaire...).
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LA belle surprise de cette rentrée. Celui qui ne te tente pas vraiment juste parce que la couverture n'est pas à ton goût (soyons honnête il nous arrive tous de choisir au physique). Une ou deux chroniques passent et tu te décides à lire enfin la 4eme (ce que je ne fais jamais) et là tu te dis ok, banco, on fonce !!

Au petit déjeuner, entre une ou trois tartines, j'ai lu 19 pages. Je me souviens très bien du nombre parce que j'ai su que j'étais ferrée et que j'étais prête à annoncer le troisième décès de mon grand-père à mon boss pour ne pas aller au travail. Ces 19 pages m'ont fait l'effet d'une bande annonce. Il me fallait connaître la suite.

Dans une petit ville côtière du sud-est de la France, Garance vit ses 15 ans. Incroyablement belle, c'est une ado sans problème, bien élevée, pas de soucis scolaire. Fille d'une professeur de danse, elle n'est pas du genre meneuse. Elle ambitionne d'intégrer un groupe d'amis de terminale, un groupe populaire, le groupe qui attire l'attention de tout leur lycée bourgeois. Garance y parvient…le gentil teen-movie déraille….elle entre dans la fosse aux lions…puis disparait…

L'envie d'appartenir à un clan à l'adolescence n'est pas une nouveauté. Mais nous sommes en 2015 et la meute dispose de nouvelles armes : les réseaux sociaux. Garance et ses amis sont les représentants d'une génération qui est la première à être née avec ces outils. Fresque sociale sur la génération des milléniaux, le roman de Francesca Serra pose un regard presque anthropologique sur cette jeunesse formatée par les RS sur lesquels on est voyeur de la vie des autres. Un perpétuel processus de comparaison s'installe, générant de la frustration et de la tristesse. Mais finalement ça ce n'est que le côté soft des dangers d'internet. le pire, on le sait, c'est la facilité avec laquelle on peut dorénavant harceler quelqu'un bien caché derrière un écran.

L'auteur s'approprie les codes d'écritures des textos et des réseaux, avec # et émojis. Un choix formel qui fait tout le style et toute l'originalité du roman. On zappe de WhatsApp, à Snap, à Instagram pour mieux revenir au classique monologue intérieur ou à l'enquête sur la disparition de Garance. Ça donne un récit tonique et hyperréaliste, totalement mature pour un premier roman.
Un mini bémol tout de même. le récit aurait selon moi mérité d'être plus resserré. Et c'est vraiment dommage parce que la construction est maline, l'histoire addictive. L'ensemble reste impressionnant et si comme moi vous êtes adepte des romans qui nous parlent de l'adolescence, ne passez surtout pas à côté.

Lauréat du prix littéraire le Monde 2020
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